Ce 28 octobre 2023 marque la Journée internationale de la langue et de la culture créoles, dont nous fêtons d’ailleurs cette année le quarantième anniversaire car elle a été créée en 1983. Il existe en fait de nombreux créoles dans le monde, au moins 105 même si les sources varient, parlés par un peu plus de 100 millions de locuteurs. Concernant les créoles à base lexicale française, on estime le nombre de locuteurs à quelque 10 millions. Mais le créole n’est pas seulement une langue, il fait totalement partie de la culture de celles et ceux qui le pratiquent. Et bien entendu, la musique est elle-même une composante essentielle de ladite culture. Sur ce site, je ne vais évidemment pas réaliser un article sur le créole ou son histoire, je ne suis pas compétent. En revanche, dans le cadre de ma rubrique hebdomadaire sur les musiques guadeloupéennes et en tant que résident marie-galantais, l’occasion est belle d’associer créole et tradition musicale. Et bien que ce site soit d’abord dédié aux musiques afro-américaines, je souhaite aussi profiter de ce jour hautement symbolique pour faire un nouveau parallèle avec les musiques antillaises. Plutôt qu’un long discours, je préfère donc fêter le créole, ou plutôt les créoles… en musique ! Le présent article s’articule donc autour de trois créoles bien distincts.
Le créole guadeloupéen
On en trouve trace dans les premiers enregistrements de musique guadeloupéenne, notamment de biguine, dès la fin des années 1920. Nous le savons, cela correspond également à peu de choses près à l’époque des enregistrements initiaux de musiques afro-américaines dont le blues, le gospel et le jazz. Ce même jazz, d’ailleurs influencé par la biguine, sera très présent dans la musique guadeloupéenne jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avant de laisser la place à des courants plus modernes mais aussi plus « vernaculaires », ce qui ne les empêchera pas de prendre une dimension planétaire dans les années 1970, le zouk étant le meilleur exemple. Bien entendu, le créole est resté présent au gré de toutes ces décennies, et notre sélection de chansons en écoute en témoigne.
– Robes à queue en 1931 par le Tom Martial (Tom & ses Juniors Guadeloupéens).
– Célestin roi diable en 1932 par l’orchestre d’Alexandre Kindou.
– Ti Joseph à Joséphine en 1934 par l’orchestre créole Matou avec Abel Beauregard.
– Touloulou Mi Touloulou a ou La en 1937 par Roger Fanfant et son orchestre.
– À la vande (Pe-en-Kin) en 1939 par Sosso Pe-en-Kin et l’orchestre du bal Bill Amour.
– Douvant pote doudou en 1953 par Sylvio Siobud.
– Padon bon dieu en 1954 par Félix Valvert avec Stella Félix au chant.
– Ca ki ouai gros Paul en 1962 par Moune De Rivel.
– Ninon en 1967 par Manuela Pioche avec Robert Mavounzy.
– Dégagez en 1977 par les Vikings de la Guadeloupe.
– Nèg Mawon en 1982 par Kassav’.
– Pa ka woulé en 1993 par Akiyo.
Le créole louisianais
À base lexicale française comme le guadeloupéen, il a une double origine. Il provient d’abord de la déportation des esclaves venus d’Afrique de l’Ouest, et on relève logiquement des similitudes avec le créole pratiqué dans la Caraïbe, en particulier en Haïti. Mais une autre déportation, celle des Français d’Acadie depuis le nord-est du Canada vers la Louisiane au XVIIIe siècle, générera une forme assez différente, plus proche du français. Encore vivace au centre-sud de la Louisiane, elle sert de fondation à la musique cadienne, voire cajun même s’il s’agit alors de la traduction du terme cadien en anglais. Il existe des différences entre le créole louisianais des Noirs et celui des Cadiens (qui de toute façon sont également parfaitement anglophones !), même si elles sont moins marquées qu’à l’origine. Ici aussi, notre sélection de chansons démontre que le créole louisianais était présent dès le tournant des années 1920 et 1930.
– Madam Atchen en 1929 par Amédé Ardoin.
– Nouveau Grand Gueydan en 1937 par Happy Fats & His Rayne-Bo Ramblers.
– Zydeco et pas sale (Les haricots sont pas salés) en 1965 par Clifton Chenier.
– J’ai étais au balle (J’étais au bal) en 1975 par Nathan Abshire avec les Balfa Brothers.
– Pierrot Grouillette et Mamselle Josette en 1984 par BeauSoleil.
– Ma negresse en 2007 par Cedric Watson et Corey Ledet.
Le créole gullah (ou geechee)
Dès les années 1620, des esclaves venus d’Afrique prennent pied pour la première fois sur le territoire des futurs États-Unis, en l’occurrence sur la côte est qui comprend du nord au sud les actuels États de la Virginie, de la Caroline du Nord et du Sud, de la Géorgie, enfin de la Floride, où ils créent dans les plantations un créole à base lexicale anglaise. Il s’agit donc de la plus ancienne forme connue d’un créole « américain », mais le plus formidable, c’est qu’il perdure de nos jours avec environ 250 000 locuteurs, non seulement dans la musique mais dans toute la culture et les traditions des Gullah. Compte tenu de ses origines très anciennes, qui sont communes à celles de la Caraïbe, la musique des Gullah reste très marquée par les racines africaines et fait naître de profondes émotions. Voici donc notre troisième sélection de chansons…
– Moses, don’t get lost en 1959 par John Davis and The Georgia Sea Island Singers.
– Throw me anywhere lord en 1959 par The Georgia Sea Island Singers.
– Buzzard lope en 1961 par Bessie Jones.
– Plantation dance ring shout en 2016 par les Georgia Geechee Gullah Ring Shouters.
– Shoo Lie Loo en 2017 par Ranky Tanky.
– Geechee pride en 2019 par Geechee Syndicate. Une version très… moderne !
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