© : Nonesuch Records.

Et de trois pour ma série d’albums de l’année. Un disque improbable, que l’on n’attendait pas nécessairement de la part de deux artistes presque « légendaires » qui ont mené de brillantes carrières, mais pour l’essentiel chacun de leur côté. À ma droite, le chanteur et multi-instrumentiste Ry Cooder, aujourd’hui âgé de soixante-quinze ans. À ma gauche , le chanteur et multi-instrumentiste Taj Mahal, son aîné de cinq ans. Remontons à 1965, à Los Angeles, quand ils font partie des membres fondateurs d’un groupe, les Rising Sons, dont le répertoire emprunte au blues, au folk et au country rock. L’année suivante, ils sortent un album simplement intitulé « Rising Sons », qui influencera des formations de rock et pop de la Côte Ouest comme le Grateful Dead.

Les Rising Sons in 1966 : Taj Mahal, Jesse Lee Kincaid, Gary Marker, Ry Cooder et Kevin Kelley. © : KRLA/Beat Publications.

Mais, hormis une série limitée plus ou moins officielle et un single, l’album sortira seulement en 1992 chez Columbia, à une époque où Taj Mahal et Ry Cooder étaient désormais des artistes mondialement connus. Ce sera l’unique legs des Rising Sons qui n’enregistreront plus et se sépareront en 1966. En août 1967, Taj Mahal enregistre pour Columbia « Taj Mahal », son premier album sur lequel Ry Cooder joue de la mandoline et de la guitare rythmique. Ensuite, il faudra donc attendre cinquante-cinq ans pour que les deux hommes se retrouvent pour un album en hommage à Sonny Terry et Brownie McGhee, « Get on Board: The Songs of Sonny Terry & Brownie McGhee » (Nonesuch). Un opus sur lequel ils font preuve d’une vitalité et d’une complicité incroyables. Un de mes disques favoris de cette année 2022. Pour compléter cet article, vous pouvez lire mon article du 27 janvier 2022 dans lequel j’annonçais la sortie à venir du disque, et plus bas ma chronique publiée dans le numéro 247 de Soul Bag. Et pour le plaisir, j’ajoute ici la vidéo du making-of et deux extraits de l’album, le classique Pick a bale of cotton et le spiritual I shall not be moved.

© : Discogs.

TAJ MAHAL & RY COODER
GET ON BOARD: THE SONGS OF SONNY TERRY & BROWNIE MCGHEE
COUNTRY BLUES
En 1966, Taj Mahal et Ry Cooder débutent sur disque avec un album portant le nom de leur groupe « Rising Sons », puis l’année suivante, Taj enregistre son premier opus, auquel Ry collabore. Depuis, plus d’album ensemble. En 1967, Ry a 20 ans, Taj 25 ans. Cinquante-cinq ans plus tard, en 2022, ils ont respectivement 75 et 80 ans. Ont-ils déjà été aussi bons ? Certes, la voix de Taj, qui chante en « lead » sur deux chansons (My baby done changed the lock on the door et Drinkin’ wine spo-dee-o-dee) est de plus en plus fêlée, et la patine se ressent aussi sur celle de Ry. Mais justement, ces rugissements et autres grognements contribuent largement à l’exaltation que dégage ce CD. Le duo a donc choisi onze morceaux du répertoire de Sonny et Brownie à partir de leur album nommé aussi « Get On Board » (Folkways, 1952). Il n’y a toutefois que trois chansons en commun, même s’ils sont allés jusqu’à reprendre le graphisme de la pochette originale… Avec le soutien très pertinent de Joaquim Cooder (le fils de Ry) aux percussions et à la basse, les deux vétérans font une éclatante démonstration de feeling, d’énergie, d’envie, de joie de vivre et de jouer, le tout bouclé en… trois jours ! Taj est souvent à son avantage à l’harmonica (The Midnight Special, Pick a bale of cotton, l’amusant Cornbread, peas, black molasses) mais aussi au piano (Deep sea diver et son autodérision). Côté originalité, Packing up, getting ready to go bénéficie d’un traitement inattendu et très moderne, pendant que les spirituals What a beautiful city et I shall not be moved sont pleins d’émotion. Sans jamais céder à la démonstration ou à l’imitation, Ry se concentre sur un jeu rythmique vigoureux tout en distillant çà et là quelques traits de slide dont il a le secret. Bref, un disque quasi parfait.

 

© : The Guardian.

 

© : Rolling Stone.