Pochette du premier album Arhoolie. © : Smithsonian Folkways Recordings.

Nous y sommes donc, voici le millième article publié sur ce site… Comme toujours en de telles occasions, je tiens à commencer par remercier celles et ceux qui me suivent et me lisent, et l’audience en constante augmentation est une belle preuve de confiance. J’en profite aussi pour remercier Yannick Rivoallan de Pixel Production, dont l’excellent travail de développement depuis avril 2022 a permis au site de changer de dimension, et bien sûr Corinne Préteur pour son aide précieuse en termes de communication et de relations auprès des partenaires. Au rythme soutenu d’une publication par jour depuis maintenant deux ans, cet article n° 1000 est finalement arrivé assez vite…

Panorama du catalogue Bluesville. © : The Music Aficionado.

Au point, je vous l’avoue, que je me suis longtemps demandé quelle forme lui donner. Pas si simple d’imaginer un article autour du nombre « mille »… Et puis je me suis souvenu que le catalogue du label Arhoolie, qui a contribué plus que tout autre à la reconnaissance du blues dans le monde entier, reposait sur une « série 1000 », avec une suite de références dans l’ordre croissant des nombres, 1001, 1002, 1003, etc. Ça ne suffisait pas encore pour faire un article. J’ai alors pensé aux principaux labels des race records dans les années 1920 et 1930, qui déclinaient aussi leurs catalogues en séries numérotées. Mais, à quelques exceptions près comme Vocalion, ils utilisaient plutôt des séries basées sur de plus grands nombres (7000 chez Brunswick et chez Decca, 8000 chez OKeh), voire sur des nombres à cinq chiffres (12000 chez Paramount, 38000 chez Victor, 38500 chez Columbia) !

Panorama du catalogue Yazoo. © : Amazon.

Heureusement, au gré de mes recherches, outre Arhoolie, je me suis aperçu que deux autres labels très importants des années 1960 « rentraient dans mon cadre » avec des séries 1000. Tout d’abord Yazoo Records, spécialisé dans les rééditions des pionniers du blues, et Bluesville Records au catalogue plus axé sur la période essentielle du Blues Revival. Enfin, Biograph Records, actif à la même époque mais avec une série 1000 dédiée aux précurseurs du piano ragtime. Le panorama s’était donc élargi et j’avais désormais le contenu d’un article. Mais je vous épargnerai un long texte. Pour cet article n° 1000, je préfère vous proposer une sélection inhabituellement large de chansons en écoute (70, en l’occurrence), car dans le blues, il importe avant tout d’exposer ses interprètes. Vous y trouverez des artistes très connus, mais j’ai également donné une grande place (surtout dans la série 1000 de Yazoo) à des enregistrements rares de bluesmen et blueswomen souvent oublié(e)s de nos jours. Allez, c’est parti pour cette petite « anthologie » !

Panorama du catalogue Biograph. © : Drouot.

 

BLUESVILLE RECORDS, SÉRIE 1000
En 1959, un an avant Arhoolie, Prestige créait sa marque Bluesville Records, avec pour objectif de relancer les carrières de bluesmen dont le répertoire d’inspiration souvent rurale (mais aussi de quelques artistes évoluant entre soul blues et R&B) ne correspondait plus aux attentes du public de l’époque. Profitant à plein du Blues Revival, de la multiplication des festivals et des premières tournées européennes, le label va jouer un rôle essentiel pour donner un nouvel élan au blues. Sa série 1000, riche de quatre-vingt-neuf albums réalisés entre 1959 et 1966, en est la parfaite démonstration. Voici donc ma première sélection.

© : Discogs.

– Bluesville 1001, « Hear My Blues » (1959) par Al Smith : Pledging my love.
– Bluesville 1003, « Willie’s Blues » (1960) par Willie Dixon : I got a razor.
– Bluesville 1004, « Person to Person » (1960) par Mildred Anderson : Cool kind of poppa.
– Bluesville 1008, « Goog Times » (1960) par Shakey Jake : Still your fool.
– Bluesville 1014, « The Honeydripper » (1961) par Roosevelt Sykes : Lonely day.
– Bluesville 1021, « Tired of Wandering » (1961) par Arbee Stidham : I’m tired of wandering.
– Bluesville 1024, « Losing Game » (1961) par Lonnie Johnson : My little kitten Susi.
– Bluesville 1026, « Free Again » (1961) par Robert Pete Williams : Free again.

© : Discogs.

– Bluesville 1035, « Trouble an’ Blues » (1961) par Sidney Maiden : Coal black mare.
– Bluesville 1040, « Last Session » (1962) par Blind Willie McTell : The dying crapshooter’s blues.
– Bluesville 1046, « That’s All Right » (1962) par Blind Snooks Eaglin : Bottle up and go.
– Bluesville 1051, « Pink Anderson: Vol. 2 – Medicine Show Man » (1962) : Chicken.
– Bluesville 1059, « Sonny Is King » (1963) par Sonny Terry : One monkey don’t stop the show.
– Bluesville 1064, « The Blues of Robert Curtis Smith: Clarksdale Blues » (1963) : I’m going away.
– Bluesville 1065, « Softee Man Blues » (1963) par Doug Quattlebaum : You is one black rat.
– Bluesville 1076, « Creepin’ Blues » (1963) par Alec Seward : Evil woman blues.
– Bluesville 1087, « The Blues of Shirley Griffith – Saturday Blues » (1965) : Hard pill to swallow.

Bluesville 1087, « The Blues of Shirley Griffith – Saturday Blues

 

ARHOOLIE RECORDS, SÉRIE 1000
Dans un article du 5 décembre 2022 (« Mémoire de blues : Arhoolie Records »), puis dans un autre du 9 mai 2023 (« Chris Strachwitz, mort d’un géant »), je m’arrêtais longuement sur le label fondé par Chris Strachwitz en 1960. Je n’y reviendrai donc pas aujourd’hui, tout en rappelant simplement qu’Arhoolie fut sans doute le label qui contribua le plus à la reconnaissance planétaire du blues à partir du début des années 1960, soit à une époque où cette musique était très mal connue en dehors des frontières des États-Unis. La systématisation des tournées européennes ne commencera en effet qu’en 1962 avec l’American Folk Blues Festival. Et il se trouve que le label a donc sa série 1000 (ou F-1000), débutée en 1960 avec un premier album de Mance Lipscomp (1001) pour s’achever en 1988 avec les Bob Mielke’s Bearcats (1099). Voici donc une sélection de chansons tirées de cette série (pas de compilations mais il en existe bien sûr au catalogue Arhoolie).

© : Smithsonian Folkways Recordings.

– Arhoolie F-1001, « Texas Sharecropper and Songster » (1960) par Mance Lipscomb : One thin dime.
– Arhoolie F-1002, « Tough Times » (1960) par Big Joe Williams : President Roosevelt.
– Arhoolie F-1003, « B.K. Turner and his Steel Guitar » (1961) par Black Ace : Your leg’s too little.
– Arhoolie F-1007, « Mercy Dee » (1961) : Jack engine.
– Arhoolie F-1011, « Lightnin’ Sam Hopkins » (1962) : Once was a gambler.
– Arhoolie F-1019, « Sky Songs » (1965) par Bukka White : Jesus died on the cross to save the world.
– Arhoolie F-1024, « Louisiana Blues and Zydeco » (1965) par Clifton Chenier : Louisiana blues.
– Arhoolie F-1029, « Johnny Young and His Chicago Blues Band » (1966) : I’m havin’ a ball.

© : Discogs.

– Arhoolie F-1036, « I’m Going Back to the Country – Where They Don’t Burn the Buildings Down » (1968) par Juke Boy Bonner : Sad, sad sound.
– Arhoolie F-1044, « Two Bugs And A Roach » (1969) par Earl Hooker : Love ain’t a plaything.
– Arhoolie F-1055, « Alabama Slide Guitar » (1971) par Johnie Lewis : Can’t hardly get along.
– Arhoolie F-1060, « Louisiana Country Blues » (1972) par Herman. E. Johnson : Motherless children.
– Arhoolie F-1065, « His First Recordings » (1972) par Doctor Ross : Little soldier boy.
– Arhoolie F-1073, « The Country Boy (1974) par K.C. Douglas : Good looking women.
– Arhoolie F-1075, « One of These Mornings » (1976) par J.C. Burris : River of life.
– Arhoolie F-1083, « Zydeco Man » (1981) par John Delafose : Joe Pitre a deux femmes.
– Arhoolie F-1094, « You Know That’s Right » (1985) par Katie Webster with Hot Links : I want you to love me.

© : Discogs.

 

YAZOO RECORDS, SÉRIE 1000
Fondé en 1967 par Nick Perls (1942-1987), d’abord sous le nom de Belzona, Yazoo est un des plus célèbres labels spécialisés dans les rééditions de pionniers du blues. En 1964, avec Dick Waterman et Phil Spiro, Perls retrouve Son House qui peut reprendre sa carrière après plus de deux décennies de silence. Résident new-yorkais mais passionné et collectionneur de 78-tours, Perls se rend également dans le Sud Profond pour être au contact des artistes qu’il admire, et enregistre les 33-tours chez lui sur son propre matériel. Au début des années 1970, il lance le label Blue Goose, pour lequel il enregistre cette fois des bluesmen en activité, généralement sur le vif. Dans les années 1980, le santé de Perls ne cesse de décliner (il mourra du SIDA à quarante-cinq ans) et Yazoo est racheté par Shanachie. Les six premiers albums de la série 1000 (en fait, L-1000) sortent chez Belzona en 1967 et 1968, puis chez Yazoo. La série s’arrêtera en 1989 avec un double LP portant le numéro L-1082/83.

© : Discogs.

Belzona L-1001 « Mississippi Blues 1927-1941 » (1967).
Gang of brown skin women en 1927 par Harvey Hull. Première chanson du premier album de la série. Pour être précis, on doit en fait la chanson aux Down Home Boys, composés de Long « Cleve » Reed et Little Harvey Hull.
I’m leavin’ town en 1927 par William Harris.
Billy goat blues en 1930 par John Byrd.
Eagles on a half en 1931 par Geechie Wiley. À noter que le prénom de la chanteuse s’orthographie en réalité Geeshie.
Avec également Skip James, Charlie Patton, Son House, Robert Johnson…
Belzona L-1002 « 10 Years in Memphis 1927-1937 » (1968).
Avec également Furry Lewis, Frank Stokes, Kansas Joe McCoy, Gus Cannon, Robert Wilkins…
Happy blues en 1928 par Tom Dickson.
Married woman blues en 1937 par George Torey.
Goin’ to leave you blues en 1927 par Big Boy Cleveland.

© : Discogs.

Belzona L-1003 « St. Louis Town 1929-1933 » (1968).
Lawdy lawdy worried blues en 1929 par Teddy Darby. Malgré la mention de la vidéo YouTube, il n’apparaît jamais sous le nom de Blind Teddy Darby sur ses 78-tours originaux, et il semble s’agir d’une invention de certains labels qui rééditèrent ses disques dans les années 1980. Mais il était bien aveugle…
It’s hard time en 1933 par Joe Stone. En fait un pseudonyme utilisé par J.D. Short le temps de deux chansons.
Avec également Henry Spaulding, Henry Townsend, Hi Henry Brown et Charley Jordan.
Belzona L-1004 « Tex-Arkana-Louisiana Country 1929-1933 » (1968).
Needin’ my women en 1929 par Sammy Hill. Le bon titre est en réalité Needin’ my woman blues.
Pennsylvania woman blues en 1929 par Six Cylinder Smith. Il pourrait s’agir d’un pseudonyme de Blind Joe Taggart mais les spécialistes restent divisés…
Avec également Buddy Boy Hawkins, Henry Thomas, Blind Lemon Jefferson, Little Hat Jones, King Solomon Hill, Texas Alexander…
Les quatre premières références sont donc consacrées à des bluesmen par régions, puis à partir de L-1005, le catalogue s’ouvre à des artistes individuels, le premier étant Blind Willie McTell. Mais nous terminons ce chapitre Yazoo avec d’autres extraits de compilations régionales ou thématiques.

© : Discogs.

Belzona/Yazoo L-1006 « The Blues Of Alabama 1927-1931 » (1968). Le recto de la pochette mentionne Belzona et le verso Yazoo !
Try me one more time en 1931 par Marshall Owens.
The escaped convict en 1928 par George « Bullet » Williams.
Yazoo L-1007 « Jackson Blues 1928-1938 » (1968).
Two time blues en 1928 par Arthur Pettis. Son nom s’orthographie en fait Petties.
Dark road blues en 1935 par Willie Lofton.
Yazoo L-1009 « Mississippi Moaners 1927-1942 » (1968).
Stand up suitcase blues en 1928 par Uncle Bud Walker.
Gas man blues en 1929 par Mae Glover. Avec Joe Byrd.
Yazoo L-1015 « Favorite Country Blues Piano-Guitar Duets 1929-1937 » (1969).
Poor coal passer en 1936 par Springback James.
The blues is all wrong en 1931 par Leola Manning.

© : Amazon.

Yazoo L-1022 « Ten Years of Black Country Religion 1926-1936 » (1970).
Sign of judgement en 1936 par Kid Prince Moore.
Everybody ought to pray sometime en 1936 par Dennis Crumpton & Robert Summers.
Yazoo L-1032 « Blues From the Western States 1927-1949 » (1972).
Sunrise blues en 1928 par Will Day.
You’ll like my loving en 1928 par Otis Harris.
Yazoo L-1043 « Please Warm My Weiner – Old Time Hokum Blues » (1974).
The coldest stuff in town en 1935 par Whistling Bob Howe & Frankie Griggs.
Adam and Eve en 1930 par Tommie Bradley & James Cole.
Ham fatchet blues part 1 en 1928 par Buddie Burton.
Yazoo L-1053 « Harmonica Blues – Great Harmonica Performances of the 1920s and ’30s (1976).
Railroad blues en 1929 par Freeman Stowers.
My driving wheel en 1939 par Lee Brown.
Blowin’ the blues en 1930 par Chuck Darling.

© : Discogs.

 

BIOGRAPH RECORDS, SÉRIE 1000
Le 6 janvier 2023, j’ai consacré un article à ce label, intitulé « Mémoire de blues : Biograph Records ». Créée en 1967 par Arnold S. Caplin, la marque était dédiée aux rééditions de pionniers du blues, et dans une moindre mesure du jazz, de la musique cajun et de la country, mais avec le rachat des droits de QRS Records, elle s’est distinguée en étendant son offre aux premiers enregistrements de ragtime, ce qui nous ramène à la fin du XIX siècle ! De 1970 à 1977, Biograph proposera sa série 1000 qui compte vingt-six albums. Certains nous concernent peu mais nous avons de quoi proposer une sélection pour redécouvrir les précurseurs du piano ragtime.

© : Discogs.

– Biograph 1001, « Parlor Piano 1917-27 – Blues and Stomps » (1970) : Cow Cow blues en 1925 par Cow Cow Davenport.
– Biograph 1003, « James P. Johnson 1917-21 – Parlor Piano Solos Vol. 1 » (1970) : Carolina shout en 1918 par James P. Johnson.
– Biograph 1004, « Jelly Roll Morton 1924-1 926 – Blues and Stomps from Rare Piano Rolls » (1970) : Tom Cat blues en 1924 par Jelly Roll Morton.
– Biograph 1006, « Scott Joplin – 1916 » (1971) : Maple leaf rag en 1916 par Scott Joplin.
– Biograph 1011, « Eubie Blake: Blues and Rags » (1973) : Strut Miss Lizzie en 1921 par Eubie Blake.
– Biograph 1016, « James Scott – Classic Ragtime Rare Piano Rolls » (1975) : Frog legs rag en 1906 par James Scott.

© : Discogs.