On le considère un peu comme l’homme d’une seule chanson, You don’t love me, et c’est bien dommage. Willie Cobbs, qui s’est éteint hier 25 octobre 2021 à l’âge de quatre-vingt-neuf ans, était né à Smale dans le comté de Monroe, Arkansas, le 15 juillet 1932. Durant son enfance, son père lui offre à chaque Noël un harmonica, mais il ne semble pas s’y consacrer sérieusement avant son installation à Chicago, en 1947 ou 1948. Il commence dès lors à se produire sur Maxwell Street avec Little Walter, et dans les clubs de la ville avec d’autres musiciens dont Eddie Boyd, qui le prend un temps dans son groupe. En 1952, il s’engage chez les Marines. À son retour en 1956, Cobbs, alors très influencé par Jimmy Reed, est auditionné par Vee-Jay. Mais le label, craignant peut-être qu’il fasse de l’ombre à sa « star », ne le retient pas…
Vers septembre 1958, il grave chez Ruler son premier titre, Slow down, avec notamment les guitaristes Sammy Lawhorn et Robert Lockwood, Jr., mais aussi un single sous le nom de Willie C avec encore Lockwood mais aussi Eddie Boyd et Fred Below, We’ll all be there / Slow down baby, (bien que ce single ne soit pas mentionné dans la discographie Blues Records)… Vient ensuite cette année 1960 avec l’enregistrement de la fameuse chanson You don’t love me, inspirée du She’s fine she’s mine de Bo Diddley. D’abord réalisée sur le petit label Mojo, elle est ensuite reprise sous licence par Vee-Jay, qui cette fois ne la rejette pas ! Le succès est considérable, et nous savons aujourd’hui que la chanson sera reprise par de nombreuses formations, et pas seulement de blues. Je ne peux en dresser la liste, mais les lectures de John Mayall, Junior Wells, Albert King, Jimmy Dawkins, Luther Allison et de l’Allman Brothers Band font partie des plus notables.
Cobbs n’en tire pas vraiment parti, et après quelques autres singles pour de petites marques, il regagne l’Arkansas au début des années 1970. Il continue d’enregistrer pour des labels sans moyens (dont les siens), se produit localement et ouvre des clubs dans l’Arkansas puis dans le Mississippi. Son premier album sur son propre label sort en 1984 en format cassette. Enfin, grâce à sa participation au film Mississippi Masala (1991, avec Denzel Washington), puis à la sortie trois ans plus tard de son excellent album chez Rooster, « Down To Earth », il accède enfin à une relative notoriété. Mais, malgré des prestations remarquées sur scène lors de grands festivals, il attend 2019 (il a alors quatre-vingt-sept ans) pour signer sur son label Wilco « Butler Blues Boy », un album fort respectable. Excellent chanteur à la voix ample au falsetto maîtrisé et harmoniciste très roots, Willie Cobbs aurait mérité de se constituer une discographie plus étoffée, et il a été peu réédité. On se reportera toutefois sur l’anthologie « Fernwood Rhythm ‘N’ Blues From Memphis » (2003, Stomper Time), qui contient neuf de ses premières faces. Je vous suggère aussi de lire l’hommage que lui consacre aujourd’hui Frédéric Adrian sur le site de Soul Bag. Enfin, juste pour le plaisir, voici la version originale de You don’t love me…
Les derniers commentaires