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Au programme de mon émission sur YouTube, Lead Belly (rubrique « Un blues, un jour »), Sister O. M. Terrell et Donna Hightower (rubrique « Réédition de la semaine »).

On peut vraiment écrire sans tomber dans le cliché que la vie de Lead Belly, disparu le 6 décembre 1949, ne releva en rien du long fleuve tranquille… Né Huddie William Ledbetter le 20 janvier 1888 à Mooringsport en Louisiane, il grandit toutefois au Texas. Bien qu’il soit un grand spécialiste de la guitare à 12 cordes, il apprend d’abord l’accordéon, mais il deviendra un multi-instrumentiste accompli, également adepte du violon et du piano. Dès les premières années du XXe siècle, il mène une vie itinérante au Texas et en Louisiane, une période essentielle durant laquelle il est au contact de différents styles musicaux. Son talent, sa mémoire, son sens de l’observation (qui en feront un bon compositeur jamais neutre et enclin à s’engager) et ses capacités d’adaptation lui permettent ainsi de se forger un répertoire très étendu et varié : Lead Belly est certes rattaché au blues, mais il sera également très à l’aise dans le folk, la country, les protest songs, les airs traditionnels, les pièces à danser, les chants de cow-boys ou encore les chansons pour enfants ! Un éclectisme rare qui en fait un artiste unique dans l’histoire, tout en expliquant son immense popularité qui perdure. Artistiquement, c’est enfin un remarquable chanteur à la voix puissante et bien sûr un adepte émérite de la 12-cordes.

Portrait in New York, in Lead Belly's final days, 1948-49

Lead Belly à New York à la fin de sa vie, 1948-49. © : Dr Richard S. Blacher, courtesy Smithsonian Folkways and Lead Belly Estate.

Mais ce serait trop simple… Lead Belly a aussi ses démons, il est susceptible, jaloux, violent et bagarreur, ce qui lui vaudra de de longs séjours derrière les barreaux, et pas pour de menus larcins. Condamné pour violences avec arme dès 1915, il tue ensuite un homme et en blesse gravement un autre lors d’une rixe pour une histoire de femme, prend 35 ans en 1918 mais sort après 7 ans (soit la peine minimale), en 1925. En 1930, il est de nouveau emprisonné, au tristement célèbre pénitencier d’Angola en Louisiane, pour tentative de meurtre, et normalement, il aurait dû y rester pratiquement jusqu’à la fin de ses jours. Mais notamment grâce au folkloriste John Lomax, très impressionné par son talent et qui l‘enregistra en 1933 pour la Bibliothèque du Congrès (des enregistrements non commerciaux), il en sort dès l’année suivante. Également au service de Lomax comme chauffeur, il réalise ses premiers disques commerciaux début 1935. Puis les deux hommes se brouillent, et en 1939, il retourne quelque temps en prison pour agression. Mais sa carrière continue assez régulièrement dans les années 1930 et 1940 malgré ses démêlés judiciaires. En mai 1949, il tourne en Europe et se produit à Paris, une première pour un bluesman rural. Mais il est déjà malade et meurt sept mois plus tard aux États-Unis, à 61 ans. J’ai choisi pour mon émission un de ses plus grands succès, mais une version émouvante car elle date du 15 juin 1949 lors de son dernier concert à Austin, Texas. Il s’agit de l’inoubliable Goodnight Irene.

Côté discographie, Lead Belly fut extrêmement prolifique du fait de son large répertoire et son œuvre se trouve sur une multitude de rééditions et de supports… Voici une sélection rapide, il en existe d’autres, mais dès lors attention aux doublons, inévitables !

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« The Remaining Library of Congress and ARC Recordings », volumes 1 à 5 – 1934-1942 (Document). Le label Document à réédité pratiquement tous les enregistrements de Lead Belly dans l’ordre chronologique… Ici, ceux de la Bibliothèque du Congrés et d’ARC.

 

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« Complete Recorded Works in Chronological Order », volumes 1 à 7 – 1939-1949 (Document). Deuxième série Document qui vient compléter la précédente.

 

Smith

© : Discogs.

« The Smithsonian Folkways Collection »(Smithsonian Folkways, 2015). Cinq CD, 108 morceaux, un livre illustré, une belle présentation dans un coffret grand format, j’avais beaucoup apprécié cette anthologie qui offre un panorama idéal et pertinent de l’ensemble de la carrière de l’artiste.

Bottleneck-Guitar-Selected-Sides-1926-2015-Coffret

En deuxième partie, pour la réédition de la semaine, j’ouvre un second volet consacré à l’anthologie « Bottleneck Guitar: Selected Sides 1926-2015 », sortie par le label anglais JSP, un coffret de 4 CD qui compte 88 morceaux. Je ne m’attarde pas davantage sur la présentation de cette superbe compilation, je vous invite à vous reporter à mon article du 20 novembre dernier, dans lequel je l’évoque plus longuement. Jeudi dernier, j’avais passé deux morceaux des origines datant de 1928 et 1930. Aujourd’hui, on avance un peu dans le temps avec tout d’abord Sister O. M. Terrell (1911-2006), qui fut une superbe spécialiste du gospel et de la guitare slide, avec un classique qu’elle revoit à sa façon, bien entendu tout en ferveur : Swing Low Chariot (1947). Je vous propose ensuite une chanteuse dans un registre totalement différent, Donna Hightower (1926-2013), une vocaliste de jazz et occasionnellement de soul et de R&B. Bien qu’elle évolue dans un orchestre de jazz, elle s’accompagne ici du guitariste Floyd Smith, adepte méconnu du bottleneck qui donne une couleur toute singulière à sa musique. Le titre, réalisé en 1951, s’appelle I Ain’t In The Mood, et Hightower n’enregistrera rien d’autre de réellement comparable.

Terrell

© : Discogs.

« Two Gospel Keys / Sister O. M. Terrell ‎– Country Gospel: The Post War Years (1946-1953) »(Document, 1993). Les enregistrements de Terrell sont hélas rares. Cette compilation contient huit titres de la chanteuse-guitariste.