© : Stefan Wirz.

Avec sa voix profonde et son jeu de guitare aux basses très appuyées, le chanteur-guitariste Smoky Babe incarnait plus que bien d’autres le Country Blues. En 1960 et 1961, le musicologue Harry Oster vient chez lui en Louisiane et enregistre plus de quarante faces ! Fort heureusement, ces chansons vraiment remarquables seront ensuite publiées sur trois albums. En revanche, on ne sait quasiment rien de la vie de ce mystérieux bluesman, qui disparaîtra ensuite complètement de la circulation… De son vrai nom Robert Brown, il voit le jour le 31 juillet 1927 à Itta Bena, Mississippi, une petite ville du Delta très célèbre dans le monde du blues car elle a également vu naître Robert « Big Mojo » Elem, Luther « Guitar Junior Johnson », Robert Petway et bien sûr B.B. King !

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En rassemblant les maigres éléments disponibles (notes de pochettes de ses disques, paroles de ses chansons qui sont souvent autobiographiques…), on déduit qu’il n’est pas allé longtemps à l’école, et qu’il a grandi et travaillé sur des plantations (coton, maïs) de sa région natale. Bluesman itinérant, il a également œuvré pour une aciérie à Bessemer, Alabama. Ses pérégrinations le mènent ensuite dans les clubs de La Nouvelle-Orléans, mais comme il ne peut vivre uniquement de la musique, il est également employé au nettoyage des barges sur le Mississippi. Il finit ainsi par s’installer à Scotlandville, aujourd’hui une banlieue nord de Baton Rouge, où il est également mécanicien dans un garage automobile.

© : Smithsonian Folkways Recordings.

Quand Harry Oster le découvre début 1960, Smoky Babe exerce ce métier, mais il est également connu localement car il chante et joue régulièrement dans les rues de Scotlandville, notamment avec l’harmoniciste Clyde Causey, lequel joue également de la batterie pour les frères Clarence et Cornelius Edwards. Le Swamp Blues influence donc très certainement Smoky Babe, d’autant qu’il fréquente aussi un autre maître du genre, Lazy Lester. Le 6 février 1960, Oster enregistre deux chansons de Smoky Babe en solo, qui restent toutefois inédites. Le 14 avril, son nom apparaît sur une face, Your dice won’t pass, qu’il partage avec Sally Dotson et Hillary Blunt, puis le 3 novembre sur une autre, Going downtown boogie, cette fois en solo.

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Ces deux premières chansons font partie d’une compilation sortie par Oster sur son label Folk-Lyric, « Country Negro Jam Session », qui met en scène d’autres bluesmen de la région de Baton Rouge dont Butch Cage, Robert Pete Williams, les frères Edwards et Willie B. Thomas. Mais en fait, jusqu’en août 1961, Oster enregistre Smoky Babe en de nombreuses occasions, dans certains cas avec Lazy Lester sous le pseudonyme de Henry Thomas car il est alors sous contrat avec J.D. Miller, le producteur du label Excello… Lors de la dernière session, Oster a choisi d’emmener Smoky Babe chez sa mère à Vance, Mississippi. Tous ces magnifiques témoignages sont disponibles sur trois albums : « Smoky Babe and His Friends: Hot Blues » (Folk-Lyric, 1961), « The Blues of Smoky Babe: Hottest Brand Goin’ » (Prestige Bluesville, 1963) et « Way Back in the Country Blues: The Lost Dr. Oster Recordings » (Arhoolie, 2014). Nul ne sait ce qu’est ensuite devenu Smoky Babe. D’après des témoins privilégiés dont Robert Pete Williams, il était mort en 1974, et après recoupements, on considère qu’il nous a quittés en mai 1973, à seulement quarante-cinq ans…

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Voici maintenant une sélection de dix chansons en écoute.
Your dice won’t pass en 1960 par Sally Dotson, Smoky Babe et Hillary Blunt.
Going downtown boogie en 1960.
Too many women en 1960, avec Lazy Lester à l’harmonica.
Bad whiskey en 1960.
I’m going home on the morning train en 1960.
I’m goin’ away baby en 1960.
Cotton field blues en 1961.
Hottest brand goin’ en 1961.
Insect blues en 1961.
Terraplane blues en 1961.

© : Harry Oster / Discogs.