Nouveauté semaine copie

Au programme de mon émission sur YouTube, Tommy Tucker(rubrique « Un blues, un jour ») et Sugaray Rayford (rubrique « Nouveauté de la semaine »).

Notre artiste du jour mérite assurément d’être redécouvert, car sans un dramatique coup du sort traduit par un décès prématuré, il aurait sans doute plus marqué l’histoire de sa musique. Né à Springfield dans l’Ohio il y a tout juste 86 ans, le 5 mars 1933, le chanteur, pianiste, organiste et compositeur Tommy Tucker, qui évolua entre blues et R&B, fut surtout actif dans les années 1960. Comptant dix frères et sœurs, il apprend le piano à l’initiative de ses parents et progresse assez vite pour jouer dès la fin des années 1940 un jump blues vitaminé typique de l’époque. Un temps membre de l’orchestre de Bobby Wood, il apparaît au début des années 1950 sur quelques singles de formations entre R&B et doo-wop, dont les Belvaderes, les Dusters et les Cavaliers, et se met progressivement au chant. En 1961, il grave un single en tant que Tee Tucker, un nom qu’il adopte alors qu’il signait jusque-là ses compositions sous son nom de naissance.

Il semble s’être installé vers la même époque à Newark dans le New Jersey. Trois ans plus tard, en 1964, il décroche un contrat avec Checker, la filiale de Chess, et parmi les titres gravés cette même année, il obtient un succès considérable avec une chanson qui deviendra un standard, le très fameux Hi-Heel Sneakers. D’autres singles suivent, certains gravés en 1966 avec des « pointures du blues de Chicago comme Big Walter Horton et Willie Dixon. Mais Tucker ne parvient plus à retrouver les sommets, il décide de prendre du recul avec la musique pour travailler comme agent immobilier et journaliste. Il réapparaît à la fin des années 1970 avec un album live, « Live + Well » (Ornament, 1978), avec Louisiana Red en invité sur deux morceaux, et « The Rocks Is My Pillow – The Cold Ground Is My Bed » (Red Lightnin’, 1982, mais enregistré en 1979).

Sans être transcendants, ces deux disques permettent à Tommy Tucker de relancer sa carrière. Mais le sort va en décider autrement : le 22 janvier 1982, en vernissant son parquet, il inhale un produit toxique qui provoque son décès alors qu’il a seulement 48 ans. Sa disparition est celle d’un artiste qui avait un style bien à lui. Même en s’orientant davantage vers le blues, sa musique avait gardé une couleur singulière caractérisée par une drôle de voix de tête à la limite de la rupture, ainsi qu’un jeu de piano et d’orgue plein d’entrain. On aurait vraiment aimé qu’il poursuive plus longtemps son parcours car il avait encore beaucoup de choses à dire… Pour compléter sa discographie, on peut citer l’album « Hi-Heel Sneakers » (Checker, 1964), qui rassemble ses faces pour la marque dans les années 1960. Concernant ma programmation dans mon émission, je n’ai fait preuve d’aucune originalité, et je n’ai donc pas résisté au plaisir de passer sa version originale de 1964 de l’impérissable Hi-Heel Sneakers.

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© : 45cat

 

Ma nouveauté de la semaine porte sur le dernier album de Sugaray Rayford sorti sur le label Forty Below Records, et qui s’intitule « Somebody Save Me ». Rayford s’est imposé comme un des tout meilleurs chanteurs de blues et de soul blues de ces dernières années et ses quatre précédents CD ont été très bien reçus. Celui-ci devrait lui valoir les mêmes éloges car il est tout aussi réussi que les autres. Ce disque compte dix titres, et en schématisant on peut dire qu’il aborde trois registres assez distincts. On trouve d’abord des titres soul blues, le point fort de l’artiste, comme The Revelator, You and I, Is It Just Me et Dark Night of the Soul. Il y a aussi deux belles ballades que j’appelle entre guillemets « à grosse voix »,My Cards Are on the Table et Somebody Save Me.

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© : 2017 Eric Sassaman / Sugaray Rayford

Enfin, Time to Get Movin’, I’d Kill for You, Honey et Sometimes You Get the Bear, avec leurs percussions et leurs guitares plus en avant, sont plus enlevés et les plus bluesy du CD. Il reste toutefois un morceau, Angels and Devils, que je trouve assez inclassable, peut-être un peu pop rock, et je rejoins en cela mon ami Jacques Périn dans sa chronique du disque à lire dans le prochain numéro de Soul Bag, à paraître dans une dizaine de jours. Au bilan, c’est un CD remarquablement équilibré dans des genres qui mettent bien en relief la voix énorme de Rayford, avec des arrangements intelligents pour un accompagnement qui évite le passéisme, et c’est un disque finalement plus moderne qu’il en a l’air. Pour illustrer ça dans mon émission, j’ai choisi un des trois morceaux bluesy, I’d Kill for You, Honey, avec de la slide, de l’harmo et des paroles un peu bravaches qui ne gâchent rien !