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Au programme de mon émission sur YouTube, Mississippi Fred McDowell, (rubrique « Un blues, un jour »), et Albert King (rubrique « Sur scène »).

À mes yeux, rien n’incarne mieux le blues que la guitare slide, et je suis un fan absolu de cette « technique ». De même, je connais peu de bluesmen qui incarnent aussi bien la guitare slide que Mississippi Fred McDowell. Sachant qu’il est né le 12 janvier 1906, je ne pouvais passer à côté du 113eanniversaire de sa naissance. Malgré le « Mississippi » indissociable de son nom, McDowell vient de Rossville, dans le Tennessee. Il y passera d’ailleurs toute son enfance, y apprendra la guitare à l’âge de 14 ans, découvrant la slide avec un oncle qui utilisait pour jouer un os creux de bœuf qu’il passait à son doigt… On connaît en fait assez mal ses premières années, sur lesquelles il s’attardait d’ailleurs peu quand on le questionnait à ce propos. Sa mère essaya de l’orienter vers le chant à l’église, mais il semble l’avoir perdue assez jeune, et on ne sait trop ce qu’il advint de son père… En tout cas, vers le milieu des années 1920, il commence à se produire dans les rues dans la région de Memphis, où il travaille également dans une usine de transformation du coton.

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© : GetSongbpm

Puis il s’installe dans le Delta, pour une vie rurale caractéristique des familles de la région, entre travaux de la ferme et moments libres (soirées, week-ends, animation de rencontres locales appelées picnics, fish fries ou house parties) consacrés à a musique. Il semble se fixer à Como dans les années 1940, mais sur ce point, rien n’est formellement établi, il y est peut-être venu bien plus tard. En tout cas, durant cette période, McDowell joue certainement déjà la musique que l’on découvrira quand il commencera à enregistrer à la fin des années 1950. Basé sur une cadence infernale à l’aise de son pouce (il avait un sens irréel du rythme), son jeu instinctif de slide qui prolonge sa voix traînante est bien plus complexe qu’il n’y paraît, tout en nuances et en toucher. Quand on l’écoute et surtout quand on le regarde jouer, on s’aperçoit qu’il balaie les cordes, qu’il les caresse, on a même parfois l’impression qu’il ne les touche pas. Ce musicien tissait une toile dans laquelle on se prend invariablement, il dégageait un incroyable magnétisme. En cela, bien que sa musique soit très répétitive, il ne générait jamais l’ennui. Fred McDowell était bel et bien unique et inimitable, il n’a d’ailleurs pas inspiré d’école, et les rares guitaristes qui essaient de l’imiter ne sont que de lénifiants plagiaires.

En 1959, bénéficiant d’une réputation croissante dans le Delta, il est découvert et enregistré par Alan Lomax et la chanteuse anglaise de folk Shirley Collins. C’est le début du Blues Revival, dont McDowell est une des principales découvertes, même s’il entame sa carrière plutôt tardivement car il a désormais 53 ans. Mais il rattrape son retard, fascine les audiences des plus grands festivals américains, tout en prenant part à des tournées internationales face à un public subjugué de découvrir une musique dont il ne soupçonnait pas même l’existence. McDowell réalise de très nombreux albums durant les années 1960 et jusqu’au début de la décennie suivante, son puissant charisme lui permettant de ne jamais décevoir. Sa mort le 3 juillet 1972 à l’âge de 66 ans laisse un vide qui ne sera jamais comblé, et Mississippi Fred McDowell est bien une figure centrale du blues, pour l’éternité.

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© : AllMusic

Dans mon article du 21 décembre 2018, j’avais déjà passé un titre de McDowell en ouverture de ma série d’enregistrements live marquants. Aujourd’hui, pour mon émission, j’ai choisi de le mettre en scène en tant qu’accompagnateur de la chanteuse Big Mama Thornton, qui avait enregistré à Londres en 1965 lors de la tournée de l’American Folk Blues Festival l’album « In Europe » (Arhoolie, 1966). J’ai retenu Schoolboy, un des morceaux les plus hallucinants qu’il m’ait été donné d’entendre. Les deux artistes sont habités, ils commencent en douceur pour mieux nous emporter, le tout s’achevant dans une improvisation débridée où transe et ferveur viennent s’acoquiner… Étant quasiment inconditionnel de cet artiste, il m’est particulièrement difficile de conseiller des albums plus que d’autres, d’autant qu’il en a réalisé beaucoup, sans parler de ceux qui sortiront après sa mort… Mais comme il faut se lancer, disons que « The Alan Lomax Recordings » (1959, l’album de sa découverte sorti en 2011 chez Mississippi), (« Amazing Grace »(1966, sorti en 1969 chez Testament), « Mississippi Fred McDowell and Johnny Woods – Mama Says I’M Crazy » (1967, sorti en 1971 chez Revival sous le titre « Eight Years Ramblin’… » mais introuvable, réédité par Fat Possum), « I Do Not Play No Rock ‘N’ Roll » (Capitol, 1969), « Live at the Mayfair Hotel » (1969, sorti chez Infinite Zero en 1992), « I Do Not Play No Rock ‘N’ Roll » (Capitol, 1969) et « Live in New York » (Oblivion, 1973, également connu sous le titre « Live at the Gaslight) devraient appartenir à toute discothèque de blues qui se respecte…

 

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© Discogs

En deuxième partie, je ferme aujourd’hui ma série de live marquants, car à partir de la semaine prochaine, je reprendrai donc le cours normal des rubriques « En tournée » et « Sur scène », consacrées à l’actualité des tournées et des concerts en France. Pour cette dernière, et pour finir en beauté, vous savez sans doute lu l’été dernier dans le numéro 231 de Soul Bagle dossier dédié aux enregistrements en public avec 50 albums live marquants. Ce dossier se basait sur les 50 ans de la sortie chez Stax du « Live Wire/Blues Power » du grand Albert King, enregistré les 26 et 27 juin 1968 au Fillmore Auditorium de San Francisco. Un disque formidable qui mettait en avant tout le magnétisme d’Albert King.

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© Discogs

Le 33-tours d’époque comptait seulement six morceaux car plusieurs étaient très longs, il n’y avait simplement pas la place d’en mettre plus. Mais pour notre plus grand bonheur, en 1990, deux CD sont sortis chez Stax avec d’autres morceaux enregistrés lors des mêmes concerts, intitulés « Wednesday Night in San Francisco » et « Thursday Night in San Francisco ». J’ai donc souhaité terminer ma propre série de morceaux live marquants avec un titre d’Albert King tiré de ces concerts mémorables, et choisi un morceau popularisé à l’origine par Tommy McClennan en 1941, mais dont King fit un de ses propres classiques, Crosscut Saw.

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© Discogs