© : University Press of Mississippi.

Ce sont les hasards du calendrier et en l’occurrence de l’actualité littéraire, relative à deux livres sur d’anciens esclaves américains. Le premier s’appuie sur le récit rédigé en 1855 par John Swanson Jacobs, seulement retrouvé l’an dernier, soit 168 ans après sa réalisation ! Il fait donc l’objet d’un ouvrage publié le 21 mai 2024 (University of Chicago Press) qui s’intitule The United States Governed by Six Hundred Thousand Despots: A True Story of Slavery. Le deuxième, que l’on doit à John Minton, Folk Music and Song in the WPA Ex-Slave Narratives (University Press of Mississippi), ne sortira que le 16 décembre 2024. Je ne vais pas évoquer en même temps ces deux livres importants car chacun mérite un traitement distinct. En outre, et paradoxalement, je vais commencer par le second livre non encore paru. La raison est simple : j’ai d’abord reçu les informations de l’ouvrage de Minton, et ce il y a plus d’un mois, et j’ai donc rassemblé assez d’éléments pour cet article. Quant au livre de Jacobs, je viens à peine de l’acquérir, et dès lors, autant y revenir quand je l’aurai lu…

© : Illustration de l’American Anti-Slavery Almanac, 1840. © : Library of Congress.

Venons donc à Folk Music and Song in the WPA Ex-Slave Narratives, le pavé de Minton, et le terme n’est pas excessif car il compte pas moins de 896 pages ! La WPA dont il est question est la Works Progress Administration, spécialement créée le 6 mai 1935 dans le cadre du Second New Deal sous les ordres du président Franklin Delano Roosevelt. Il s’agit d’un programme fédéral mené en collaboration avec les gouverneurs des États, dont le principal objectif est de redonner un emploi aux millions de chômeurs (plus de 11 millions en 1934) suite à la Grande dépression. Afin de restaurer l’économie, il porte sur l’éducation mais surtout sur des travaux publics à très grande échelle. Jusqu’en 1943, il permettra à 8,5 de personnes de retrouver un emploi, et la construction de plus d’un million de kilomètres de routes, 125 000 bâtiments publics, 75 000 ponts, 8 000 parcs ou encore 800 aéroports.

Jour de paye pour un ouvrier de la WPA, janvier 1939. © : National Archives.

Mais ce programme s’étendait en fait à de nombreux secteurs, dont les arts et la culture, parmi lesquels la musique et les traditions folkloriques, qui trouvaient leur place dans ce programme. Ainsi, entre 1937 et 1940, les équipes de folkloristes de la WPA ont recueilli les récits écrits de quelque 3 500 anciens esclaves, ce qui représentera au final dans les 20 000 pages, un ensemble impressionnant en grande partie resté inédit (il existe quelques publications sur des États précis, mais pas spécialement centrés sur la musique), et qui selon l’éditeur « est de loin la plus importante collection de folklore et d’histoire orale recueillie directement auprès d’anciens esclaves en Amérique ». L’auteur s’est donc attelé à un travail de fourmi pour restituer un travail exceptionnel et précieux. En effet, avant l’abolition en 1865, les esclaves ne pouvaient pas (ou très exceptionnellement) exprimer, surtout par écrit, ce qu’ils vivaient, ce qui donne une valeur inestimable au recueil constitué par Minton. Il privilégie en outre dans sa sélection les slave songs, works songs, war songs, minstrel songs, danses, comptines, ballades, hymnes, spirituals, pour offrir une étude unique sur toutes ces traditions à l’origine des musiques afro-américaines.
Folk Music and Song in the WPA Ex-Slave Narratives, par John Minton, University Press of Mississippi, 896 pages, à paraître le 16 décembre 2024.

Sur un chantier routier de la WPA, 1935. © : Alfred Castagne / Wikimedia Commons / The Nation.