Au programme de mon émission sur YouTube, Little Brother Montgomery (rubrique « Un blues, un jour ») et le duo Willie Kent/Willie James Lyons (rubrique « Réédition de la semaine »).
Little Brother Montgomery a vu le jour le 18 avril 1906, il y a tout juste 113 ans. Je tenais vraiment à m’attarder sur Montgomery, qui fut un grand bluesman et un pianiste au répertoire très étendu, avec un parcours artistique franchement atypique. Mais commençons par le commencement. De son nom complet Eurreal Wilford Montgomery, il est originaire de Kentwood en Louisiane, pratiquement à la frontière avec le Mississippi, en fait sur la Highway 55 qui poursuit plein sud vers La Nouvelle-Orléans. Au sein d’une famille musicale, il a appris le piano extrêmement jeune, à seulement 4 ans, et s’est perfectionné essentiellement seul, en autodidacte, progressant toutefois suffisamment vite pour être en mesure à seulement 11 ans de se produire dans des clubs, n’hésitant pas à privilégier la musique à l’école. On l’a d’abord vu un peu en Louisiane, mais il a rapidement œuvré dans l’Arkansas et surtout dans le Mississippi, plus particulièrement dans une région allant de Jackson à Vicksburg, où il apparaît dans des juke joints sur des chantiers.
Au début, il est très inspiré par le jazz et le ragtime, d’autant que Jelly Roll Morton est une connaissance de la famille, et il joue d’ailleurs dans de petits orchestres de jazz dont celui du cornettiste Buddy Petit. Mais ses prestations avec des bluesmen ruraux du Mississippi démontrent déjà un éclectisme remarquable. Puis il arrive à Chicago en 1926 ou 1928 selon les sources, où il reste jusqu’en 1931, mais il enregistre ses premières faces en 1930 à Grafton dans le Wisconsin, dont son fameux Vicksburg Blues qui deviendra un classique. Il faut souligner que Montgomery chante dès ses faces initiales et qu’il le fera durant toute sa carrière, sa voix certes parfois un peu hésitante ne manquant pas d’émotion. On le retrouve ensuite en Louisiane, et plus particulièrement à La Nouvelle-Orléans, où il grave de nombreuses faces dans la seconde moitié des années 1930, en solo mais aussi avec des musiciens ruraux ou encore créoles. Puis, de retour en 1942 à Chicago qu’il ne quittera plus, il enregistre moins, mais dans des formations complètes et jazzy.
Le style de Montgomery est dès lors très original et complet. Au jazz typé ragtime de ses débuts, il a ajouté des ingrédients du blues urbain de Chicago, d’autres du blues rural du Sud, enfin des composantes d’orchestres de jazz et de Dixieland. Et ce n’est pas fini ! Avec l’arrivée du blues moderne puis du West Side Sound dans les années 1950, il trouve encore sa place, y compris avec Otis Rush, Magic Sam et Buddy Guy ! De 1960 à 1980, après avoir accompagné beaucoup de monde, il enregistre sous son nom une grosse douzaine d’albums, et quelques-uns mettent bien en avant une versatilité rare dans l’histoire du blues : « Tasty Blues » (Prestige Bluesville, 1961) et « Chicago – The Living Legends » (Riverside, 1962) sont superbes, mais « Chicago Blues Session » (1963, enregistré en 1960, 77 Records), « No Special Rider » (avec Jeanne Carroll, Adelphi, 1969) et « Goodbye Mister Blues » (Delmark, 1976) ne sont pas négligeables. Little Brother Montgomery est mort le 6 septembre 1985 à 79 ans. Je n’hésite pas à passer dans mon émission sa version originale de 1930 de Vicksburg Blues, un des plus beaux blues au piano que je connaisse…
Pour la réédition de la semaine place au « Chicago Blues Box 2 » du label Storyville. Comme il compte 8 CD, je lui ai consacré deux volets avec une émission et un article jeudi dernier, illustré avec un morceau de John Littlejohn. Pour aujourd’hui, j’ai choisi un duo composé de Willie Kent et Willie James Lyons. Avant d’y venir, je rappelle que ce sont des rééditions de disques sortis à l’origine sur le label MCM de la Française Marcelle Morgantini, qui se déplaçait spécialement dans les clubs de Chicago durant la seconde moitié des années 1970 pour enregistrer des bluesmen. Cela concerne des artistes renommés qui débutaient ou qui relançaient leur carrière dans une période un peu creuse, et d’autres moins connus. On trouve donc sur ce volume 2 Eddie Taylor, Big Mojo Elem, Andrew « Blueblood » McMahon, Big Voice Odom, Hip Linkchain, Eddy Clearwater, Jimmy Dawkins, Jimmy Johnson, John Littlejohn, Magic Slim et les Aces.
Je vous propose donc aujourd’hui deux Willie. Vous connaissez sans doute le bassiste et chanteur Willie Kent, auteur dans les années 1990 et au début des années 2000 de plusieurs albums parmi les meilleurs du Chicago Blues contemporain. Mais au moment de cet enregistrement, en 1975, il n’était pas connu. Quant au chanteur et guitariste Willie James Lyons, il est franchement méconnu. Né en 1938, il a été actif dès la fin des années 1950, plutôt dans un style West Side, notamment avec des gens de sa génération comme Luther Allison et Jimmy Dawkins. Mais il n’a enregistré qu’un album, pour MCM donc, en 1975 au club Ma Bea’s, qui s’appelle « Ghetto »et qu’il partage avec Willie Kent. Le titre que j’ai programmé, plein de groove avec la batterie de Tyrone Smith, en est extrait et s’appelle You Don’t Love Me, et c’est Willie Kent qui chante…
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