Au programme de mon émission sur YouTube, Abie « Boogaloo » Ames (rubrique « Un blues, un jour »), et Ike Turner (rubrique « Réédition de la semaine »).
J’aime passer des pianistes dans mon émission, car même s’il n’incarne pas le blues comme la guitare et l’harmonica, c’est un bel instrument présent depuis les origines, en outre à l’origine de courants passionnants comme le boogie-woogie. Et Abie « Boogaloo » Ames, représentant accompli du genre, mérite que l’on parle de lui malgré une discographie squelettique. Il est né il y a 101 ans tout juste, le 23 mai 1918, sur une plantation près de Cruger, Mississippi, une grosse vingtaine de kilomètres au sud de Greenwood. Il a appris le piano très jeune, à seulement 5 ans, puis sa famille s’est installée à Détroit dans les années 1930. Là-bas, où la scène pianistique est traditionnellement développée, il fréquenta des pianistes de jazz et de R&B dont Nat King Cole, mais il se spécialisa donc plus dans le boogie-woogie, ce qui lui vaudra d’ailleurs son surnom Boogaloo…
Au début des années 1960, il a travaillé pour Berry Gordy aux premières heures du label Motown. Puis il est revenu dans le Mississippi pour se marier, a exercé comme accordeur de piano chez Baldwin tout en jouant dès lors plutôt du jazz, souvent pour des publics blancs, ce qui lui permettra de fréquenter les milieux dits « huppés ». Ceci dit, cela n’a visiblement pas suffi pour faire sa fortune, mais il a gagné en popularité et en respect. En tout cas, à partir des années 1970, il revient progressivement au blues et au boogie-woogie, apparaissant dans de nombreux et importants festivals. Durant la décennie suivante, il prend sous son aile et forme la jeune pianiste Eden Brent, pour une relation qui durera jusqu’à la mort du bluesman en 2002 à l’âge de 83 ans. Aujourd’hui âgée de 53 ans, Brent poursuit sa brillante carrière au piano mais également au chant, et elle a notamment remporté trois Blues Music Awards.
En 1999, l’histoire du bluesman et de sa protégée sera au cœur d’un documentaire pour la télévision intitulé Boogaloo and Eden : Sustaining the Sound, qui sera primé. Abie « Boogaloo » Ames obtiendra d’ailleurs plusieurs autres récompenses pour l’ensemble de son œuvre. Enfin, juste avant sa mort, il collaborera avec la chanteuse de jazz Cassandra Wilson. On pourrait penser qu’il a une discographie en rapport avec son CV… Eh bien pas du tout, car, dans les années 1990, et sans plus de précision, il a enregistré en tout et pour tout deux morceaux ! Il existait toutefois d’autres faces réalisées entre 1997 et 2001, qui finiront par sortir sur un album, « Boogaloo’s Boogie », mais seulement en 2007, soit cinq ans après la mort du bluesman. Dans mon émission, je vous propose de l’écouter en public en 2000 avec sa version du classique Caldonia.
Notre réédition du jour concerne comme la semaine dernière Ike Turner, avec une anthologie qui méritait d’être évoquée en deux volets avec deux morceaux à chaque fois (mon émission et mon article du 16 mai 2019). On doit donc cette sélection à Jasmine, et la compilation s’intitule « Trailblazin’ the Blues ». Elle porte sur la période 1951-1957, soit les premières années de Turner avant sa rencontre avec celle qui deviendra Tina Turner. Je continue d’insister particulièrement sur cette période essentielle du parcours de Turner, car malgré son jeune âge, il avait par exemple seulement 19 ans au moment de l’enregistrement en 1951 du fameux Rocket 88au sein du groupe de Jackie Brenston, il fut un pionnier dans plusieurs domaines. Dans ceux du blues et du R&B bien sûr, pour son rôle à Memphis dans les années 1950 en tant que musicien de studio, compositeur, producteur et recruteur pour des labels importants de l’époque, comme Sun de Sam Phillips ou Modern des frères Bihari. Et n’oublions qu’il fut carrément un précurseur du rock ‘n’ roll avant l’émergence des grandes stars de cette musique.
Son groupe les Kings of Rhythm fut également un des plus actifs de son époque. Chanteur, pianiste et guitariste, il a donc collaboré avec de grands artistes comme Bobby Bland, Elmore James, Boyd Gilmore, Baby Face Turner, B.B. King, Little Milton, que l’on retrouve tous sur cette compilation qui compte 60 morceaux répartis sur 2 CD. Ike Turner a vraiment joué un rôle central dans l’histoire des musiques afro-américaines avant de connaître une renommée planétaire avec Tina. Voici maintenant les deux morceaux du jour à écouter dans mon émission. Le premier date de 1954 et s’appelle The Way You Used to Treat Me. Comme Ike Turner était un malin, c’est une adaptation du The Things That I Used to Do de Guitar Slim, enregistrée sous le pseudo de Lover Boy… On enchaîne avec She Made My Blood Run Cold, qui date de 1957, avec un impressionnant Clayton Love au chant, dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler Screamin’ Jay Hawkins…
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