© : Early Blues.

Révélation des années 1990, le chanteur-guitariste louisianais, qui se distingue aussi par la qualité de ses textes, fit assurément partie des bluesmen les plus en vue durant une bonne vingtaine d’années, de ceux dont on attendait impatiemment les nouveaux disques et vers lesquels on se précipitait quand ils étaient à l’affiche. Plus rare depuis quelques années, il nous manque beaucoup, et on espère qu’il sortira de ce qui ressemble quand même à une retraite, forcée ou non… Né Larry Andrew Garner le 8 juillet 1952, son enfance se passe dans un cadre rural évidemment sans opulence mais il se débrouille, et comme il me le révéla en 2014 : « On n’avait pas toujours des jouets alors on en bricolait, une vessie de porc faisait un très bon ballon de foot. » Larry grandit près de Baton Rouge, chante à l’église et entend les révérends Utah Smith et Charlie Jackson. Il se dira fasciné par ces deux artistes qui sont tous deux guitaristes, et à l’âge de onze ans, grâce à son oncle George Lathers qui est également musicien, il convainc ses parents de lui acheter son premier instrument.

En trio au Louisiana Folklife Festival, 1992. © : Peter Jones / Folklife in Louisiana.

Ses premiers contacts avec le blues datent de la même époque, favorisés par un juke joint proche de chez lui, où ses cousins et des artistes du Swamp Blues comme Silas Hogan se produisent. Toujours au même âge, Larry joue dans un groupe de gospel, les Stars of Joy, et à seize ans, il rejoint avec des cousins une formation plus orientée R&B, les Twisters, qui trouvent des engagements dans des clubs de Baton Rouge. Désormais, et bien que ses parents voient cela d’un mauvais œil, il s’intéresse de plus en plus au blues. Une musique qu’il ne cesse de pratiquer dès qu’il en a l’occasion lors de son service militaire en Corée. De retour aux États-Unis, il se marie et fonde une famille. Sans abandonner totalement la musique, il travaille pour la Dow Chemical Company pour subvenir aux besoins des siens.

Tabby Thomas devant son club vers 1980. © : Nicholas R. Spitzer / Folklife in Louisiana.

Puis son destin le rattrape un soir de 1983. Pour éviter un accident sur la highway qui le ramène habituellement chez lui, il fait un détour par une petite route qu’il connaît mal. Il aperçoit alors un petit panneau avec l’inscription « Blues Jam 2 Nite » (jam blues ce soir), s’arrête sur les lieux et entre dans un petit club où l’accueille le patron, un certain Tabby. Le spectacle est pour plus tard, il n’y a pas de clients. Larry vient tout simplement de pousser la porte du Tabby’s Blues Box and Heritage Hall, l’établissement de Tabby Thomas (1929-2014), un club mythique du blues en Louisiane connu des amateurs du monde entier ! Tabby engage Larry, qui grâce à cela rencontre de nombreux bluesmen qu’il admire et qui l’inspireront, Lonesome Sundown, Guitar Kelley, Clarence Edwards, Henry Gray, Raful Neal et bien sûr Silas Hogan…

© : Discogs.

À la tête de son propre groupe à partir de 1985, le Boogaloo Blues Band, sa réputation grandit d’autant plus vite que son approche moderne du Swamp Blues lui permet de toucher un public large, et surtout qu’il écrit ses propres chansons. L’une d’elles, l’amusant Doghouse blues, lui vaut un B.B. King Lucille Award en 1988, année qui le voit aussi remporter l’International Blues Challenge. Après une cassette autoéditée en 1990, « Catch the Feeling », il signe une impressionnante série d’albums pratiquement sans déchets : « Double Dues » (JSP, 1993), « Too Blues » (JSP, 1993), « You Need to Live a Little » (Verve / Gitanes, 1994), « Baton Rouge » (Verve / Gitanes, 1995), « Standing Room Only » (Ruf, 1998), « Once Upon the Blues » (Ruf, 2000) et « Embarassment to the Blues » (Ruf, 2002). Avec sa voix pleine de naturel, son jeu de guitare tranchant et efficace jamais emphatique, et donc surtout ses textes souvent empreints d’un humour corrosif sans concession sur notre société, Larry Garner flirte avec les sommets du blues de l’époque.

© : 225 Live Events.

Il est ensuite confronté à de graves problèmes de santé et subit une lourde opération en 2008, ce qui ne l’empêche pas de sortir la même année chez Dixiefrog « Here Today, Gone Tomorrow », un titre qui veut tout dire… En 2014, toujours chez Dixiefrog, il enregistre un album acoustique très réussi avec l’Allemand Michael Van Merwyk, « Upclose and Personal », puis quatre ans plus tard l’honorable « Guilty Saints » avec Neal Black, à ce jour sa dernière réalisation. Difficile de dater ses dernières apparitions scéniques, même s’il semble s’être produit au moins jusqu’en 2019 en Allemagne avec Van Merwyk… Lors de ma dernière rencontre avec Larry en 2014 (pour une interview en vue d’un article paru l’année suivante dans le numéro 218 de Soul Bag), rien dans son propos ne laissait deviner une telle mise en retrait. Espérons qu’un artiste de cette stature, en outre pas si âgé que ça (71 ans), ait de nouvelles opportunités de nous régaler. En attendant, sachons nous délecter d’une sélection de ses plus belles compositions, « pêchées » ça et là au sein de sa riche discographie consistante, mais aussi lors de concerts.

À Jazz sous les Pommiers, 2015. © : Patrick Guillemin.

Doghouse blues en 1993.
No free rides en 1993.
Dreaming again en 2014 avec Michael Van Merwyk.
Tale spreaders en 1993.
Shak bully en 1994.
The preacher man en 1994.
Had to quit drinking en 1994.
Jook joint woman en 1995.
The haves and the have nots en 1995.
Edward had a shotgun en 2000.
Born to sang the blues en 2002.
Here today, gone tomorrow en 2008.
Keep on singing the blues en 2008.
Four cars running en 2009.
The road of life en 2011.
Saints of New Orleans en 2017.

 

Avec Michael Van Merwyk, Blues Party, Les Jardins du Millenium, L’Isle-d’Abeau, 2017. © : Christophe Losberger / Bluesactu.com