Les Cannon’s Jug Stompers. © : Amazon.

Les années 1920 sont un âge d’or pour les jug bands, en particulier à Memphis où de telles formations très populaires nous laisseront les enregistrements les plus significatifs du genre. Le jug, c’est la jarre, le cruchon de whiskey, la bouteille, voire un tuyau de poêle, en fait tout ce qui a un goulot ou un embout dans lequel on souffle pour obtenir un swoop bien caractéristique. D’aucuns y voient une alternative à des cuivres comme le trombone ou le tuba, d’autres assurent que c’est l’ancêtre de la basse. Mais le jug n’est pas seulement un instrument rythmique et les musiciens les plus aguerris, qui en possèdent plusieurs de différentes tonalités, sont très capables de prendre de véritables chorus structurés.

Le Old Southern Jug Band de Clifford Hayes en 1924. © : YouTube.

Les origines des jug bands sont toutefois bien plus anciennes. Et si on les associe volontiers et logiquement au blues, ils ne viennent pas du Mississippi mais du Kentucky. De Louisville pour être précis, où les bateaux venus de La Nouvelle-Orléans (Louisville est traversée par la rivière Ohio, important affluent du fleuve Mississippi) transportent souvent des artistes de jazz qui influencent d’abord les jug bands. Dès les années 1880, les premiers jug bands se produisent lors de spectacles itinérants (minstrel shows), sur les scènes de vaudeville et bien souvent dans les rues. Le succès rencontré par les pionniers suscite des vocations, en particulier chez les Afro-Américains. Si le jug ne disparaît jamais aux côtés d’instruments traditionnels comme la guitare, le banjo, la mandoline, le violon et le washboard, d’autres plus artisanaux apparaissent comme le peigne musical (qui deviendra le kazoo), la washtub bass, des flûtes et des demi-calebasses transformées en instruments à cordes.

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Et peu à peu, le registre évolue également, au point que le jug band est aujourd’hui considéré comme une forme primitive du blues. Et dans les années 1920, il trouve donc un terrain propice à son développement. Idéalement placée sur la route entre sud et nord des États-Unis, la ville du Tennessee est alors en pleine effervescence musicale, dont le « centre névralgique » est évidemment la très fameuse Beale Street… Clifford Hayes avec son Old Southern Jug Band fut le premier à enregistrer en 1923. Mais le Memphis Jug Band et les Cannon’s Jug Stompers furent incontestablement les « vedettes » du genre, d’autant qu’ils intégraient en leur sein les harmonicistes Will Shade et Noah Lewis. L’harmonica, qui deviendra un instrument prédominant du blues, était alors très peu répandu. De nombreux bluesmen de renom passeront par la « case » jug band, comme Ma Rainey, Big Joe Williams, Memphis Minnie, Jaybird Coleman, Big Bill Broonzy, etc. De nos jours, on trouve encore des groupes qui perpétuent cette tradition essentielle dans l’histoire des musiques populaires…