Certes, ce Sonny Boy Williamson-là fait partie des figures majeures du blues et sa biographie est très bien documentée, mais du fait de son influence, de l’ombre parfois jetée sur son œuvre suite à la confusion avec un second Sonny Boy, de sa discographie trop vite abrégée par une mort prématurée et tragique, il n’est jamais vain de revenir sur son parcours. Il naît donc John Lee Curtis « Sonny Boy » Williamson le 30 mars 1914 près de Jackson, non pas la capitale du Mississippi mais une ville du Tennessee à cent dix kilomètres au nord-est de Memphis. Autodidacte, il apprend l’harmonica très jeune, se perfectionne aux côtés de ses pairs Noah Lewis et Hammie Nixon, puis tourne à la fin des années 1920 avec le mandoliniste Yank Rachell et le guitariste Sleepy John Estes, avec lesquels il joue dans les bars et les rues.
En 1934, il se fixe à Chicago, où un blues urbain dominé par le label Bluebird de Lester Melrose, on parlera d’ailleurs de Bluebird Sound, connaît son apogée. Le 5 mai 1937, il apparaît pour la première fois sur disque en accompagnant Robert Lee McCoy, qui ne se fait pas encore appeler Robert Nighthawk, et Big Joe Williams, et signe le même jour avec les mêmes ses premières faces sous son nom. Lors de cette même séance, il réalise également deux de ses plus grands succès, Good morning, school girl et Sugar mama blues. Dès ces chansons inaugurales, Sonny Boy impressionne par son jeu d’harmonica avant-gardiste, faisant de cet instrument jusque-là rythmique un instrument soliste. Il est assurément l’harmoniciste le plus important et influent d’avant la Seconde Guerre mondiale, et tous ses successeurs, jusqu’à nos jours, lui doivent quelque chose. Et malgré un léger zézaiement qui est une autre marque de son style sans jamais l’altérer, c’est également un excellent chanteur. Au début des années 1940, il joue avec Muddy Waters, arrivé en ville en 1943.
Jusqu’à fin 1947, Sonny Boy enregistre plus de cent vingt titres dont les standards Blue bird blues, Early in the morning, Black gal blues, Decoration blues, My little machine, Sloppy drunk blues, Stop breaking down, Shake the boogie, Better cut that out, mais tous ou presque mériteraient la citation. Ils sont en outre gravés avec les meilleurs bluesmen de Chicago de l’époque (en plus de ceux déjà cités) : Walter Davis, Speckled Red, Joshua Altheimer, Blind John Davis, Eddie Boyd et Big Maceo (p), Yank Rachell et Willie Hatcher (mand), Big Bill Broonzy, Charlie McCoy, Tampa Red et Willie Lacey (g), Washboard Sam (washb), Ransom Knowling et Willie Dixon (b), Jump Jackson (dm)… Le 1er juin 1948, alors qu’il rentre chez lui après un concert, il est violemment agressé et assassiné. Il quitte ainsi la scène en pleine gloire, à seulement trente-quatre ans, et nous laisse une œuvre essentielle heureusement largement rééditée. Parallèlement, depuis 1941, un chanteur et harmoniciste du nom d’Alex (Aleck) « Rice » Miller, qui se fait remarquer à Helena, Arkansas, dans l’émission de radio King Biscuit Time, prend également le nom de Sonny Boy Williamson. Une attitude d’autant plus regrettable, et qui ne sera pas sans causer du tort au « premier » Sonny Boy, que dans un style certes différent de celui de son prédécesseur, il fut lui aussi un harmoniciste génial et très influent, qui n’avait pas besoin de ce stratagème pour s’imposer. Mais ainsi va l’histoire du blues. Pour conclure, écoutons le premier succès de Sonny Boy Williamson I en 1937, Good morning, school girl.
Les derniers commentaires