Christine Chalcol au milieu de ses élèves de la filière musique du lycée Carnot. © : Carib Creole News.

Depuis début décembre, je rediffuse sur ce site les dix épisodes de la série réalisée par Miguel Octave, « La fabuleuse histoire de la musique guadeloupéenne », une production Zycopolis avec France Télévisions. Voici maintenant le huitième épisode, intitulé « Traditions et transmission ». Lors de précédents volets, l’importance de la transmission des traditions avait déjà été évoquée par certains intervenants. J’y suis personnellement très attaché, notamment au travers de tout ce que je publie sur ce site. Je me réjouis donc de voir un épisode entier consacré à cet aspect essentiel. D’autant que dès l’ouverture, Eddy Gustave du groupe Master Class insiste d’emblée pour nous chanter combien « la Guadeloupe est un beau pays », avant d’ajouter qu’il « faut donner l’envie aux jeunes, les motiver pour qu’ils comprennent et vivent la chose, il faut aussi que les médias dont la télé et la radio diffusent ce que nous faisons, notre histoire, ce qui incite les jeunes à comprendre. »

Eddy Gustave. © : France-Antilles.

Christine Chalcol est professeure de musique au Lycée Carnot à Pointe-à-Pitre, qui se distingue par une filière particulière : Sciences et techniques du théâtre, de la musique et de la danse. Christine dirige la branche musique, une filière d’excellence avec peu d’élèves mais motivés et passionnés, destinés à travailler dans les différents métiers de la musique, musiciens de demain et décideurs de l’avenir musical en Guadeloupe. C’est la seule filière de ce type dans la Caraïbe, et en 2019, Carnot a été désigné meilleur lycée de France en musique par L’Étudiant. Et de préciser : « Transmettre, c’est céder ce qu’on nous a offert, et c’est donner ce cadeau pour permettre à quelqu’un de s’élever, de pouvoir se construire, se cultiver. » Aux Abymes, le Centre culturel Sonis est un partenaire privilégié, spécialisé dans les pratiques instrumentales. Eddy Compper, son directeur, revient sur les points clés : « Ce sont la création, la production et la formation des élèves de la filière de Carnot qui ont 100 % de réussite au bac. Il faut leur donner les armes pour qu’ils aillent se battre avec les autres de l’extérieur de même niveau. En termes de transmission, de formation et d’éducation, nous sommes sur un référentiel de conservatoire, nous étudions nos musiques traditionnelles de la Caraïbe, la musique du monde, mais aussi les musiques classiques européennes. »

À l’intérieur du Centre culturel Sonis. © : Région académique Guadeloupe.

Vient ensuite un coup de projecteur sur Arnaud Fédhaoui, élève au lycée Carnot, multi-instrumentiste (violon, clarinette, saxophone, gwo ka) de seulement vingt ans. Venu à la musique par ses parents, il débute au violon car il adorait le classique, puis il compose des biguines et des mazurkas, et dès lors, il se met à la clarinette et au saxophone. Pour Arnaud, « la musique est importante d’un point de vue culturel comme identitaire, chaque peuple a besoin de s’identifier à sa musique, donc en Guadeloupe nous devons valoriser le gwo ka, la biguine… »

Arnaud Fédhaoui. © : Facebook.

La deuxième partie s’arrête sur le quadrille, musique et danse traditionnelles par excellence. Le journaliste Bertrand Dicale use de mots très forts pour en parler : « Le quadrille, auparavant présent dans toute la Caraïbe, a disparu partout sauf en Guadeloupe. La férocité de l’orgueil guadeloupéen réside aussi dans le quadrille. C’est la musique la plus blanche, la plus européenne, devenue la musique la plus « nègre » de Guadeloupe, la plus opprimée, la plus aliénée, mais c’est la musique la plus digne, la musique qui se bat pour la dignité des Noirs et des gens du peuple. Certains militants disent qu’il faut récuser le quadrille car c’est une musique européenne, que l’on est en train de singer les Blancs. On ne singe pas du tout, on s’empare, on prend, on « rapte », c’est un butin de guerre, le butin de guerre des esclaves. »

Danseurs de quadrille à Vieux-Fort en 2007. © : Dr Dominique Cyrille / La Médiathèque Caraïbe.

Difficile d’enchaîner après cela… L’épisode se termine avec différents intervenants déjà vus dans d’autres volets, qui s’expriment sur la préservation et la transmission, dont Fritz Naffer, pour qui le gwo ka doit être un outil sérieux d’éducation, Freddy Marshall, qui a confiance en la jeunesse qui doit chercher le savoir, Jimmy Bassien, qui en rassemblant les jeunes estime être sur le bon chemin, Guy Datil pour qui il a toujours existé quelque chose sur quoi s’appuyer… Quant à la tradition orale ou par mimétisme, nul ne la conteste, mais il également urgent de laisser des traces écrites. Tout est donc dit ou presque, et cet épisode, par ce qu’il véhicule et parce qu’il inscrit la jeunesse au centre du propos, est mon préféré, sans doute aussi parce que son thème m’est particulièrement cher… encore fallait bien le traiter ! Incontournable, donc, et comme d’habitude, à voir à cette adresse.