© : Radio France.

Chanteur, pianiste, organiste et compositeur, Mighty Mo Rodgers s’est imposé parmi les personnalités les plus originales et les plus marquantes du blues de ces vingt-cinq dernières années, même s’il est plus populaire en Europe, et notamment en France, que dans son pays natal. En outre, cet artiste qui fête donc aujourd’hui ses quatre-vingt-un ans n’a pas toujours fait du blues et son parcours atypique mérite d’être conté. Né Maurice Rodgers le 24 juillet 1942 à East Chicago, Indiana, où il apprend le piano classique, son père tient un club qui programme du jazz et surtout du blues, auquel il n’est pas insensible. À l’adolescence, avec un ami du nom de Willie B. (il lui consacrera la chanson Willie B. and me sur son premier album en 1999), il fréquente le club Chicken Shack à Gary où des bluesmen dont Willie Dixon, Eddie Boyd et Jimmy Reed l’impressionnent.

© : Discogs.

En grandissant, il s’intéresse aussi à la soul et au R&B, écoute Aretha Franklin, Sam & Dave et forme au lycée un premier groupe plutôt dans cette veine, les Rocketeers, tout en pratiquant la lutte à un très bon niveau, devenant champion de son lycée, ce qui lui permet d’obtenir une bourse pour s’inscrire à l’université d’Indiana (Indiana State College). Pas nécessairement disposé à poursuivre, il y consentira toutefois conformément aux dernières volontés de sa mère qui souhaite qu’il fasse des études supérieures. À l’université, il continue bien sûr de se consacrer à la musique et fonde le Maurice Rodgers Combo au registre soul blues (principalement influencé par Ray Charles et Otis Redding), et commence également à écrire ses propres chansons. La formation obtient un succès local et se produit régulièrement lors de soirées le samedi soir.

© : Discogs.

Pourtant, estimant qu’il pourra donner un meilleur élan à sa carrière hors de sa région natale, il part pour Los Angeles. Sur cette scène très active, il parvient facilement à jouer avec des artistes de R&B mais aussi avec des bluesmen de renom comme T-Bone Walker, Albert Collins, Bobby « Blue » Bland, Jimmy Reed… Sa réputation grandit et il joue en 1967 de l’orgue sur le plus grand succès du chanteur soul Brenton Wood, Gimme little sign. Entre 1965 et 1970, il sort quelques singles sous le nom de Maurice Rodgers. En 1973, il se fait producteur sur l’album « Sonny and Brownie » (A & M) de Sonny Terry et Brownie McGhee, signant trois chansons et choisissant les musiciens parmi lesquels figurent entre autres Arlo Guthrie, John Mayall, John Hammond et Don « Sugarcane » Harris. Rodgers devient ensuite le parolier attitré de Motown et de Chappell Publishing, une expérience qui lui laisse des souvenirs mitigés.

© : Soul Bag.

Déçu par l’attitude peu gratifiante de l’industrie musicale, Mighty Mo Rodgers reprend ses études et décroche une maîtrise en philosophie, une matière qu’il enseigne à l’université. Pour sa maîtrise, il a soutenu une thèse improbable, « Blues as Metaphysical Music: Its Musicality and Ontological Underpinnings » (« Le blues en tant que musique métaphysique : sa musicalité et ses fondements ontologiques »). En 1999, il revient sur la scène musicale avec « Blues Is My Wailin’ Wall » (Blue Thumb), un superbe album plébiscité par une critique unanime. Premier média à s’intéresser à l’artiste en Europe, Soul Bag lui consacre un article et la couverture de son numéro 160 (Mighty Mo aura les mêmes honneurs dans les numéros 168 et 217 de la revue). Parolier avisé aux textes poétiques mais souvent engagés, ce qui est sa marque, parfait connaisseur de l’histoire et de la culture afro-américaines dont il reste un ardent défenseur, musicien accompli, c’est enfin un magnifique chanteur à la voix éraillée, profonde et poignante.

Avec Baba Sissoko. © : Radio France.

Ses albums suivants, selon ce qu’il appelle sa Blues Odyssey, d’un excellent niveau quasi uniforme, forment une discographie parmi les plus significatives de notre époque : « Red, White and Blues (Blue Thumb, 2002), « Black Paris Blues (Isabel Records, 2003), « Redneck Blues » (DixieFrog, 2007), « Dispatches from the Moon » (DixieFrog, 2009), Cadillac Jack (Waterfront, 2012), « Mud ‘N Blood – A Mississippi Blues Tale » (DixieFrog, 2014), « Griot Blues » (avec Baba Sissoko, One Root Music, 2017), « The Virus » (Drinking Gourd, 2018) et « Memphis Callin’ – Soul Music & the American Dream » (autoproduit, 2023). Une odyssée blues, un voyage musical passionnant dont l’épilogue n’est pas encore écrit par notre octogénaire qui semble loin d’avoir dit son dernier mot, pour notre plus grand plaisir… Happy Birthday Mighty Mo!

© : Blues Rules / Didier Jordan.

C’est parti pour notre sélection de chansons en écoute !
Greensleeves en 1965 (Maurice Rodgers).
Gimme little sign en 1967 par Brenton Wood.
Sweet Louise et I’ve Got to Find a Little Girl of Mine en 1970 (Maurice Rodgers).
The boy who stole the blues en 1999.
Prisoners of war en 2002.
Hambone blues en 2007.
Black coffee and cigarettes en 2011.
Almost home en 2014.
Troubled times en 2018.
Griot blues en 2018 (avec Baba Sissoko).
Blues Rules et From Mississippi to Crississippi en 2021.
Vidéo de présentation de son dernier album en 2023.

 

© : Mighty Mo Rodgers.