Ce jour-là, Othar Turner enregistre donc la chanson Black woman, qui apparaîtra sur une compilation intitulée « Afro-American Folk Music from Tate and Panola Counties, Mississippi », composée d’enregistrements de terrain (field recordings) réalisés par le spécialiste David Evans entre 1969 et 1971 (sauf trois faces gravées en 1942 par Alan Lomax) pour la Bibliothèque du Congrès. Les comtés de Tate et de Panola se situent au nord-ouest de l’État du Mississippi, dans la fameuse région des collines du nord à l’origine du Hill Country Blues, et les villes principales sont Coldwater, Senatobia, Como ou encore Batesville. Mais avant que la génération des familles Kimbrough et Burnside n’exerce une influence sans égale sur le style, la région a favorisé le développement de traditions très distinctes du Delta Blues et même du Hill Country Blues. Elles sont issues des strings bands originels auxquels elles en ajoutent une autre des plus originales, le fife and drum (littéralement, fifre et batterie), le mélange des deux donnant une musique absolument unique à très forte charge d’émotion, plus que toute autre en lien direct avec les racines africaines des genres qui nous passionnent.
À ma connaissance, hormis peut-être autour de Bentonia, mais dans un autre registre et d’une portée différente, il n’existe pas d’exemple comparable dans l’histoire du blues au XXe siècle, à savoir le développement d’une tradition aussi spécifique dans une région précise. Du coup, les musiciens qui apparaissent sur cette compilation, que j’ai donc redécouverte en écoutant simplement Othar Turner cet après-midi (à quoi ça tient !) prennent une grande importance. Outre Turner, le plus connu, ils se nomment Napoleon Strickland, Jimmie Buford, Sid Hemphill, grand-père de Jessie Mae, Compton Jones, Lucius Smith, Ranie Burnette, Mary Mabeary (écoutez-la puis comparez avec Jessie Mae Hemphill !)… Cette compilation est une merveille qui entretient notre mémoire, nous n’avons pas le droit de l’oublier, et je vous propose d’en écouter l’intégralité à cette adresse. Et pendant que j’y suis, j’ajoute l’excellent texte original de David Evans qui l’accompagnait.
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