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Au programme de mon émission sur YouTube, Mississippi John Hurt (rubrique « Un blues, un jour »), et Alonzo Scales et Betty James (rubrique « Réédition de la semaine »).

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MJH 1. © : Discogs

Il n’est pas exagéré d’écrire que Mississippi John Hurt était apprécié de tout le monde. Il le doit à sa belle voix douce et son jeu de guitare en fingerpicking impeccable, un style qui le rendait peut-être en quelque sorte plus « accessible » que d’autres bluesmen du Mississippi. Ses premiers enregistrements datent du 14 février 1928 pour le label OKeh à Memphis, une session durant laquelle il réalisa huit faces dont seulement deux seront éditées, Frankie et Nobody’s Dirty Business. Il retournera en studio en décembre de la même année, et cette fois dix chansons sur douze seront commercialisées. Mais après 1928, il ne va plus rien enregistrer, se consacrant aux activités agricoles en se contentant de jouer pour son voisinage. Il vit non loin de Greenwood, Mississippi, dans la petite bourgade d’Avalon, près de Teoc où il est né le 3 mars 1892.

Puis, en 1963, soit 35 ans après ses faces initiales, il attire l’attention d’amateurs de folk et de country blues et de musicologues dans cette période bien connue sous le nom de Blues Revival. Un de ces musicologues, Dick Spottswood, qui a entendu les disques de John Hurt de 1928, s’aide d’une de ses chansons, Avalon Blues, pour localiser l’artiste. Il charge alors Tom Hoskins, guitariste à ses heures et grand amateur de la musique de John Hurt d’aller lui rendre visite. Le 3 mars 1963, Hoskins arrive donc chez Hurt à Avalon et enregistre des faces historiques rassemblées sur un CD sorti en 2011 par Spring Fed Records, « Discovery – The Rebirth of Mississippi John Hurt ».

Mississippi John Hurt devient ainsi une redécouverte essentielle du Blues Revival, et à peine quelques semaines après le passage d’Hoskins, il se retrouve sur les scènes les plus prestigieuses des festivals : admiré pour son exceptionnel talent (bien des musiciens expérimentés croiront en écoutant ses disques qu’il était accompagné d’un second guitariste…) comme pour son extrême gentillesse, il va ravir les audiences et enregistrer plusieurs albums superbes jusqu’à sa mort le 2 novembre 1966 à 74 ans : « Worried Blues » (Piedmont, 1964), « Today! » (Vanguard, enregistré en 1964, sorti en 1966), « The Immortal Mississippi John Hurt » (Vanguard, enregistré en 1964, sorti en 1967) et « Last Sessions » (Vanguard, enregistré en 1966, sorti en 1972). Enfin, sa maison à Avalon a été transformée en musée et il a fait l’objet en 2011 d’une biographie absolument captivante par Philip R. Ratcliff, Mississippi John Hurt: His Life, His Times, His Blues (University Press of Mississippi). J’ai choisi pour mon émission Frankie, son tout premier titre gravé le 14 février 1928.

 

Pour cette réédition de la semaine j’ouvre une deuxième page sur l’anthologie absolument passionnante de 4 CD sortie par le label Wienerworld, et qui s’intitule « Down Home Blues: New York, Cincinnati & The North Eastern States: Tough Enough ». Je vous rappelle qu’il s’agit d’une sélection de 110 morceaux portant sur 37 artistes, couvrant la période 1945-1962, et concernant les régions de New York, de Cincinnati et des États du nord-est. Même s’il ne s’agit pas de terres « sinistrées » en termes de blues, et même loin de là, ces zones ne sont pas trop traitées par les spécialistes des rééditions, et c’est donc une aubaine d’en disposer. C’est en outre impeccablement présenté avec un livret bien documenté de 80 pages et un classement chronologique, ce qui reste une excellente option pour aborder ce type de sélection historique. Enfin, contrairement à d’autres rétrospectives qui se contentent d’aligner autant d’artistes que de morceaux, celle-ci porte donc sur 37 artistes pour 110 morceaux, ce qui permet de mieux faire connaissance avec ces bluesmen dont beaucoup sont méconnus et surtout oubliés aujourd’hui…

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© : Discogs

Sans dresser la liste complète des 37 artistes, voici un échantillon indicatif des présents, certains étant notoires, d’autres bien moins : Big Chief Ellis, Gabriel Brown, Irene Wiley, Sonny Terry, Brownie McGhee, Alonzo Scales, Doug Quattlebaum, Otis Hinton, Jimmy Newsome, Champion Jack Dupree, Bob Gaddy, Guitar Nubbit, Guitar Crusher… Dès lors, face à l’ampleur de l’œuvre, comme je l’évoquais jeudi dernier, j’ai donc consacré deux volets à cette réédition, avec à chaque fois deux morceaux et non un seul. Pour aujourd’hui, j’ai choisi le chanteur et guitariste de New York Alonzo Scales, pour un blues assez terrien qui date de 1955, Hard Luck Child, puis Betty James en 1961, une chanteuse de Baltimore qui s’exprime dans un registre plus proche du Chicago Blues avec I’m a Little Mixed Up.

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