Pour les auteurs des textes de chansons dans le cadre des musiques afro-américaines, il ne fut pas toujours simple de s’exprimer, en particulier s’agissant de rhétorique et donc d’éloquence, et surtout dans le sens le plus revendicatif du terme. Bien avant la naissance du blues, du gospel et du jazz, l’esclavage entrava la propagation de cette culture noire venue d’Afrique. Sans toutefois la stopper, car par le biais des work songs, des slave songs puis des spirituals, ses acteurs ne cessèrent jamais de la transmettre. Ensuite, après l’abolition de l’esclavage, quand vint l’heure d’autres ignominies comme les lois Jim Crow et la ségrégation, les textes des musiques noires continuèrent de peser. Ils trouvèrent d’abord leur force dans une poésie souvent désabusée, dans des métaphores, dans un humour qui laisse la place à l’autodérision, aussi.
L’histoire nous rappelle l’influence des textes des musiques noires. Dès la première moitié du XIXe siècle, ils portèrent les esclaves en fuite du réseau clandestin de l’Underground Railroad. Dans les années 1920 et 1930, ils participèrent au renouveau culturel de mouvement de la Harlem Renaissance. De plus en plus de bluesmen s’aventurèrent ensuite dans ce qui fut longtemps pour eux un no man’s land, en condamnant les guerres, en Corée, au Vietnam… Leur rôle dans la lutte pour les droits civiques n’est pas à démontrer, et de nos jours, dans une Amérique plus que jamais « gouroutisée » par ses démons, ils insistent, s’efforcent encore et toujours de peser. Les études sur la rhétorique propre aux musiques noires sont rares. Earl H. Brooks, spécialiste du genre, vient de publier On Rhetoric and Black Music (Wayne State University Press), relatif à cet aspect des principaux courants musicaux afro-américains depuis le XIXe siècle, spirituals, ragtime, jazz, blues, gospel… Un livre que je suis en train de lire, j’y reviendrai donc bientôt dans le détail.
Photos tirées du livre : © Wayne State University Press.
On Rhetoric and Black Music, par Earl H. Brooks, Wayne State University Press, 220 pages, 36,99 dollars.
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