L’Acadiane ou pays cadien, voire cajun en anglais mais c’est moins usité car la région est liée à l’influence française, occupe en gros le centre-sud de la Louisiane, sur plus d’un quart de la superficie totale de l’État (37 000 km2 pour 135 000 km2). Elle regroupe vingt-deux des soixante-quatre paroisses de la Louisiane et compte près d’un million et demi d’habitants. Sa plus grande ville est bien sûr Lafayette, mais avec environ 10 000 habitants aujourd’hui, Eunice fait partie des localités importantes de l’Acadiane, en particulier pour la richesse de ses traditions musicales. Entre 1755 et 1763, durant le Grand Dérangement, des Acadiens qui vivent dans les actuelles provinces canadiennes de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick sont déportés en masse par les Britanniques. Ils trouvent alors refuge dans une région de Louisiane qui n’est pas comme on pourrait le penser parcourue par les bayous, mais plutôt constituée de grandes prairies, qui vaut d’ailleurs à Eunice d’être appelée la Prairie Cajun Capital.
Les Acadiens, qui vont devenir finalement les Cadiens, importent dans la région la culture française. Mais l’histoire de Eunice débute véritablement plus tard, à la fin du XIXe siècle, avec un certain Cornelius C. Duson, homme de loi qui occupera le poste de shérif de la paroisse de Saint-Landry de 1874 à 1888. En 1886, Duson fonde Crowley, connue plus tard pour avoir abrité les studios du célèbre producteur J.D. Miller, auquel on doit la plupart des enregistrements historiques du Swamp Blues dans les années 1950 et 1960. Il acquiert ensuite des parcelles en 1894 et établit le 12 septembre un premier village qu’il appelle Eunice (le prénom de son épouse), qui obtient le statut de ville l’année suivante. En 1907, Duson sera aussi à l’origine de la création de Mamou, autre centre important de la musique cajun.
Le 26 janvier 1893, le futur chanteur-violoniste Dennis McGee voit le jour sur ce site qui prendra donc le nom de Eunice l’année suivante. De 1929 à 1934, avec le chanteur-accordéoniste Amédé Ardoin (né dans les environs en 1898, mon article du 9 décembre 2018), il réalisera en pionnier des enregistrements fondamentaux dont plusieurs deviendront des classiques de la musique cadienne et même du zydeco. McGee et Ardoin (le premier est blanc, le second « créole noir ») travailleront quelque temps à la ferme de Célestin Marcantel à Eunice. Parmi les adeptes notoires du zydeco de la génération actuelle natifs de Eunice, il faut citer les chanteurs-accordéonistes Geno Delafose et Joe Hall. Bien entendu, impossible de ne pas citer Ann et Marc Savoy (ce dernier né à Eunice) avec le Savoy Music Center, où vous apprendrez tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’accordéon local…
Autres lieux immanquables qui préservent la culture cadienne à Eunice, le Cajun French Music Hall of Fame and Museum, et le Liberty Theater & Liberty Center for Performing Arts, ancienne salle de spectacles fondée en 1924 qui accueille chaque samedi en direct des émissions de radio et télé consacrées à la musique cadienne. Pas uniquement centrés sur la musique, le Jean Lafitte Prairie Acadian Cultural Center (très complet sur l’histoire, les traditions et la culture cadiennes à toutes les époques) et le Eunice Depot Museum (plus axé sur la vie des premiers Acadiens arrivés dans la région), sont tout aussi incontournables.
Je termine bien sûr avec quelques chansons en écoute.
– Valse de vachers en 1929 par Dennis McGee et Ernest Frugé.
– Les blues de Crowley en 1934 par Amédé Adoin et Dennis McGee.
– Port Arthur blues en 2009 par le Savoy Family Band.
– Dance all night, stay a little longer en 2016 par Geno Delafose & French Rockin’ Boogie.
– Nu nu’s breakdown en 2017 par Joe Hall.
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