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L’habitude est maintenant prise, je consacre chaque semaine en cette fin d’année un article à un disque qui a selon moi marqué 2021. Comme nous sommes le 23 décembre, il s’agit aujourd’hui de l’avant-dernier volet de la série. Inévitablement, Eric Bibb devait faire partie de cette sélection avec son dernier album « Dear America » (Provogue), d’autant qu’il survient après un silence discographique de trois ans, une éternité pour cet artiste extrêmement prolifique. Mais tout va bien pour Eric, qui signe là un nouvel opus de très haut niveau, dans lequel il revient sur des thèmes très actuels (pandémie, violence contre les femmes, racisme), mais toujours avec cette lucidité, cette sagesse et ce recul qui le caractérisent. Musicalement, c’est magistral, d’autant qu’il fait toujours confiance à Glen Scott pour la production. Nous sommes en 2021, année durant laquelle Eric Bibb a fêté ses soixante-dix ans, et on constate qu’il ne donne aucun signe de faiblesse. Je vous invite maintenant à écouter un extrait, Different picture, avec en invité Chuck Campbell, qui donne une idée de la qualité des arrangements, et à lire ci-dessous la chronique écrite par Nicolas Deshayes dans le numéro 244 de Soul Bag.

ERIC BIBB
DEAR AMERICA
Habitué à publier quasiment un album par an sur les deux dernières décennies, Eric Bibb livre ici son premier opus depuis « Global Griot », il y a trois ans. Un silence bien rare chezcet artiste qui semble avoir éprouvé le besoin de prendre son temps pour forger ce « Dear America » qu’il considère comme une « lettre d’amour à cette terre incroyable d’espoir et d’optimisme que sont les États-Unis ». Et, lorsque l’on s’adresse à un être cher, on doit pouvoir tout lui dire, ce que fait Bibb, conscient des fractures, des crises et des violences qui agitent son pays et, plus globalement, l’humanité. Il le fait brillamment, avec toute la maestria qui caractérise son œuvre. Le ton se fait bien sûr grave pour chroniquer la situation liée à la pandémie (Whole world’s got the blues), dénoncer les violences faites aux femmes (Born of a woman) et à l’encontre des Africains-Américains (Emmett’s ghost). Mais, voilà, Bibb est un humaniste : jamais il ne se résout àenvisager le triomphe de l’obscurantisme et des ténèbres. L’allégresse, le triomphe de l’amour, les joies que procurent la musique irriguent ainsi des titres comme Whole lotta lovin’Oneness of love ou Love’s kingdom. Produit par l’incontournable Glen Scott qui coécrit également certains morceaux, le disque fait la part belle àdes invités de choix (Steve Jordan, Billy Branch, Eric Gales, Ron Carter, Chuck Campbell…) dont les interventions apportent des couleurs diverses et toujours pertinentes à ces treize titres impeccablement arrangés. Marqué par le mouvement des droits civiques et l’engagement de certains artistes de cette période (Odetta, The Staple Singers…), Eric Bibb ne cesse de prouver, album après album, qu’il s’inscrit indubitablement dans cette glorieuse lignée.
Nicolas Deshayes