Il y a guère plus de deux mois, le 4 mars 2024, je consacrais ici un article au parcours du chanteur-guitariste John Cephas, en m’arrêtant bien sûr longuement sur le duo qu’il forma durant trente-deux ans avec le chanteur-harmoniciste Phil Wiggins. Or, ce dernier vient de rejoindre son ami (disparu en 2009) : Phil Wiggins nous a en effet quittés ce 7 mai 2024, soit la veille de son soixante-dixième anniversaire. Je ne vais donc pas m’étendre ici sur la carrière du duo Cephas-Wiggins que j’évoque dans le détail dans mon article cité plus haut, d’autant que Frédéric Adrian signe sur le site de Soul Bag un hommage à Wiggins que je vous invite à lire. Selon sa fille Martha, il est mort chez lui après avoir passé quelques jours dans une unité de soins palliatifs, mais ne semblait pas en mauvaise santé. Quoi qu’il en soit, le Piedmont Blues de la Côte Est perd un de ses représentants les plus notables, dans la lignée d’un autre duo célèbre composé de Sonny Terry et Brownie McGhee.
Phil Wiggins voit le jour le 8 mai 1954 à Washington, D.C. Il grandit dans une famille qui aime (et pratique) la musique, avec un père pianiste qui chante également à l’église, et un frère aîné chanteur-guitariste qu’il cite même comme sa première influence ! Malheureusement, il n’a que sept ans quand son père décède. Il apprend d’abord le saxophone à douze ans puis l’harmonica deux ans plus tard. Peu après, en 1969, il rencontre Flora Molton, extraordinaire chanteuse-guitariste de gospel blues spécialiste de la guitare slide qui aimait se produire dans les rues à Washington. Wiggins se passionne d’ailleurs un temps pour le gospel, mais quand il voit en 1970 Johnny Shines, Robert Belfour et autre Sam Chatmon, il se convertit définitivement au blues ! Il joue même dans un groupe jusqu’à l’obtention de son diplôme de fin d’études secondaires (notre bac) en 1973, se produit avec Flora Molton, et rencontre le chanteur-guitariste John Jackson, autre figure du Piedmont Blues. Enfin, en 1975, lors d’un concert au club Childe Herald, grâce à Johnny Shines dont il alors proche, il est invité à jouer dans le groupe du chanteur-pianiste Wilbert « Big Chief » Ellis, les Barrelhouse Rockers, qui comptent parmi leurs membres un certain John Cephas (source : Living Blues n° 234, décembre 2014).
À partir de 1976, la carrière de Phil Wiggins se confond avec celle de John Cephas, et comme je l’écris en préambule, j’y reviens dans mon article du 4 mars dernier. Au total, le duo enregistre jusqu’en 2008 treize albums dont quatre pour Alligator, tout en se produisant dans les plus grands festivals et lors de tournées dans le monde entier. Après la mort de Cephas (né en 1930, il avait donc vingt-quatre ans de plus que lui), Wiggins a poursuivi sa carrière sous son nom, collaborant ou tournant avec de nombreux artistes de différents horizons dont Corey Harris, Taj Mahal, Guy Davis, Shemekia Copeland et Alvin Youngblood Hart, et avec son propre groupe les Chesapeake Years. Soucieux de transmettre, il s’est aussi distingué comme enseignant (de l’harmonica) dans plusieurs établissements, par exemple pendant près d’un quart de siècle pour l’Augusta Heritage Center à Elkins, Virginie-Occidentale, et durant cinq ans comme directeur artistique du Port Townsend Acoustic Blues Workshop, État de Washington. Je vous propose de le voir dans cette vidéo de vingt-neuf minutes enregistrée le 23 septembre 2020 pour la Bibliothèque du Congrès.
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