De gauche à droite : Odie Payne Jr., Willie Dixon, J.B. Lenoir et J.T. Brown, Tay May Club, Chicago. © : Gladys / Stefan Wirz.

Les occasions d’évoquer les batteurs dans ces rubriques sont relativement rares, alors qu’il s’agit de piliers essentiels (et souvent spectaculaires) dans toute formation de blues. Odie Payne Jr. fut un instrumentiste de tout premier ordre, notamment très demandé et présent dans un grand nombre de sessions, en particulier à l’époque de l’âge d’or à son apogée, soit dans les années 1950, avant de jouer un rôle important dans l’avènement du West Side Sound durant la décennie suivante. Odie Payne Jr. voit donc le jour le 27 août 1926 à Chicago, et s’intéresse très jeune à toutes les musiques qu’il entend. Véritable passionné, il étudie la musique au lycée, et après avoir effectué ses obligations militaires, il poursuit dans cette voie et sort diplômé de la Roy C. Knapp School of Percussion, que fréquenta également un certain Fred Below, né lui aussi en 1926.

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Dès la fin des années 1940, Payne fait équipe avec le pianiste Little Johnny Jones et les deux hommes rejoignent le groupe de Tampa Red. Et le 24 mars 1949, le nom de Payne apparaît pour la première fois sur disque, lors d’une session chez RCA Victor qui comprend aussi le bassiste Ransom Knowling, puis le mois suivant avec Big Maceo. En 1952, Payne, Jones et Knowling s’en vont cette fois accompagner Elmore James, avec lequel ils restent environ trois ans, même si leur collaboration, moins régulière, continuera jusqu’en 1959. Payne fait donc une entrée remarquée dans le cercle du Chicago Blues. Il serait fastidieux de lister ici tous les grands bluesmen avec lesquels Payne joua dans les années 1950, mais Sonny Boy Williamson II, Muddy Waters, Jimmy Rogers et Junior Wells en firent tous partie, et j’en passe.

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Mais le jeu d’Odie Payne Jr., parfaite incarnation de l’école de Chicago, avec usage de la cow bell, des cymbales et de la double pédale de grosse caisse, est ainsi plein de dynamisme et de variété. C’est le fameux double shuffle, qui aurait inspiré Fred Below, mais Payne goûtait peu à la comparaison (dans une interview de Scott K. Fish au début des années 1980) : « Je ne joue pas comme lui. Il joue à sa façon. Il intègre ses plans à lui, que je ne reprends pas nécessairement. Ça ne me poserait pas de problème de le faire, mais ce n’est pas nécessaire. Je n’ai pas la sensation de devoir le faire, même s’il le fait. » Le jeu de Below, qui s’inspira du jazz, différait effectivement de celui de Payne. D’autant que la réputation de ce dernier est faite. Alors que l’âge d’or s’essouffle un peu, on l’entend sur les disques de principaux créateurs du West Side Sound, notamment sur les faces Cobra de Magic Sam et Otis Rush, ou encore avec Buddy Guy, et même… Chuck Berry ! Malgré cet édifiant CV, comme bien des musiciens confinés au rôle d’accompagnateurs, il enregistra peu, sinon deux albums qu’il partage avec d’autres artistes, « Live in Japan 1977 » (P-Vine, 2009, avec Eddie Taylor et les frères Myers et « Live at the Piano Man » (Red Beans, 1984, avec Erwin Elfer, Angela Brown et Clark Dean). Enfin, à une date inconnue, il a sorti sous son nom « No! What Did She Say? », sur son propre label O.P.J. Odie Payne Jr. nous a quittés le 1er mars 1989 à soixante-deux ans. Écoutons avec Little Walter, Hound Dog Taylor et Dillard Crume, sur Walter’s blues, en 1967 lors de la tournée de l’American Folk Blues Festival.