Il est peut-être un peu tôt pour parler des parutions de la prochaine rentrée, mais un livre qui sortira le 16 septembre 2024 a toutefois attiré mon attention, tout en me permettant en outre d’évoquer le blues d’une région peu abordée dans notre domaine, le Midwest. On le doit à Patrick Joseph O’Connor, il s’intitule Wichita Blues: Music in the African American Community (University Press of Mississippi), et il est préfacé par David Evans, ce qui est toujours un gage de sérieux. Certes peu connu du grand public, O’Connor s’intéresse au blues depuis la fin des années 1960, en tant que musicien, chercheur, conférencier (département anthropologie de l’université d’État de Wichita), et donc auteur d’articles de presse et de livres. En 1998, il avait déjà autopublié Wichita Blues: Discovery dans le cadre du Wichita Blues Project, qui rassemble des collections significatives conservées par l’université : enregistrements audio et vidéo dont des interviews, photographies, documents imprimés (vous trouverez tous les détails à cette adresse)… L’ouvrage original comptait 120 pages, mais celui à paraître en septembre sera bien plus conséquent (288 pages).
Mais parlons un peu de Wichita, qui n’est autre que la plus grande ville du Kansas connue pour l’aéronautique (on la surnomme « Air Capital of the World ») : outre une base importante de l’US Air Force, elle accueille ou accueillait des sièges opérationnels de constructeurs comme Textron Aviation, Learjet, Airbus et Boeing. Wichita se trouve à trouve à 235 km de Topeka, la capitale du Kansas. Ces deux cités sont situées à l’est de l’État, et dès lors pas si loin de Kansas City, dans le… Missouri ! Dans son livre, O’Connor propose d’ailleurs une étude qui porte sur la région Wichita-Topeka, en débordant sur le nord d’États proches, à savoir l’Oklahoma, l’Arkansas et même le Texas, et il remonte à la fin du XIXe siècle. Il évoque ainsi l’histoire locale des minstrel shows mais aussi l’Exoduster Movement de 1879, une migration d’Afro-Américains, au nombre de 40 000, qui fuyaient le Ku Klux Klan et les lois Jim Crow dans le Mississippi, en Louisiane et au Texas pour s’installer notamment au Kansas.
Pour revenir à la musique proprement dite, on relève qu’un certain Charlie Parker, alors âgé de vingt ans, a gravé le 2 décembre 1940 au sein de l’orchestre de Jay McShann (à Kansas City !) un morceau intitulé Wichita blues. Vingt-deux ans plus tard, Bob Dylan signe Wichita, souvent retranscrite Wichita blues (Going to Louisiana), une merveille sur l’itinérance, et en 1968, le chanteur Glen Campbell, sur un texte de Jimmy Webb, interprète Wichita lineman, souvent qualifiée de première chanson existentielle de la country, dont Dylan (encore) dira que c’est la plus belle jamais écrite… Les noms des bluesmen locaux, selon l’inventaire du Wichita Blues Project, nous sont peu familiers, mais on peut citer Jesse Anderson (coauteur avec Melvin Collins et Fenton Robinson de Somebody loan me a dime !), Charlie « Harmonica Chuck » Phillips (musicien et gérant pendant vingt ans du 904 Club à Wichita), Berry Harris (chanteur-guitariste originaire de l’Oklahoma qui a ensuite vécu à Wichita), Henry Walker & The Regents (piliers des clubs de Wichita)… Enfin, la Wichita Blues Society, une des plus anciennes des États-Unis, a fêté ses quarante ans en 2023.
Voici une sélection de chansons en écoute.
– Wichita blues en 1940 par Charlie Parker.
– Wichita blues (Going to Louisiana) en 1962 par Bob Dylan.
– Wichita lineman en 1968 par Glen Campbell.
– I got a problem en 1970 par Jesse Anderson.
– Pocket City en 2017 par Henry Walker & The Regents.
– Blues legend, documentaire de 2020 sur Berry Harris.
Wichita Blues: Music in the African American Community, par Patrick Joseph O’Connor, University Press of Mississippi, 288 pages, 30 dollars, à paraître le 16 septembre 2024.
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