Le Blues Hall of Fame à Memphis. © : Blues Foundation.

Le 9 mai 2024, la Blues Foundation à Memphis remettra ses Blues Music Awards mais elle célébrera aussi l’entrée des nouveaux récipiendaires au Blues Hall of Fame, dont elle vient justement de communiquer la liste complète. Il existe plusieurs catégories qui concernent des artistes (disparus ou toujours de ce monde), différents acteurs du secteur (auteurs, journalistes, historiens, producteurs…), des livres, des albums et des enregistrements marquants. Je vous propose maintenant de nous arrêter sur ces nouveaux entrants, avec des extraits en écoute pour les artistes et les singles.

Sugar Pie DeSanto, San Francisco, Californie, prob. septembre 1972. © : Robert Altman / Michael Ochs Archives / Getty Images.

– Sugar Pie DeSanto. Née Peylia Marcema Balinton le 16 octobre 1935 à New York (et a priori toujours active à quatre-vingt-huit ans), DeSanto est une formidable chanteuse (et danseuse) de R&B et de soul. En 1964, elle a participé à la troisième tournée de l’American Folk Blues Festival en Europe, démontrant sur cette version de Rock me baby que le blues lui convenait également à merveille. Vous noterez, notamment en début de vidéo, la différence de gabarit entre la chanteuse (1,50 m) et le « monstrueux » Willie Dixon à la contrebasse. Quant aux autres accompagnateurs, ce sont aussi des « monstres » dans leur genre : Hubert Sumlin à la guitare, Sunnyland Slim au piano et Clifton James à la batterie !
– Lurrie Bell. Quand il parvient à se défaire de ses démons, le chanteur-guitariste de Chicago (né le 13 décembre 1958) est simplement sans égal parmi les bluesmen de sa génération. Écoutons-le en 2008 sur Don’t you lie to me.

Odetta, 1961. © : Britannica.

– Odetta (1930-2008). Dans un article du 31 décembre 2018, j’écrivais au sujet de cette immense artiste : « Je n’oublierai jamais le concert donné par Odetta en 2003 au festival Cognac Blues Passions (…). Elle avait revisité de sa voix agile, mouvante et toujours expressive les principaux genres de la musique populaire américaine, folk, spirituals, gospel, blues… Mais plus encore, elle dégageait un incroyable charisme quand elle s’adressait au public pour expliquer son combat pour les causes qui lui tenaient à cœur. Car cette grande dame ne fut pas seulement une chanteuse, une musicienne, une compositrice et une actrice accomplie, elle guida aussi un peuple, et durant toute sa vie elle se battit en faveur des droits civiques et de la reconnaissance de sa communauté. » Je n’ai donc toujours pas oublié et je ne vois rien à changer, y compris la chanson que j’avais alors choisie, Another man done gone (1962).
– Jimmy Rushing (1899-1972). Chanteur surpuissant, il figure parmi les meilleurs blues shouters mais il sut attirer l’attention des plus éminents jazzmen et travailla durant treize ans au sein de l’orchestre de Count Basie. Le voici en 1958 avec un de ses plus grands succès, Going to Chicago (le titre de la vidéo YouTube est pour le moins… hasardeux !).
– Scrapper Blackwell (1904-1962). Génie absolu de la guitare, célèbre pour le duo qu’il composa avec le chanteur-pianiste Leroy Carr, avec lequel il fait partie des principaux créateurs du blues urbain dans les années 1930. Mais écoutons-le en solo (car il chantait aussi, et très bien) sur Hard time blues en 1931.

© : Discogs.

– O.V. Wright (1939-1980). Ce chanteur navigua sans obstacle entre soul, gospel, soul blues et R&B, et sa voix l’installe parmi les artistes les plus influents de son époque. Mais il ne parviendra jamais à se débarrasser de son addiction à la drogue (qui lui vaudra un séjour en prison) et nous quittera à quarante-et-un ans. Parmi ses classiques, j’aime beaucoup Eight men, four women (1967).
– Lil’ Ed and the Blues Imperials. Né le 8 avril 1955 à Chicago, Lil’ Ed Williams est à la tête d’un groupe parmi les meilleurs de la Windy City, avec un personnel qui n’a pratiquement pas changé depuis le milieu des années 1980. Ébouriffant à la slide, Lil’ Ed est également un chanteur très impliqué, comme en témoigne cette version de Hold that train (2011).

Voici maintenant les entrants dans les catégories qui ne concernent pas les artistes.

Bill Ferris. © : INDY Week.

– William Reynolds « Bill » Ferris. On ne présente pas Bill Ferris, né le 5 février 1942 à Vicksburg, soit à l’extrême sud du Delta, cette région du Mississippi qui vit naître le blues. Écrivain, historien, folkloriste, photographe, cinéaste, conférencier, il a été choisi en 1997 par le président Clinton pour diriger le National Endowment for the Humanities (que l’on peut traduire par Fondation nationale des sciences humaines), a fondé le Center for the Study of Southern Culture, est coéditeur de l’Encyclopedia of Southern Culture, professeur émérite à l’université de Chapel Hill en Caroline du Nord, et j’en oublie sans doute… Il nous laisse des travaux de tout premier ordre et des œuvres référentes comme les livres Blues From the Delta (Studio Vista, 1970) et Give My Poor Heart Ease: Voices of the Mississippi Blues(University of North Carolina Press, 2009), ainsi que l’anthologie « Voices of Mississippi: Artists and Musicians Documented by William Ferris » (Dust-to-Digital, 2018, deux Grammy Awards). Une inscription plus que méritée au Blues Hall of Fame !
– Livre (catégorie « Classic of Blues Literature ») : Blues Legacies and Black Feminism: Gertrude « Ma » Rainey, Bessie Smith and Billie Holiday, par Angela Davis (Pantheon, 1998).

© : Discogs.

– Album (catégorie « Classic of Blues Recording ») : « Here’s the Man!!! » par Bobby Bland (Duke, 1962)

– Singles (catégorie « Classic of Blues Recording ») : Driving wheel par Junior Parker (Duke, 1961), I ain’t got you par Billy Boy Arnold (Vee-Jay, 1955), Key to the highway par Jazz Gillum (Bluebird, 1940), Okie dokie stomp par Clarence « Gatemouth » Brown (Peacock, 1954) et Why don’t you do right? par Lil Green (Bluebird, 1941).
Plus de détails à cette adresse sur le site de la Blues Foundation.

© : RYM.