Basés à Los Angeles, les quatre frères Bihari (Lester, Jules, Saul et Joe) dirigèrent un véritable empire discographique avec leurs labels Modern, RPM, Flair, Meteor, Crown, United/Superior, Yuletide et Kent. Leur activité débute au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et s’achève à la fin des années 1960, mais plusieurs de leurs marques occupent une place essentielle sur le marché surtout dans les fifties. Fin 1949, quatre ans après Modern, les Bihari fondent RPM, un label délibérément axé sur les musiques afro-américaines (alors que la country et la pop figurent aussi au catalogue de Modern), soit le blues, le R&B et le jazz, tout en s’ouvrant au rock ‘n’ roll au fur et à mesure de l’avènement de ce style. Une création qui leur permet aussi d’être plus présents dans le secteur radiophonique alors très porteur : en effet, Modern sort énormément de singles et les radios finissent par rechigner à passer toujours les disques d’une même marque…
Pour dénicher les meilleurs artistes dans le sud, Joe Bihari est détaché et travaille à Memphis avec Ike Turner et Sam Phillips, qui lancera début 1952 son propre (et très fameux) label, Sun Records. Les trois premiers singles RPM, qui portent les références 300, 301 et 302, sortent en juin 1950. Le pianiste et chef d’orchestre Austin McCoy, qui fait également partie du staff de Modern, inaugure le catalogue. Il est suivi d’un bluesman aujourd’hui oublié, le chanteur-pianiste Memphis Eddie, en fait installé à Los Angeles… Le troisième est l’œuvre du chanteur de R&B Gene Parrish. La référence 303 concerne Luke Jones, un autre artiste de R&B, mais les deux chansons ont été enregistrées en février 1949, soit bien avant la fondation de RPM : on en déduira qu’il s’agit d’un single initialement prévu pour sortir chez Modern, et « basculé » ensuite chez RPM.
Mais les responsables de RPM repèrent un jeune bluesman alors inconnu, qui a gravé seulement quatre faces l’année précédente pour Bullet, B.B. King. Et en septembre 1950, il réalise ses deux premières faces pour RPM (référence 304 au catalogue). C’est le début d’une très longue série, car jusqu’en octobre 1957, il enregistre pour le label des Bihari pas moins de soixante-douze chansons, parmi lesquelles 3 O’Clock Blues (1951), You know I love you (1952), You upset me baby (1954), Every day I have the blues (1955) et Sweet little angel (1956) deviendront des classiques du blues. Ensuite, à partir de 1958, Kent prend le relais, mais c’est une autre filiale de Modern. Et bien que B.B. King ait signé chez ABC en 1962, Kent continuera de sortir des disques sous son nom jusqu’en 1971. Et ce n’est pas terminé ! En 1957, le premier album de B.B. King, « Singin’ the blues », une compilation de ses singles RPM, sort chez Crown, une autre marque des Bihari… Et jusqu’en 1963, Crown sortira dix autres albums du célèbre bluesman !
Avec le R&B et des groupes qui annoncent le rock ‘n’ roll, RPM continue bien sûr de miser sur le blues, avec notamment Lowell Fulson, Jimmy McCracklin, Mickey Champion, Roscoe Gordon, « Whistling » Alex Moore, Big Joe Turner, Howlin’ Wolf (pour ses premiers enregistrements en mai 1951), Lightnin’ Hopkins, Big Walter Horton (pour ses premiers enregistrements en juillet 1951, sous le nom de Mumbles), Saunders King, Junior Brooks, Ike Turner, Houston Boines, Eddie Kirkland, Driftin’ Slim, Joe Houston, Little George Smith, Johnny « Guitar » Watson… Le dernier single édité par RPM (référence 501) sera l’œuvre de B.B. King. La marque sortira ensuite quelques albums peu en rapport avec notre spectre, et de toute façon, après 1957, les disque Modern et RPM seront désormais réalisés sur les labels Crown et Kent. Les Bihari n’avaient pas bonne réputation (ils ajoutaient leur nom à celui des auteurs des chansons, ce qui leur permettait de percevoir une partie des royalties comme coauteurs), mais RPM a permis à de très grands bluesmen, B.B. King en tête, de lancer leur carrière…
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