Le coton tient une place considérable dans le blues. On peut même écrire que tous les bluesmen du Mississippi, et bien sûr en particulier du Delta, ont vécu (et vivent encore !) dans un environnement largement dominé par la culture du coton. Et s’ils ne l’ont pas cueilli, mais ils sont bien rares, ils l’ont très souvent chanté… On trouve bon nombre de lieux de mémoire, généralement des musées et pour la plupart situés dans le quart sud-est des États-Unis, qui racontent « la grande histoire du coton ». Parmi ceux-ci, l’un des plus notables est le Cotton Museum at the Memphis Cotton Exchange. Il est certes plutôt récent (il a ouvert en 2006) et même plutôt petit, mais il fait partie d’un site historique qui va nous ramener quelque 150 ans en arrière, quasiment au lendemain de la guerre de Sécession, pendant une période appelée la Reconstruction.
En fait initiée durant le conflit, au moment de la proclamation d’émancipation signée par Abraham Lincoln le 1er janvier 1863, la Reconstruction prendra fin en 1877. Après la guerre, les cours du coton connaissent une forte hausse. Memphis, de par sa position géographique centrale sur l’axe sud-nord, est déjà une plaque tournante pour le commerce dont celui du coton en pleine expansion, mais elle doit faire face à la concurrence d’autres grandes villes qui ont déjà créé leur propre Cotton Exchange ou « Bourse du coton » comme La Nouvelle-Orléans (1871) et même New York (1870)… Dès lors, soucieuse de réguler les cours, la chambre de commerce de Memphis ouvre fin 1873 (ou en 1874, les sources varient) sa première Bourse du coton, en réalité un simple marché au comptant. Il se trouve au centre-ville, dans ce qui constitue aujourd’hui le cœur historique de la ville, à l’angle de Madison Avenue et North Second Street, environ 500 mètres au nord de Beale Street.
Dans les deux décennies qui suivent, la région que nous appelons aujourd’hui le Delta (et dont on admet que Memphis, bien que située dans le Tennessee, est la limite nord) dans le Mississippi fait l’objet de travaux colossaux de déforestation. La zone est bouleversée et transformée en plaine alluviale propice à la culture du coton… et aux crues dévastatrices du Mississippi et de ses affluents. Une bonne partie des pionniers du blues naissent à cette époque dans le Delta et travaillent, ou sont plutôt exploités par l’odieux système du métayage, sur d’immenses plantations de coton. On peut écrire sans exagérer que la genèse du blues est intimement liée à l’évolution de la culture du coton au tournant du XXe siècle, y compris quand elle est gravement affectée par le charançon du coton (le boll weevil, sur lequel Charlie Patton inaugurera sa discographie), affreuse bestiole qui arrive dans le Delta en 1908.
Un peu plus tard, en 1922, la Bourse du coton de Memphis s’installe dans un immeuble de douze étages au 65 Union Avenue à l’angle de Front Street, toujours au centre-ville non loin du premier site, quasiment à égale distance (300 mètres) de Beale Street et de l’hôtel Peabody. Elle ferme en 1978 (à peu près un siècle après sa création), et il faudra donc attendre 2006 pour que le Cotton Museum at the Memphis Cotton Exchange prenne ses quartiers en ce lieu chargé d’histoire. Les collections reviennent bien entendu sur l’histoire du coton dans la région, et le musée propose régulièrement des activités, des programmes éducatifs pour les enfants et les étudiants, ainsi que des événements comme la Harvest Party au moment de la récolte. Si vous souhaitez vous y rendre, toutes les informations sont disponibles à cette adresse.
Le thème est évidemment très courant dans les textes des bluesmen, et voici maintenant quinze chansons en écoute.
– Cotton belt blues en 1923 par Lizzie Miles.
– Cotton field blues en 1926 par Charlie « Dad » Nelson.
– Mississippi boweavil blues en 1929 par Charlie Patton.
– Cotton belt blues en 1929 par Alura Mack.
– Cottonfield blues en 1929 par Garfield Akers.
– Cotton seed blues en 1930 par Easy Papa Johnson (Roosevelt Sykes).
– Cotton seed blues en 1931 par Tampa Red.
– Pick a bale a’ cotton en 1935 par Lead Belly.
– Cotton farmer blues en 1938 par Sampson Pittman.
– Cotton choppin’ blues en 1939 par Big Bill Broonzy.
– Cotton farm blues en 1939 par Walter Davis.
– Cotton blossom blues en 1940 par le Lewis Bronzeville Five.
– Cotton pickin’ blues en 1942 par Robert Petway.
– Cotton crop blues en 1954 par James Cotton.
– Cotton field blues en 1965 par Lightnin’ Hopkins.
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