© : Konrad Mallison / Wikimedia Commons.

La fin des années 1960 se caractérise par l’émergence de festivals mêlant pop, rock, blues… Les plus importants se déroulèrent d’abord aux États-Unis, mais seulement deux mois après Woodstock, la ville allemande d’Essen accueillit du 9 au 11 octobre 1969 l’Internationales Essener Pop & Blues Festival, un des premiers événements du genre en Europe dont peu se souviennent sans doute. On doit l’initiative à Konrad Mallison, qui s’intéresse à partir de 1967 à la musique underground en Allemagne, alors très marquée par le rock psychédélique mais aussi le blues et le blues rock blanc qui commence à se développer. En 1968, à vingt-quatre ans, grâce à un héritage suite au décès de son père, il ouvre une discothèque à Essen dans laquelle il passe ces genres musicaux.

Page du programme de la première édition en octobre 1969. © : WDR.

Le 28 juin 1969, il part pour l’Angleterre et assiste au Bath Festival of Blues qui programme effectivement des artistes et groupes de blues et blues rock comme Fleetwood Mac, John Mayall, Ten Years After, Chicken Shack, Keef Hartley, Savoy Brown, Champion Jack Dupree, mais aussi de rock dont Led Zeppelin. De retour à Essen, il entreprend sans attendre de créer son propre festival, et vend les droits à la chaîne de télévision moyennant 40 000 marks, ce qui suffit à couvrir presque l’ensemble des cachets ! Il parvient dès lors à monter un plateau impressionnant sur trois jours, le 9 octobre (Fleetwood Mac, Pretty Things, Spooky Tooth, Free, Yes, Keef Hartley…), le 10 octobre (Muddy Waters, Champion Jack Dupree, Alexis Korner, Keef Hartley, Taste, Ainsley Dunbar Retaliation…) et donc le 11 octobre 1969 (Pink Floyd, The Nice, Deep Purple, Taste, Keef Hartley, Tangerine Dream, Ainsley Dunbar Retaliation…).

Annonce dans le Melody Maker, 27 septembre 1969. © : WDR.

Les concerts se déroulent à la Grugahalle d’Essen qui peut contenir entre 8 000 et 9 000 spectateurs, mais pour le dernier jour avec Pink Floyd et Deep Purple, ils seront au moins 13 000… Et certains groupes improviseront même des concerts à l’extérieur devant la salle. Bien entendu, il ne s’agit pas totalement d’un festival de blues, même si la presse britannique, en particulier le Melody Maker le présente comme le « premier festival allemand de blues », en oubliant allègrement toutes les tournées de l’American Folk Blues Festival organisées depuis 1962 par des Allemands ! Une deuxième édition se déroulera les 24 et 25 avril 1970, avec pour le blues The Groundhogs, Oscar Benton, Taj Mahal et Keef Hartley, ainsi que la chanteuse Marsha Hunt. Le 4 novembre 1970, Marsha donnera naissance à une fille prénommée Karis, dont le père est Mick Jagger. Entre-temps, du 22 au 25 octobre 1970, Mallison avait mis sur pied une troisième édition, sur quatre jours donc, mais en réduisant le blues à la portion congrue (Savoy Brown, Chicken Shack et Taste). Le succès ne sera pas au rendez-vous et il en restera là, mais je trouve que l’histoire de cet événement audacieux et pionnier méritait d’être contée… Il existe des enregistrements (CD, DVD) ainsi que deux longues vidéos disponibles sur YouTube : Internationales Essener Pop & Blues Festival, 9, 10 & 11 October 1969 (1 h 38) et Pop, Rock & Blues Festival Essen 1970 (2 h 50).

Devant la Grugahalle lors la première édition. © : WDR.

 

Photo de Marsha Hunt dans le programme de la deuxième édition en avril 1970. © : WDR.

 

Konrad Mallison lors de la deuxième édition. © : Neue Ruhr Zeitung / WDR.