© : Stefan Wirz.

J’ai déjà évoqué par le passé Josh White et Blind Joe Taggart, mais je souhaite m’arrêter sur un événement précis qui concerne ces deux artistes, survenu en octobre 1928 sans toutefois plus de précision. Lors d’une session organisée à Chicago pour Paramount, les deux hommes se retrouvent en studio et gravent deux faces, I’ve crossed the separation line et There’s a hand writing on the wall, sur lesquels Taggart apparaît en leader au chant et à la guitare, White se contentant de l’accompagner. Les disques sont d’ailleurs bien crédités à Taggart, qui utilise toutefois des pseudonymes sur les versions éditées par Broadway (Joe Donnell) et Herwin (Blind Tim Russell et Blind Jeremiah Taylor), deux marques qui diffusent leur production à partir des pressages Paramount.

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Durant cette séance, les mêmes signent deux autres chansons Scandalous and a shame et Lord, don’t drive me away. Sur la première, Josh White intervient en lead au chant pour ce qui constitue donc également son premier enregistrement sous son nom, même si Paramount l’associe à Taggart sur le disque. Mais le plus étonnant est ailleurs. En effet, en octobre 1928, Josh White, né le 11 février 1914, est donc seulement âgé de quatorze ans ! Cela fait évidemment de lui, et de loin, le plus jeune bluesmen enregistré de son époque, et même de toute la période dite des race records qui prendra fin à la fin des années 1940. Mais les choses ne furent pas simples pour le jeune bluesman d’une rare précocité. Bien plus tôt, dès 1921, son père est sévèrement battu par des Blancs pour avoir mal reçu un agent de recouvrement.

Vers 1933 © : Stefan Wirz.

Josh White se trouve livré à lui-même et accepte de suivre un certain John Henry « Big Man » Arnold qui se produit dans les rues. Arnold utilise en fait White, qui n’est qu’un enfant, pieds nus et en guenilles, pour amadouer le public et encaisser les pourboires. White s’avère si talentueux (chant, danse, tambourin) et surtout si rémunérateur pour Arnold, que ce dernier parvient à le faire engager comme guide par des bluesmen aveugles dont Blind Blake, Blind Lemon Jefferson et Blind Joe Taggart, au contact desquels il devient également un guitariste émérite. Taggart exploite « le filon » et se révèle violent à l’égard de White, qui découvre en outre qu’il n’est peut-être pas aveugle ! Il a certes un œil de verre, mais il se pourrait bien qu’il y voit plus ou moins de l’autre… Après quelques autres enregistrements avec Taggart jusqu’en décembre 1929, Josh White débutera à partir de 1932 (à dix-huit ans !) sous son seul nom une des carrières parmi les plus significatives de l’histoire du blues, sans compter son implication en faveur des droits civiques.

© : Stefan Wirz.

Pour ma sélection de chansons en écoute, je vous propose simplement toutes celles enregistrées par Josh White avec Blind Joe Taggart entre octobre 1928 et décembre 1929, quand White, il importe de le souligner, avait entre quatorze et quinze ans…
I’ve crossed the separation line en octobre 1928 par Blind Joe Taggart avec Josh White.
There’s a hand writing on the wall en octobre 1928 par Blind Joe Taggart avec Josh White.
Scandalous and a shame en octobre 1928 par Josh White avec Blind Joe Taggart avec.
Lord, don’t drive me away en octobre 1928 par Blind Joe Taggart avec Josh White.
Religion is something within you en décembre 1928 par Blind Joe Taggart avec Josh White.
Mother’s love en décembre 1928 par Blind Joe Taggart avec Josh White.
Wonder will my trouble then be over en décembre 1929 par Blind Joe Taggart avec Josh White.
Waded in the water trying to get home en décembre 1929 par Blind Joe Taggart avec Josh White.
Strange things happen in the land en décembre 1929 par Blind Joe Taggart avec Josh White.

© : WMKY.