Seulement deux jours après les disques Jewel, le hasard du calendrier me conduit à évoquer indirectement un autre label, en l’occurrence Gold Star Records par le biais de son fondateur, Bill Quinn, né le 8 janvier 1893. On ne sait rien de la vie de la Quinn, mais à partir de 1946, Gold Star enregistra des maîtres du blues texan dont Lil’ Son Jackson (qui grava ses premières faces pour le label) et Lightnin’ Hopkins, mais aussi le chanteur-pianiste de Jump Blues et précurseur du rock ‘n’ roll Roy Brown. On lui doit également des réalisations avec des artistes et formations de musique cadienne ou cajun (bien avant l’apparition du zydeco), et son catalogue de l’époque s’ouvrait aussi à la country.
Quinn a créé son premier studio, la Quinn Recording Company, en octobre 1941 au 3104 Telephone Road à Houston, Texas. Il le rebaptise ensuite Gold Star Studios et inaugure en 1946 son label avec le violoniste cajun Harry Choates, qui signe lui aussi en cette occasion (avec son groupe les Melody Boys) ses premières faces sur le single Basile waltz/Jole blonde. Pour l’anecdote, le pressage original comporte deux erreurs d’orthographe, Shoates au lieu de Choates et Jole blonde au lieu de Jolie blonde… Mais contre toute attente, Jole blonde est un vrai succès et se hisse à la quatrième place des charts de Billboard, une « performance » incroyable car aucune autre chanson cajun n’atteindra ensuite le Top 5 desdits charts ! Gold Star n’a toutefois pas les moyens de répondre à la demande et doit confier la diffusion à d’autres marques. Choates sortira quelques autres singles pour Quinn jusqu’en 1951, quand il quitte ce monde à vingt-huit ans dans des circonstances particulièrement scabreuses : détenu dans une cellule de dégrisement (il était alcoolique), il se frappe la tête contre les barreaux jusqu’à tomber dans le coma et meurt quelques jours plus tard…
En 1947, Roy Brown débute sur disque chez Gold Star le temps d’un single (Deep sea diver/Bye baby bye) avant de passer chez De Luxe, mais Quinn connaît à partir de mai de cette même année son expérience la plus marquante en enregistrant Lightnin’ Hopkins. Ce dernier, qui vient de quitter Aladdin, sort jusqu’en 1950 une série de morceaux d’un haut niveau exceptionnel (il ne fera jamais aussi bien pour un autre label), dont bon nombre deviendront des classiques du blues : Short haired woman, Ida Mae, Lonesome home, Tim Moore’s farm, T-Model blues, Jail house blues, Automobile blues… Parallèlement, un autre grand chanteur-guitariste texan, Lil’ Son Jackson, fait donc ses débuts chez Gold Star et grave en 1948 et 1949 dix faces là aussi remarquables. Mais nous l’avons vu, Quinn ne peut retenir ses artistes qui rejoignent des labels aux épaules plus solides, notamment ceux des frères Bihari comme Modern et RPM.
Parmi les autres bluesmen enregistrés à l’époque par Quinn (1946-1951), on relève entre autres les noms de Leroy Ervin, Lee Hunter (le frère d’Ivory Joe Hunter), L.C. Williams, Buddy Chiles, Harrison Nelson, Thunder Smith, Andy Thomas, Perry Cain et D.C. Washington (pseudo de D.C. Bender, un cousin de Lightnin’ Hopkins). On peut entendre certains d’entre eux sur la compilation « Texas Blues (Bill Quinn’s Gold Star Recordings) », sortie chez Arhoolie en 1992. Le studio Gold Star existe toujours sous le nom de SugarHill Racording Studio, ce qui en fait un des plus anciens en activité aux États-Unis (le label proprement dit a été racheté en 1983 par Billy Gibbons de ZZ Top), mais Quinn, tout en collaborant un temps avec Chris Strachwitz d’Arhoolie, avait progressivement lâché du lest dans les années 1960 alors que son label s’orientait vers le rock psychédélique ! Bill Quinn, qui nous laisse un legs fondamental dans le domaine du blues texan, nous a quittés le 4 décembre 1975 à quatre-vingt-deux ans.
Voici maintenant quelques chansons en écoute.
– Jole blonde en 1946 par Harry Shoates (Choates), tirée du premier single du label.
– Deep sea diver en 1947 par Roy Brown.
– Short haired woman en 1947 par Lightning (Lightnin’) Hopkins.
– Big stars are falling en 1947 par Thunder Smith.
– Rock Island blues en 1947 par Leroy Ervin.
– Roberta blues en 1948 par Lil’ Son Jackson.
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