© : Soul Bag.

Il y a quasiment trois ans jour pour jour, j’avais consacré ici deux articles à Junior Wells, le 10 janvier 2019, puis le 17 janvier. Je ne m’étais alors pas attardé sur la biographie du célèbre chanteur et harmoniciste de Chicago, mais sur un coffret de six CD sorti par Cleopatra, « Box of Blues ». Lequel coffret ne m’avait que partiellement convaincu, pas pour la musique de Junior, presque toujours exceptionnelle, mais par sa présentation, ses informations lacunaires, la qualité sonore douteuse et le choix de certains titres relevant du « fond de tiroir »… Côté biographie, j’avais consacré à la même époque un dossier complet à ce bluesman hautement original dans le numéro 233 de Soul Bag. Je vous propose d’en lire ou relire l’intégralité ci-dessous, avec des photos différentes. 

JUNIOR WELLS, L’EFFRONTÉ DU BLUES
© : Soul Bag / Daniel Léon

Encore enfant, Junior Wells sortait son harmonica sans crier gare et se ruait sur les scènes des clubs de Chicago. Une insolence qui favorisera une intégration rapide parmi ses aînés prestigieux. Mais sa précocité n’était pas celle d’un écervelé. Car le bluesman ne négligeait rien. Ni les musiciens qui l’accompagnaient, les meilleurs de leur temps, ni ses influences variées, dont James Brown, ni son allure soignée, chaque cheveu bien plaqué, tout comptait. Junior Wells a tiré du blues crotté du Sud un style et une musique qui éveillent les sens. Un blues à son image, très mûr pour son âge.

La couverture du numéro 233 de Soul Bag.

Comme bien d’autres, le mot anglais funk peut se travestir. Pour nous, il évoque d’abord un style musical. Mais le premier dictionnaire vous le dira, funk peut signifier cafard, mal-être… comme le terme blues, qui désigne aussi une musique ! Et à une lettre près, les deux mots viennent même fusionner dans l’expression « in a blue funk », qui se traduit par « avoir le moral à zéro »… Bien sûr, si on pousse un peu la recherche, d’autres masques tombent et dévoilent différents sens. Ainsi, funkqualifie aussi cette odeur entêtante dégagée par la sueur à force de « secouer frénétiquement son popotin en dansant », et même celle qui stimule l’attirance sexuelle entre deux êtres. On s’aventure là sur les rives du sexe, ce qui ne saurait surprendre, car là encore, de funk à fuck, il s’en faut d’une lettre…

Junior Wells, disparu il y a vingt ans, fut le roi incontesté d’un blues unique, « mâle » et mâtiné de funk. Polyvalent mais surtout ambivalent, il avait le (double) sens de la formule et de l’attitude. Il se faisait appeler « Sexy Bitch », mais il s’agissait d’attirer avec une certaine volupté, pas de se comporter vulgairement. Et s’il était maniaque, aimait se transformer et soigner ses tenues de scène, il évitait toujours l’ostentation, maîtrisant la différence entre fausse épate et vraie superbe. Sur scène, il incarnait une forme de classe tout en contrôle. Certes, il n’était pas parfait. Assez imprévisible, il flirta avec la délinquance (il vola un de ses premiers harmonicas à Chicago), et une fois adulte, fut prompt à dégainer son arme pour se faire respecter. Mais une petite frappe généreuse, et qui retrouvait toujours la paix auprès de sa mère, qu’il ne quittera jamais vraiment et qui restera finalement la femme de sa vie (il aura toutefois des enfants dont cinq… garçons !). Provocateur, manipulateur, théâtral, Junior Wells était surtout très intelligent et formidablement doué. S’appuyant sur ses propres paradoxes, il créera une musique swinguante et virile, parmi les plus originales et les plus excitantes du blues moderne.

Au Queen Bee’s à Chicago avec Bobby King (g). Vers 1975. Collection André Hobus / Soul Bag.


Sa propre histoire débute le 9 décembre 1934, quand il naît Amos Wells Blakemore, Jr., sans doute à West Memphis, même si certaines sources citent Memphis. Un détail car seul le Mississippi sépare les deux villes, à la frontière de l’Arkansas et du Tennessee. Nul ne sait réellement ce que faisait son père, Sylvester Wells, mais Junior Wells continuera de le visiter ponctuellement une fois installé à Chicago. Sa mère, Lena Blakemore, est femme de ménage, et selon le bassiste des Rolling Stones Bill Wyman, elle arrondissait ses fins de mois en fabriquant de l’alcool de contrebande avec le pianiste de blues Sunnyland Slim. Ce qui n’est pas totalement saugrenu car Junior Wells grandit dans une ferme du côté de Marion, une ville qui jouxte West Memphis au nord.
Sa propre histoire débute le 9 décembre 1934, quand il naît Amos Wells Blakemore, Jr., sans doute à West Memphis, même si certaines sources citent Memphis. Un détail car seul le Mississippi sépare les deux villes, à la frontière de l’Arkansas et du Tennessee. Nul ne sait réellement ce que faisait son père, Sylvester Wells, mais Junior Wells continuera de le visiter ponctuellement une fois installé à Chicago. Sa mère, Lena Blakemore, est femme de ménage, et selon le bassiste des Rolling Stones Bill Wyman, elle arrondissait ses fins de mois en fabriquant de l’alcool de contrebande avec le pianiste de blues Sunnyland Slim. Ce qui n’est pas totalement saugrenu car Junior Wells grandit dans une ferme du côté de Marion, une ville qui jouxte West Memphis au nord.

Junior Wells à neuf ans. © Bob Corritore.

À la rue à 7 ans !

Il chante un peu à l’église avec d’autres enfants et se lie d’amitié avec un certain Herman Parker, de deux ans son aîné. Ce dernier, plus tard célèbre sous le nom de Little Junior Parker, joue de l’harmonica, ce qui fascine le jeune Amos, qui se met à l’instrument, particulièrement motivé : « On a été élevés ensemble et il jouait de l’harmonica. Je me suis dit que je pouvais le faire, tout comme lui. »1Sensibles à son intérêt mais assez peu concernés par la musique, ses parents essaient mollement de l’orienter vers le gospel, en vain. D’autant qu’en grandissant, il commence à suivre un peu partout son copain pour voir d’autres musiciens et même jouer dans les rues, il aurait ainsi débuté vers l’âge de 7 ans ! Une précocité qui marquera chaque étape de sa carrière. Si Junior Parker est sa première grande influence, Wells cite aussi des bluesmen plus expérimentés actifs dans la région (notamment à West Helena), dont Howlin’ Wolf et surtout Sonny Boy Williamson II, un autre mentor : « Il y avait Sonny Boy et Junior Parker quand je vivais dans l’Arkansas. J’étais censé aller travailler aux champs, cueillir le coton mais je n’aimais pas ça et je préférais aller jouer avec eux… »2

Peu après, ses parents se séparent et sa mère déménage avec ses trois filles à Chicago, une ville que son fils découvre lors de visites dans la première moitié des années 1940. Très logiquement, Junior Wells s’y installe à son tour en 1946. Bien qu’il n’ait qu’une douzaine d’années, il attire l’attention de bluesmen bien plus âgés que lui comme le pianiste Memphis Slim, le guitariste Tampa Red et le pianiste-harmoniciste Johnnie (Little Johnny) Jones, ces deux derniers s’arrangeant pour le faire entrer dans les clubs, en toute illégalité bien sûr, et voit ainsi Muddy Waters, Little Walter, Big Maceo, Sunnyland Slim… En avril 1997, Wells reviendra sur ces étonnants débuts dans une interview accordée au journaliste Allan Murphy : « Tampa avait l’habitude de jouer dans la rue près de chez moi au coin de la 22e rue et de Prairie [C & T Lounge]. Je ne pouvais aller là-bas car j’étais gosse. Mais je m’asseyais devant, à l’extérieur, pour jouer en les écoutant. Un soir, Johnnie Jones, qui jouait alors du piano, est sorti, il m’a entendu jouer de l’harmonica et m’a dit « Allez, entre donc là-dedans ». Mais je ne pouvais pas car Mrs. Jeffries [la gérante] ne l’autoriserait pas. Alors il est rentré pour dire aux gens que je jouais dehors, et quelques personnes sont sorties, qui ont tanné Mrs. Jeffries pour qu’elle me laisse entrer. Elle a cédé et j’ai pu jouer quelques chansons. Mais j’ai dû ressortir. Après ça, j’ai commencé à harceler Tampa Red pour qu’il m’emmène dans d’autres clubs. Et petit à petit, on m’a laissé prendre les pourboires que les gens voulaient bien me donner. J’ai donc décidé de vraiment m’activer, et de plus en plus de musiciens, des musiciens plus âgés, ont aussi commencé à me prendre avec eux. »

Des as dans les manches

Cette scène se déroule sans doute en 1947 ou 1948. À la même époque, Junior Wells, encore souvent appelé Little Junior, croise aussi Sonny Boy Williamson, mais le premier du nom, qui lui fait prendre conscience de ses limites, comme il l’avouera à Larry Birnbaum dans DownBeat : « J’avais déjà les bases de mon style et je me croyais capable de jouer, mais en l’entendant je réalisai qu’il me restait un long chemin. Il m’apparut bien plus professionnel que moi et j’entrepris de lui demander des tuyaux. » Dès lors les choses s’accélèrent. Hyper motivé mais désargenté, l’adolescent frondeur se démène et va même jusqu’à voler un harmonica, lors d’un épisode connu mais savoureux. Ayant vu un harmonica à 2 dollars chez un prêteur sur gages sur Harrison Street, il rassemble 1,50 dollar en séchant l’école pour travailler une semaine chez un livreur de soda. De retour chez le prêteur, il profite d’un moment d’inattention de celui-ci pour laisser son maigre pécule et s’enfuir avec l’harmonica… Poursuivi par le vendeur, il bénéficie d’un juge magnanime : quand il lui demanda pourquoi il avait volé l’instrument, Wells répondit qu’il devait avoir cet harmonica. Le juge l’invita à jouer un air, et apparemment séduit, régla les 50 cents restants et classa l’affaire !

On peut dire en exagérant à peine que la carrière de Junior Wells démarre dès 1948, à l’âge de quatorze ans ! Il côtoie en effet depuis quelque temps Louis (voc, g, hca) et Dave (b) Myers, qui sont évidemment plus âgés que lui, car nés en 1929 et en 1926, respectivement. L’expérience des deux frères favorise son intégration dans un trio auquel on prêtera différents noms au gré des sources : Little Chicago Devils, Deuces, Three Deuces, Three Aces, Four Aces… Mais en 1950, rejoints par le batteur Fred Below, ils optent définitivement pour The Aces, les as ! Sous les influences jazzy de Louis Myers et de Fred Below, les Aces se distinguent du blues de Chicago encore très marqué par la rudesse du Delta, et leur musique souple et moderne pour l’époque leur vaut rapidement de s’imposer parmi les formations les plus en vue et surtout les plus influentes. Nul doute que Junior Wells puisera là une belle part de son inspiration pour façonner son propre style un peu « raffiné »…

Le single Chess 1542 de Muddy Waters, sur lequel intervient pour la première fois sur disque un très jeune Junior Wells, alors seulement âgé de dix-sept ans… © : Stefan Wirz.

Toujours vers 19503, il se serait invité sur scène en plein concert de Muddy Waters alors accompagné de Little Walter à l’harmonica, qui qualifia Wells de « demi-portion » car il dut monter sur une caisse de Coca pour atteindre le micro. Mais après l’avoir entendu, Walter fut bien plus respectueux et Wells affirma s’être fait 45 dollars de pourboires ce soir-là ! Son comportement bravache et ses efforts un peu désordonnés finissent par payer et Muddy s’intéresse à lui. En 1952, Little Walter, désireux de voler de ses propres ailes, quitte Muddy, qui le remplace par Junior Wells. Et selon le principe des vases communiquants, Walter rejoint les Aces, les anciens musiciens de Wells… Le 12 mai 1952, sur le single Chess 1542 de Muddy Waters, sept mois avant ses dix-huit ans, le nom de nom de Junior Wells apparaît pour la première fois sur disque, sur le blues lent archétypal Who’s gonna be your sweet man, sur lequel il souligne la slide et la voix du maître. Quatre mois plus tard, le 17 septembre, toujours pour Muddy, il joue sur les deux titres du single Chess 15264, plein d’intensité sur Standing around crying, et le temps d’un solo maîtrisé et fougueux sur Gone to Main St. En seulement trois morceaux, il démontre toute sa maturité et son expressivité.

Le 17 septembre 1952, trois mois avant ses dix-huit ans, sur une face de ce qui deviendra le single Chess 1542 de Muddy Waters (Little Walter à l’harmonica sur l’autre), le nom de Junior Wells apparaît pour la première fois sur disque, sur le blues lent Who’s gonna be your sweet man, sur lequel il souligne la slide et la voix du maître. Le même jour, sur les deux titres du single Chess 15264, il joue en intensité sur Standing around crying et sort un solo maîtrisé et fougueux sur Gone to Main St. Trois morceaux suffisants pour démontrer toute sa maturité et son expressivité.

D’emblée parmi les meilleurs

Le 8 juin 1953, il grave pour le label States ses deux premiers titres sous son nom (Cut that out/Eagle rock) avec un casting royal : ses anciens compères des Aces les frères Myers (g, b), Johnny Jones (p), Elmore James (g) et Odie Payne, Jr. (dm). On y décèle ses influences, à commencer par Sonny Boy Williamson I sur Cut that out. Mais l’instrumental et plus audacieux Eagle rock, avec un phrasé qui rappelle d’abord Sonny Boy Williamson II, sonne surtout comme une réponse au Juke de Little Walter… Avec les mêmes sauf Elmore, il signe Hodo man (orthographié ensuite Somebody hoodooed the hoodoo man puis simplement Hoodoo man), une reprise « déguisée » du Hoodo hoodo de Sonny Boy Williamson I. Un futur incontournable de son répertoire qu’il choisira en 1966 pour intituler son premier album, « Hoodoo Man Blues », un chef-d’œuvre sur lequel nous revenons par ailleurs. Quant à sa voix (que l’on découvre donc sur Cut that out), bien que juvénile, elle a déjà cet aplomb et ce ton syncopé qui feront sa marque. En réécoutant ces premières faces avec du recul, on constate que Junior Wells rivalisa d’emblée avec les meilleurs du Chicago blues, en plein âge d’or !

Parallèlement, il continue d’accompagner Muddy Waters, mais il est appelé l’année suivante sous les drapeaux, à son grand désarroi : « Je n’étais pas un soldat, c’est tout. » Il n’hésite pas à déserter et réapparaît en avril 1954 sous son nom pour States, accompagné de Muddy mais aussi d’Otis Spann, des frères Myers, de Willie Dixon et de Fred Below : lors de cette « fugue », il réalise notamment deux titres parmi les plus notables de son répertoire, ‘Bout the break of day et Lawdy! Lawdy!. Après sa libération en 1955, il forme de « nouveaux » Aces avec Syl Johnson, Dave Myers et Fred Below. S’il collabore avec les meilleurs bluesmen des frères Chess, Wells n’enregistre pas pour la marque. Il se tourne alors vers Mel London, fondateur en 1957 des labels Chief et Profile, qui en fait avec Elmore James son fer de lance. Dès lors, les succès se multiplient : Two headed woman (1957), Little by littleCome on in this house (les deux probablement fin 1959) et bien sûr Messin’ with the kid (1960) deviendront des standards.

Junior Wells continue de s’entourer de musiciens de très haut niveau, dont les frères Myers (g, b), Syl Johnson, Lacey Gibson et Earl Hooker (g), Lafayette Leake, Johnny « Big Moose » Walker et Otis Spann (p), Donald Hankins (sax), Willie Dixon et Earnest Johnson (b), Eugene Lyons et Fred Below (dm)… Parallèlement, sans doute en 1958, il rencontre Buddy Guy, prélude à la formation durant la décennie suivante d’un duo auquel nous consacrons un encadré spécifique. Son début des années 1960 compte d’autres titres remarquables, notamment ceux de 1961 magnifiés par la guitare d’Earl Hooker : I need me a carI’m a strangerI could cryThe things I’d do for youIt hurts me too… En outre, il fait évoluer sa musique, compose davantage (plusieurs de ses chansons de la période sont créditées à Mel London mais il en est au moins l’inspirateur…), donne plus de place à sa voix dont il exploite de mieux en mieux la souplesse, tout en empruntant plus à James Brown (tenue et jeu de scène), sans pour autant se ridiculiser et encore moins trahir un blues qu’il tire en fait vers le haut.

Une influence qui s’élargit

Cette approche novatrice et moderne, alliée à la fièvre engendrée par sa musique, lui permet d’élargir son influence, aussi bien auprès des amateurs de soul/funk que de rock. On l’oublie un peu, et Dave Thompson nous le rappelle judicieusement dans les notes du livret « Box Of Blues », mais Junior Wells fut une des premières sources d’inspiration des pionniers du blues rock britannique comme Long John Baldry et Cyril Davies, puis bien sûr Mick Jagger et John Mayall, mais également américain (Paul Butterfield, Magic Dick du J. Geils Band). Après Mel London, Wells figure en 1963 et 1964 sur quelques singles USA, puis Bob Koester, fondateur du label Delmark, entre en scène en 1965. Junior Wells et Buddy Guy se connaissent mais ne se fréquentent que sporadiquement, même si, dès décembre 1960, le second accompagnait le premier sur quatre titres enregistrés pour Chess (voir encadré). En septembre 1965, après un concert de Wells au Theresa’s Lounge, Koester décide de les associer, et Delmark sort « Hoodoo Man Blues » (d’un point de vue officiel, il s’agit du premier album de Junior Wells), toujours considéré comme un disque majeur.

Junior Wells, Jack Myers, Buddy Guy au Theresa’s Lounge, 1966. © : Sam Charters, courtesy Jefferson Magazine et Stefan Wirz.

L’expérience réussie rapproche les deux hommes, d’autant qu’ils partagent alors un grand attrait pour la musique et l’approche scénique de James Brown. Dès l’année suivante, Wells (désormais produit par Sam Charters chez Vanguard) demande donc naturellement à Guy de l’accompagner sur son album « It’s My Life Baby ». La tradition l’emporte sur l’audace de « Hoodoo Man Blues » mais c’est du solide Chicago blues. Junior Wells tourne en Europe (American Folk Blues Festival en 1966) et en Afrique (1967), mais sans Buddy. Ils reviennent en 1968 sur « Coming At You », un peu noyé par les cuivres (un saxo, un trombone et trois trompettes !), et sur lequel Wells cède trop aux reprises (Junior Parker, Willie Dixon, Sonny Boy Williamson II, Willie Cobbs, Big Maceo, John Lee Hooker…). Un album funky sans Buddy sort au même moment chez la filiale de Mercury Blue Rock, « You’re Tuff Enough ». Pour la même marque, sur « Sings Live At The Golden Bear » (1969), il est intéressant d’entendre Wells en public, mais il est rattrapé par son péché mignon et se contente d’une seule composition sur les dix chansons…

Les géants du blues Buddy Guy and Junior Wells en coulisse au The Bottom Line SN 1045-14. © : Allan Tannenbaum.


Junior Wells s’est vite imposé dans l’univers féroce des clubs de Chicago dont les plus convoités du South Side (708 Club, Pepper’s Lounge, Theresa’s Lounge…), ou sur Maxwell Street plus près du West Side. Il le doit à son immense talent artistique, mais aussi à son activité incessante et à sa personnalité intraitable. Car, bien que raillé pour sa petite taille, il ne craignait pas ses pairs, même illustres, et bravait les « conventions », comme il l’évoquait avec Allan Murphy : « J’ai joué quelques fois sur Maxwell Street avec Little Walter, on avait l’habitude d’aller là-bas le dimanche matin. Muddy Waters n’aimait pas ça car il disait qu’en jouant ainsi dans les rues on donnait une mauvaise image de lui. Mais à l’époque la fédération des musiciens payait dans les 12,50 dollars par soirée, alors que le dimanche matin, avec Little Walter, on repartait avec 200 ou 300 dollars en poche. » Violent et d’autant plus sûr de lui qu’il sortait toujours armé, il était généreux avec ses musiciens et les défendait face au racket des gangs. En employant parfois des moyens radicaux, ce dont Bob Koester se souvient : « Peu avant sa fermeture, les musiciens du Pepper’s Lounge étaient harcelés par un gang qui exigeait une taxe pour laisser entrer chaque instrument et ampli dans le club. Je suppose que Lefty Dizz, qui accompagnait alors Junior Wells à la guitare, ne voulut pas payer. Ils lui sont carrément tombés dessus sur scène pendant un set. Un gangster et Junior furent éjectés à travers une baie vitrée, et il se dit alors que Junior ferait bien de ne pas se repointer sur la 43e rue pour son prochain concert. Un soir quelques jours plus tard, Junior gicla de sa voiture avec un fusil de chasse, tira en l’air, et la 43e rue devint aussi sûre qu’après le passage du légendaire Two-Gun Pete… »5

Entre routine et reconnaissance

Wells retrouve Buddy Guy en décembre 1969 pour une session acoustique inattendue (mais très recommandable) dont Blue Thumb fait l’album « Buddy And The Juniors », les juniors en question étant Junior Wells et le pianiste de jazz Junior Mance. Ce disque sort en fait en 1970, et les deux artistes conviendront toujours que leur collaboration commença vraiment cette année-là. Presque au même moment, Delmark les réunit sur « South Side Blues Jam », où Wells retrouve certains compères « historiques ». Leur réputation leur vaut aussi de tourner avec les Rolling Stones et ils accèdent au rang de « stars » du blues.

Jusqu’au début des années 1980, ils réalisent ensemble d’autres albums (« Play The Blues », « Live In Montreux », « Pleading The Blues », « Going Back »), sans innover mais leur talent génère des moments brillants, notamment sur le somptueux (et acoustique) « Going Back ». Sur scène, ils tombent de plus en plus dans la routine et la facilité (d’autant que le répertoire personnel de Wells n’évolue plus), et des live inégaux paraissent, souvent plusieurs années après leur enregistrement, dont « Drinkin’ TNT ‘N’ Smokin’ Dynamite » (réintitulé « Messin’ With The Kids – Live At The 1974 Montreux Jazz Festival ») et « Live At Theresa’s 1975 », qui méritent l’écoute. Durant cette période, Wells signe un seul album sans Buddy, « On Tap » en 1974. Il faudra attendre 1990 pour le suivant, « Harp Attack! » pour Alligator, qui relance sa carrière un peu en veilleuse. Ensuite chez Telarc, il réalise trois disques en studio, « Better Off With The Blues » (1993), « Everybody’s Gettin’ Some » (1995) et « Come On In This House » (1997), et un en public, « Live At Buddy Guy’s Legends ». Enregistré en novembre 1996 chez Buddy (mais sans lui !), ce CD sort en juin 1997 et démontre combien Wells conservait le sens de la scène… et du funk ! Trois mois plus tard, en septembre, Junior Wells, qui souffre d’un cancer, est victime d’une crise cardiaque qui le plonge dans le coma. Il ne se réveillera plus et s’éteint le 15 janvier 1998 à soixante-trois ans, avant d’être inhumé près de la mère.

Dans la foulée, il entre au Blues Hall of Fame (tout comme sa chanson phare Messin’ with the kid), et ses autres distinctions portent sur ses dernières réalisations, avec un Blues Award pour « Come On In This House » et une nomination aux Grammys pour « Live At Buddy Guy’s Legends ». Toujours en 1998, on le voit dans le film Blues Brothers 2000, des images tournées deux ans plus tôt. Sa disparition en pleine reconquête est celle d’un harmoniciste et chanteur de premier plan, et d’une figure majeure d’un Chicago blues dont il bouscula sans vergogne les codes. Sa musique, mélange improbable de Delta blues electrifié, de West Side Sound, de funk et de R&B aux accents afro-caribéens, restera parmi les plus originales.

Junior Wells au Theresa’s Lounge. © : Marc PoKempner

1. Bill Dahl, notes de l’album « An Introduction To Junior Wells », Bear Family, 2006.
2. Extrait d’une interview télévisée du 21 mars 1974 pour Say Brother, l’émission de la chaîne WGBH.
3. Les sources divergent et certaines font remonter cette anecdote aux années précédentes (parfois jusqu’en 1946), mais après recoupements, l’année 1950 semble la plus crédible.4. Les deux titres du single Chess 1526 (Standing around crying et Gone to Main St.), enregistrés en septembre 1952, sortiront dès novembre de la même année. Bien que gravé plus tôt, en mai 1952, Who’s gonna be your sweet man du single Chess 1542, couplé avec Turn your lamp down low (Little Walter à l’harmonica), paraîtra après, en mai 1953.
4. Les titres du single Chess 1526 (Standing around crying et Gone to Main St.), enregistrés en septembre 1952, sortiront dès novembre. Bien que gravé le même jour et plus tôt durant la séance, Who’s gonna be your sweet man du single Chess 1542, couplé avec Turn your lamp down low (Little Walter à l’harmonica), paraîtra après, en mai 1953.
5. D’après le site harpsurgery.com. Nous sommes à la fin des années 1960, peu avant le déménagement du Pepper’s Lounge en 1971. Sylvester « Two-Gun Pete » Washington (1905-1971) était un policier noir de Chicago extrêmement brutal, qui se déplaçait avec deux .357 Magnum, réputé « tirer d’abord et discuter ensuite »… Des années 1930 au début des sixties, on lui prête quelque 20 000 arrestations (en grande partie dans le South Side) et l’élimination d’une douzaine d’hommes, tous noirs… Dans son récent livre Bitten by the Blues (University of Chicago Press, 2018), Bruce Iglauer livre une version différente de l’incident. Selon lui, le gang des Disciples sévissait effectivement au Pepper’s, mais lors de l’attaque sur scène contre Lefty Dizz, Junior Wells n’aurait pas quitté le bar d’où il aurait directement abattu l’assaillant ! Wells prétendra même avoir tué au total six membres du gang pour être enfin tranquille. Une version, toujours selon Iglauer, « parfaitement plausible »…

ENCADRÉ
Discographie sélective commentée

La riche discographie de Junior Wells est relativement facile à retracer et se décline en trois parties principales : ses débuts et sa collaboration avec Mel London (1953-1963), les années 1960 à 1980 dominées par son association avec Buddy Guy et sa fin de carrière. Les compilations de ses premières faces sont nombreuses et cohérentes, mais il est plus difficile de s’y retrouver et d’éviter les pièges parmi ses disques avec Buddy Guy, surtout les live, certains étant des fonds de tiroirs indignes de l’artiste. Outre cette liste, d’autres albums cités dans le texte principal méritent la considération.

– « Paint The Town Blues » (Blues Boulevard, 2012). Il s’agit de la sélection récente la plus complète des débuts de Wells, avec 33 titres couvrant les années 1953-1961, issus des singles de chez States puis des labels Chief et Profile de Mel London, avec donc la plupart de ses standards. Entouré des meilleurs musiciens de Chicago, il délivre un blues débordant de vigueur et d’envie, l’ensemble ne cessant d’évoluer pour constituer une œuvre exemplaire et très aboutie. « Junior’s Wail – Singles As & Bs 1953-1961 » (Jasmine, 2014) et « Cut That Out: 1953-1963 Sides » (Soul Jam 2015), avec respectivement 28 et 30 titres, sont des alternatives possibles.

– « Hoodoo Man Blues » (Delmark, 1965). Le premier album de Junior Wells sous son nom est un coup de maître. Enregistré en seulement deux jours les 22 et 23 septembre 1965 avec un groupe réduit et composé, outre Wells, de Buddy Guy (sous le pseudonyme de Friendly Chap pour cause de contrat avec Chess), Jack Myers (b) et Bill Warren (d). Il illustre toute la variété d’un Chicago blues complètement exalté et revivifié par des emprunts au funk et aux rythmes afro-caribéens, et qui dévoile de nouvelles nuances après chaque écoute. La tradition côtoie la modernité et l’urgence transcende la tension, il se dégage un magnétisme incroyable et les musiciens n’ont pas besoin de céder aux artifices ou à la démonstration. Un disque fondamental tout en instinct, aujourd’hui justement considéré comme un classique et l’un des plus grands de l’histoire. Le public ne s’y trompera pas, et plus de 50 ans après sa sortie, « Hoodoo Man Blues », réédité une bonne vingtaine de fois (dont des versions avec bonus et alternates), reste la meilleure vente du catalogue Delmark.

– « Live In Boston 1966 » (Delmark, 2010). Ce disque gravé le 16 septembre 1966 au Club 47 à Cambridge (qui fait partie de l’aire métropolitaine de Boston), soit pratiquement un an jour pour jour après « Hoodoo Man Blues, est sans doute le meilleur live de Wells. Il ne s’agissait donc pas d’un fond de tiroir et son édition 44 ans après son enregistrement se justifiait. Sans Buddy Guy, les Aces (Louis Myers, g, Dave Myers, b, et Fred Below, dm) et le leader retrouvent le groove emballant de leurs débuts dans les clubs de Chicago, créant la fusion avec le West Side alors omniprésent. Louis Myers, guitariste bien trop méconnu, est étourdissant au point de faire oublier Buddy…

– « You’re Tuff Enough » (Blue Rock, 1969). Collection intéressante de titres très funky dans la veine de James Brown, avec un groupe très cuivré dont on ne connaît hélas pas les membres. Seul album de sa discographie dans un genre résolument funk/blues dont il est un peu le géniteur, un ovni diablement efficace !

– « South Side Blues Jam » (Delmark, 1970), que l’on comparera un peu vite à « Hoodoo Man Blues », d’autant que Wells et Buddy Guy s’entourent de Louis Myers, Otis Spann, Earnest Johnson et Fred Below. Certes moins spontané que son devancier, cet album représente parfaitement le Chicago blues de l’époque. Réédité en 2014 avec des bonus.

– « Play The Blues » (Atlantic, 1972). Gros label, invités prestigieux issus du rock (Eric Clapton, Dr. John, J. Geils Band), le duo Guy/Wells s’invite dans une nouvelle sphère synonyme de reconnaissance internationale (initiée après une tournée avec les Rolling Stones en 1970). Et comme ils imposent brillamment leur Chicago blues à tout ce beau monde, on recommande !

– « On Tap » (Delmark, 1974). Seul disque de la décennie sans Buddy Guy. Retour à un blues percurant teinté de funk avec Phil Guy et Sammy Lawhorn (g), A. C. Reed (sax), Johnny « Big Moose » Walker (kbds)…

– « Live In Montreux » (Black & Blue, 1978). Peut-être le meilleur live du duo Guy/Wells, avec de beaux invités dont Jimmy Johnson, Eddy Clearwater et Hubert Sumlin aux guitares, et une rythmique impeccable composée de Dave Myers (b) et Odie Payne (dm).

– « Pleading The Blues » (Isabel, 1979). Le 31 octobre 1979 à Toulouse, le producteur français Didier Tricard inaugure le catalogue de son label avec ce disque et celui de Buddy Guy « The Blues Giant ». Une bonne séance de Chicago blues bien maîtrisée par le duo Wells/Guy.

– « Going Back » (Isabel, 1981). Encore enregistré en France pour Isabel. Met en scène le duo Wells/Guy en acoustique. Magistral avec les artistes qui revisitent leurs racines et sont monstrueux, notamment au chant (de ce point de vue, l’album préfigure le génial « Blues Singer » de Buddy Guy en 2003). À redécouvrir absolument, peut-être leur meilleur disque depuis « Hoodoo… », dans un registre totalement différent. Alligator flairera le bon coup et le rééditera 10 ans plus tard sous le titre « Alone & Acoustic ».

– « Harp Attack! » (Alligator, 1990). L’album de la renaissance qu’il partage avec trois compères hamonicistes, James Cotton, Carey Bell et Billy Branch. Dynamique et efficace.

– « Come On In This House » (Telarc, 1997). Blues Award et nomination aux Grammys pour le meilleur disque de sa fin de carrière et son dernier en studio. En grande partie acoustique, c’est aussi un hommage à la slide avec d’excellents spécialistes : Tab Benoit, Bob Margolin, Alvin « Youngblood » Hart, John Mooney, Sonny Landreth, Corey Harris et un jeune Derek Trucks (16 ans). Un disque qui donne des regrets car il prouve que Junior Wells pouvait encore surprendre et séduire…

– « The Blues Box » (Cleopatra, 2018). Coffret de 6 CD composé d’enregistrements studio et de titres inédits en public.

ENCADRÉ

Unique en ses genres

Junior Wells a débuté très jeune auprès des créateurs expérimentés du blues moderne de Chicago issu du Delta blues. Mais il appartenait à la génération de ceux qui musclèrent le blues moderne pour créer le West Side Sound. Sa précocité lui permit ainsi de se forger très vite un solide bagage, prenant un coup d’avance sur ses pairs. Brillant à l’harmonica comme au chant, il commença par les imiter en suivant le courant novateur du West Side, il aurait pu s’en contenter mais il y ajouta l’audace : comme il ne manquait pas d’ambition, il sentit le vent tourner dans les années 1960. Il serait celui qui culbuterait le blues en lui insufflant les sonorités nouvelles du funk et de la soul. Ce qu’il fit en s’aventurant ouvertement sur les terres de James Brown et consorts, ou bien, exercice assurément plus difficile, en faisant une synthèse crédible et équilibrée de ces différents genres, et ce tout en influençant d’autres mouvements comme le rock ! Non seulement il accentuait son avance, mais il brûlait les étapes.

© : Sergio Amaral.

Sa personnalité précipita encore le processus. Car Junior Wells fut un leader. Pas dans le sens autoritaire du terme, car même s’il pouvait être violent, c’était souvent de la provocation et son petit gabarit ne lui permettait pas de faire le malin très longtemps… Il fut donc plutôt un meneur rassembleur, un passeur qui croyait en son art et transmettait en passeur sa confiance à ceux qui l’entouraient ; il était généreux, protecteur et les laissaient s’exprimer. La qualité de ses accompagnateurs tout au long de sa carrière en atteste. Par une attitude au quotidien qui prêta à sourire (cheveux gominés, bagues à tous les doigts, chapeaux incrustés de diamants !), il véhiculait aussi une image de professionalisme et prenait ça très au sérieux : « Quand on est musicien, j’estime que l’apparence importe autant pour soi-même que pour tous ceux qui viennent vous voir. J’accorde 50 % à l’image que l’on donne et 50 % à la musique. Et ce n’est pas près de changer. » Précoce, brillant, audacieux, ambitieux, pressé, meneur, passeur, généreux. Junior Wells fut un peu tout cela à la fois. Et ce n’est pas donné à tout le monde.

ENCADRÉ

Junior et son pote

Dès 1958, Junior Wells et Buddy Guy fréquentent les mêmes clubs, dont les fameux Pepper’s Lounge et Theresa’s Lounge. Pourtant leurs parcours vont d’abord diverger. Le premier dépend des labels Chief et Profile, à faible diffusion, alors que le second signe pour Chess en 1960. Wells est néanmoins présent en décembre 1960 sur deux singles Chess de Guy (Let me love you baby/I got a strange feeling et Gully hully/Ten years ago), avec entre autres Otis Spann et Fred Below, mais l’expérience, malgré l’excellence des sessions, s’arrête jusqu’au culmen de « Hoodoo Man Blues » en 1965. Approché par Wells qui se voyait en leader du groupe, Guy avouera son hésitation, il ne souhaitait pas un tel rapport et s’en expliqua (cité par Dave Thompson) : « Un jour Junior est venu me voir et m’a dit « je t’ai écouté et je sais que tu peux vraiment bien jouer, je veux que tu joues avec moi sur cet album Hoodoo Man ». On n’a pas répété, rien. Je me suis juste levé tôt un matin, on est allés là-bas et on a fait le disque. Et nous sommes devenus bons amis. »

Cette approche contribua à la réussite du CD qui révéla aussi leur complémentarité. Ancré dans la tradition sudiste, son style d’harmonica s’allie idéalement à la guitare survoltée du West Side Sound de Guy, une alchimie possible grâce à l’intérêt commun des deux hommes pour les rythmes du funk et de la soul, dont ils agrémentent à merveille leur musique, et à leur souplesse vocale (car ne l’oublions pas, nous avons aussi affaire à deux grands chanteurs). Derniers points communs, leur envie de réussir et leur soif de reconnaissance, surtout chez Wells. Ils ne cesseront donc de se rapprocher, au point, durant les années 1970, d’enregistrer pratiquement tous leurs albums ensemble !
Ce qui n’alla pas sans certaines dérives… Car si leurs disques studio restèrent globalement au moins corrects, ce ne fut pas le cas de leurs prestations scéniques, imprévisibles ou inégales, géniales ou frustrantes, ce que résumera bien John Hammond Jr. : « J’ai vu bien des shows de Buddy et Junior, et ça tournait parfois à la parodie de blues… puis je les voyais un autre soir, et je gardais le souvenir d’un set magnifique… » Il existe au moins deux raisons à cela. Wells et Guy composèrent relativement peu, un répertoire personnel restreint qui les conduisit à ressasser leurs standards ou à jouer beaucoup de reprises, ainsi qu’une tendance aux excès théâtraux et aux maniérismes irritants. Mais leur duo, d’une belle longévité et rare dans l’histoire de cette musique, restera comme un des plus marquants du blues, les deux artistes nous laissant quelques perles de la plus belle eau.