J’envisageais depuis quelque temps d’évoquer ici Virginia Humanities, qui est un comité chargé des sciences humaines en Virginie. Par l’enseignement, Virginia Humanities veut permettre à tous les habitants de l’État de comprendre leur histoire, leur culture et leurs traditions, en considérant aussi bien le passé, le présent et le futur. Ces comités, au nombre de cinquante-six aujourd’hui, ont été créés en 1974 par le Congrès des États-Unis, et bien qu’ils soient relativement peu connus en dehors des frontières du pays, ils jouent un rôle primordial. Depuis sa fondation, celui de Virginie a soutenu plus de quarante mille projets dans tout l’État. Si j’en parle aujourd’hui, alors que les commémorations de l’abolition de l’esclavage approchent, c’est parce que le premier bateau négrier venu d’Afrique – en l’occurrence de l’Angola –, le White Lion, aborda les côtes de Virginie en 1619. Point de départ de l’une des plus abominables pages de l’histoire de l’humanité…
La musique tient bien sûr une place de choix parmi les initiatives de Virginia Humanities. Ainsi, à travers son programme « Music as an Escape », le comité a récemment proposé de redécouvrir les Soulmasters, un groupe interracial des années 1960 (52 minutes). Si vous aimez le jazz, sur le blog de Jazz Humanities, ne manquez pas l’article sur la bande originale de Furious Flower: A Celebration of the Greats of African American Poetry, avec des vidéos de John Coltrane, Charles Mingus, Horace Silver, Miles Davis, Hank Jones, Art Blakey et Oliver Nelson ! De même, mais dans un registre plus varié, dans l’article sur la bande originale de Music and Democracy, on entend Glenn Miller, Bob Wills and his Texas Playboys, Frank Sinatra, Nat King Cole, Lena Horne, The Drifters et The Impressions. On peut également retrouver ces sujets et bien d’autres dans l’Encyclopedia Virginia, une encyclopédie en ligne lancée en 2001.
Concernant l’histoire de l’esclavage, Virginia Humanities a décidé de s’arrêter sur le Great Dismal Swamp, un grand marais qui se partage entre la Virginie et la Caroline du Nord, et qui n’est pas sans rappeler les bayous de Louisiane. Les premières traces de présence d’esclaves marrons (en fuite) réfugiés dans ce marais remontent à la fin du XVIIe siècle. Progressivement, avec les premières révoltes d’esclaves, la plus importante étant celle de Chesapeake en 1730, le lieu accueille aussi les instigateurs de ces soulèvements. En 1800, Gabriel’s Conspiracy, menée en 1800 près de Richmond, aura beaucoup de retentissement dans la région, le prénom Gabriel étant très répandu dans le marais… Le Reverend Gary Davis pourrait s’être inspiré du personnage avec sa chanson Blow Gabriel, enregistrée en 1956.
En 1831, durant la révolte de Nat Turner, même si ce ne fut pas le cas de ce dernier, de nombreux participants se cachèrent dans le Great Dismal Swamp. Toujours au XIXe siècle, le canal qui traverse le marais servira aussi de passage à l’Underground Railroad, ce réseau clandestin employé par les esclaves qui fuyaient les États du Sud. De nos jours, les traditions musicales restent vivaces. En commençant par le gospel, et en particulier la Reverend Cora Harvey Armstrong, qui interprète ici en public There’s joy in paradise. Sans oublier Andrew Alli, chanteur et harmoniciste prodige, qui nous propose la chanson-titre de son fabuleux album Hard workin’ man (EllerSoul 2020).
Crédit photos : Virginia Humanities.
Les derniers commentaires