Au programme de cette quatrième émission sur YouTube, Robert Johnson (rubrique « Un blues, un jour »), et Hannah Williams (rubrique « En tournée ».
Je ne vais évidemment pas retracer ici le parcours du chanteur et guitariste Robert Johnson (1911-1938), et me contenter de rappeler que son influence dépasse très largement le cadre du blues. Il n’a pourtant enregistré qu’une trentaine de titres, en outre sur une très courte période (1936-1937), avant de mourir probablement assassiné à seulement 27 ans, le 16 août 1938. Et dès sa première séance d’enregistrement qui s’est donc déroulée le 23 novembre 1936, il a gravé des faces qui deviendront des classiques qui figurent toujours parmi les plus repris du blues, dont Kind Hearted Woman Blues, I Believe I’ll Dust my Broom, Ramblin’ on my Mind, Come on in my Kitchen et Sweet Home Chicago. Excusez du peu !
Cette session s’est déroulée dans des circonstances qui n’ont plus cours aujourd’hui, et même si on les connaît, elles valent toujours la peine d’être relatées. Robert Johnson s’est ainsi retrouvé dans la chambre numéro 414 du Gunter Hotel à San Antonio (Texas), aménagée en studio pour la marque Vocalion qui sortira les 78-tours originaux. Il y reviendra les 26 et 27 novembre pour deux nouvelles séances, avant de réaliser ses derniers titres l’année suivante, en juin 1937 à Dallas. Construit en 1909, l’hôtel existe toujours et porte le nom de Sheraton Gunter Hotel. Dans les années 1920 et 1930, de telles séances n’étaient toutefois pas si rares. En effet, les labels discographiques, conscients du potentiel représenté par les bluesmen, dépêchaient sur le terrain dans les États du Sud des talent scouts, sortes d’envoyés spéciaux chargés de dénicher les artistes dignes d’intérêt. Il était ensuite plus pratique (et plus économique…) d’aménager des studios dans certains hôtels de grandes villes, plutôt que de déplacer les bluesmen loin de leurs bases, souvent au nord des États-Unis. Parmi les plus célèbres, on peut citer le Peabody Hotel à Memphis (avec des sessions historiques dès 1929) et le St Charles Hotel à La Nouvelle-Orléans (1936).
Mais revenons à la séance du 23 novembre 1936. Comme je l’écris plus haut, Robert Johnson a gravé ce jour-là quelques-uns de ses plus grands succès. Ceci dit, il n’en sut rien, mort bien trop tôt pour en profiter… En réalité, seul un de ces titres se vendit correctement de son vivant et ce n’est pas le plus connu car c’est Terraplane Blues, écoulé, dit-on, à quelque 5 000 exemplaires… La Terraplane était une voiture du fabricant Hudson, qui œuvrait à Détroit, ce qui n’a rien de surprenant car la ville du Michigan était alors la capitale incontestée de l’industrie automobile. Une bonne voiture, puissante, robuste et pas trop chère. Étrange coïncidence, la production de la Terraplane cessa en 1938, soit l’année de la mort de Johnson ! C’est bien sûr ce titre Terraplane Blues que j’ai choisi dans mon émission.
À celles et ceux qui souhaitent aller plus loin à propos des enregistrements historiques dans les hôtels cités plus haut, je conseille deux compilations très réussies sorties par le label Nehi en 2014.
– « Peabody Blues ». Des enregistrements de 1929 avec entre autres Furry Lewis, Walter Vinson, Charlie McCoy, Speckled Red, Robert Wilkins…
– « St Charles Blues ». En 1936, avec Charlie McCoy, Tommy Johnson, Johnnie Temple, Curtis Jones, Casey Bill Weldon, Sonny Boy Williamson I, Bo Carter, Ishmon Bracey, Memphis Minnie…
La deuxième rubrique de l’émission, « En tournée », s’arrête sur la clôture ce week-end de la vingtième édition du festival Blues sur Seine. Pour ce soir vendredi 23 novembre 2018, vous avez deux choix.
– À la salle du Sax d’Achères (Yvelines), vous pourrez voir Theo Lawrence and The Hearts, un groupe français qui fait dans le blues, le rock sudiste et la soul, et Hannah Williams & The Affirmations, dans un registre plus axé sur la soul.
– Sinon, à la collégiale Notre-Dame-de-Mantes-la-Jolie (Yvelines), vous pouvez opter pour la chanteuse et organiste Rhoda Scott, bien connue du public français. Elle sera accompagnée de 80 chanteurs pour évoquer l’histoire de la musique afro-américaine, avec au programme du jazz, du gospel et des negro spirituals, mais aussi une évocation des compositeurs français du début du siècle dernier Gabriel Fauré et Claude Debussy. C’est aussi une forme d’hommage aux Afro-Américains engagés avec les Français dans la Première Guerre mondiale en 1917, au moment où le jazz franchissait également l’Atlantique.
Et demain samedi 24 novembre, les Buttshakers et Keziah Jones auront l’honneur de clôturer cette vingtième édition à la salle Jacques Brel de Mantes-la-Ville.
Pour illustrer cette page j’ai donc choisi dans mon émission un extrait de « Late Nights & Heartbreak », le dernier album d’Hannah Williams & The Affirmations, avec un morceau intitulé Fighting Your Shadow.
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