Au programme de mon émission sur YouTube, Son House (rubrique « Un blues, un jour »), et Alexis Korner (rubrique « Réédition de la semaine »).
Lightnin’ Slim le 13 mars, Lightnin’ Hopkins le 15 mars, Tampa Red le 19 mars, je viens de programmer en à peine huit jours de très grandes figures du blues… C’est le hasard du calendrier et la série continue car il est aujourd’hui question de Son House, né il y a tout juste 117 ans, le 21 mars 1902. On peut sans exagérer parler d’artiste unique en son genre et immédiatement reconnaissable avec sa voix bouleversante comme sa guitare slide fiévreuse, qui souvent ne faisaient qu’une, et il fit partie de ces artistes qui incarnaient parfaitement le blues. Comme d’autres bluesmen de sa génération venus du Mississippi, sa carrière discographique se déclinera en deux grandes phases, ou même trois si on estime que ses enregistrements du début des années 1940 pour la Bibliothèque du Congrès constituent une partie distincte.
Il est né Edward James House, Jr. à Riverton ou Lyon, deux anciennes localités aujourd’hui intégrées aux quartiers nord de Clarksdale. Dans ses premières années, il chante du gospel à l’église, vit en Louisiane après la séparation de ses parents, exerce comme pasteur et voit d’un très mauvais œil la guitare comme le blues ! Mais comme il est également porté sur la boisson, il fréquente aussi des bluesmen, et un beau jour, alors qu’il est âgé de 25 ans, il entend l’un d’entre eux jouer de la guitare slide et décide de se consacrer au blues… Peu après, en 1927 ou en 1928, il est pris dans une rixe : blessé par balle à la jambe, il riposte et tue l’homme qui lui a tiré dessus. Bien que les faits restent aujourd’hui encore un peu flous, il aurait été condamné à quinze ans de prison, pour en purger finalement deux au pénitencier de Parchman Farm. Après sa libération, il rencontre Charlie Patton qui lui permet d’enregistrer quelques titres en 1930 pour Paramount, dont Preachin’ the Blues et Walkin’ Blues, de futurs hymnes du Delta Blues. Si les ventes ne suivent pas, on sait désormais que l’œuvre initiale de Son House parviendra aux oreilles de Robert Johnson et Muddy Waters qui reconnaîtront son influence.
House vit ensuite quelque temps du côté de Lula, au nord de Clarksdale, et continue de se produire dans le Delta, tout d’abord avec Patton jusqu’à la mort de ce dernier en 1934. En 1941 puis 1942, il réalise des enregistrements cette fois non commerciaux pour Alan Lomax et la Bibliothèque du Congrès, de superbes séances qui valent sans doute ses premières faces. Ses faces de la période 1930-1942 sont rassemblées sur « The 1930-1942 Mississippi and Wisconsin Recordings » (Soul Jam, 2016). Puis il s’éloigne du monde musical et s’en va vivre à Rochester dans l’État de New York jusqu’en 1964, date à laquelle il est redécouvert dans le cadre du Blues Revival. Pas très enclin à reprendre sa carrière, il finit par céder. Heureusement pour nous car Son House va enregistrer et apparaître dans les festivals en jouant son Delta Blues comme il le faisait dans sa région natale, avec une totale implication et sans se soucier de son environnement, ni du public généralement blanc qui n’en revient pas de voir un tel artiste en action. Parmi ses albums après sa redécouverte, « Father of the Delta Blues: The Complete 1965 Sessions » (Columbia, 2017), « Live at Oberlin College, April 15, 1965 » (RockBeat, 2017) et « Delta Blues and Spirituals » (Capitol, 1995, enregistré en 1970) semblent incontournables. Ensuite, sentant sa santé décliner, il a préféré se retirer en 1974, mais il est mort bien plus tard, en 1988 à 86 ans… J’ai choisi pour mon émission un extrait de 1942 pour la Bibliothèque du Congrès, Levee Camp Blues.
Ma réédition de la semaine concerne Alexis Korner, elle s’intitule « Everyday I Have the Blues – The Sixties Anthology » et sort chez Grapefruit. Né à Paris le 19 avril 1928 où il a passé une partie de son enfance, Korner a toutefois vécu à Londres à partir de 1940, et il fut un des premiers à introduire les musiques afro-américaines en Grande-Bretagne, du jazz au R&B en passant bien sûr par le blues, un genre dans lequel il est même le précurseur outre-Manche. En fait, il s’y est davantage consacré à partir du milieu des années 1950 en rencontrant le chanteur et harmoniciste Cyril Davies. Également chanteur et guitariste de son état, Korner a surtout su s’entourer d’artistes de qualité pour lancer le fameux mouvement du British Blues Boom (mais aussi par extension le rock des années 1960 et 1970), notamment dans le groupe qu’il formera avec Davies, Blues Incorporated.
Il comprendra d’abord le chanteur Long John Baldry, le batteur Charlie Watts, plus tard remplacé par Ginger Baker, et le saxophoniste Dick Heckstall-Smith. Mais des gens comme Mick Jagger, Keith Richards, Brian Jones, Eric Clapton, Jimmy Page, John Mayall et Rod Stewart graviteront autour de la formation ou la rejoindront sur scène… Après la dissolution du groupe en 1966, Korner poursuivra sa carrière avant d’être emporté par un cancer du poumon le 1erjanvier 1984. Cette excellente anthologie de 3 CD et 69 morceaux offre donc un très bel aperçu d’une période pas si souvent que cela rééditée, avec des extraits des albums réalisés par Korner avec son Blues Incorporated entre 1962 et 1966, et de « New Generation of Blues » qui date de 1968. J’ai retenu pour mon émssion un instrumental tiré de « R&B From the Marquee » en 1962, Down Town.
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