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Au programme de mon émission sur YouTube, Juke Boy Bonner (rubrique « Un blues, un jour »), et Kenny Neal (rubrique « En tournée »).

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© : Rolling Stones Stories

Né le 22 mars 1932, Juke Boy Bonner aurait eu 87 ans aujourd’hui. Ce chanteur, guitariste, harmoniciste et bien plus rarement percussionniste (ce qui fait donc de lui un one-man band), il laisse une trace significative dans l’histoire du blues pour au moins deux très bonnes raisons. Il se démarquait d’abord par son style personnel qui était une sorte de synthèse parfaitement maîtrisée de Jimmy Reed, de Lightnin’ Hopkins et de Swamp Blues. Ensuite et peut-être surtout, il fut un compositeur remarquable, aux textes nourris par les années 1960 troublées par l’assassinat de Kennedy, la lutte pour les droits civiques, les émeutes raciales… De son vrai nom Weldon H. Philip Bonner, originaire de Bellville au Texas, à l’ouest de Houston, il a perdu ses parents très jeunes. Il est d’abord élevé par un voisin avant de s’installer chez une de ses sœurs aînées (il est en effet le benjamin de neuf enfants) en 1945, époque vers laquelle il se met à la guitare puis au chant. Largement livré à lui-même, il se produit dès l’adolescence et se fait remarquer dès la seconde moitié des années 1940 autour de Houston dans des juke joints, ce qui lui vaudra son surnom.

En 1948, à seulement 16 ans, il remporte le premier prix d’un radio-crochet, grâce auquel il apparaît ensuite régulièrement dans une émission de la station KLEE à Houston. Il se perfectionne et ajoute donc l’harmonica à son bagage, mais il connaît une première période difficile quand sa femme le quitte et le laisse avec leurs trois enfants… On le retrouve alors à Oakland en Californie, où il a l’opportunité d’enregistrer quelques faces en 1957 pour la petite marque Irma qui orthographie son nom Juke Boy Barner sur les singles… D’autres suivent en 1960, cette fois à Lake Charles en Louisiane, avec notamment Katie Webster au piano. Mais, malgré leur qualité, les disques réalisés au cours de ces séances ne suffisent pas pour réellement lancer sa carrière. D’autant qu’une nouvelle épreuve se profile en 1963 sous la forme d’un grave ulcère à l’estomac. L’opération qu’il subit l’oblige à une longue convalescence durant laquelle il commence à écrire des poèmes, qui seront publiés dans la presse locale et alimenteront plus tard quelques-unes de ses plus belles compositions comme Life Is a Nightmare et Struggle Here in Houston. Il s’agit de textes très sombres : tout est dit dans le titre de la première chanson (la vie est un cauchemar), et dans la seconde, il est question de lutte pour rester en vie et d’insécurité…

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© : Discogs

Une fois ses soucis de santé derrière lui, Bonner va enregistrer une série d’albums remarquables, en commençant en 1967 pour Flyright avec « The One Man Trio », sorti l’année suivante. Il en signe ensuite trois autres pour le label Arhoolie, que l’on considère souvent comme ses meilleurs :« I’m Going Back To the Country Where They Don’t Burn the Buildings Down » (1968), « The Struggle » (1969) et « Ghetto Poet », qui rassemble des faces enregistrées entre 1967 et 1974 mais qui n’est sorti qu’en 2003. Grâce à ces disques, la réputation de Juke Boy Bonner grandit, il attire l’attention des grands festivals et participe à des tournées, dont celle de l’American Folk Blues Festival dès 1969. Mais c’est un personnage tourmenté et instable, il ne sait pas gérer sa carrière, se décourage et cède également à l’alcoolisme. Il meurt en 1978 d’une cirrhose du foie, à 46 ans. J’ai choisi pour mon émission son fameux Struggle Here in Houston qui date de 1968.

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© : Discogs

 

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© : Wikipedia

Pour la page « En tournée » du jour, on va rester en quelque sorte dans une ambiance artistique assez similaire. Je m’arrête en outre sur l’un des bluesmen les plus populaires en France, le Louisianais Kenny Neal. Sa tournée en cours a commencé hier, mais il reste six dates en France en cette fin mars : il sera ainsi demain 23 mars à Beauvais (Oise) dans le cadre du festival Blues Autour du Zinc, le 24 à la Boîte à Musiques à Wattrelos (Nord) pour Blues en Mars, le 26 au Tremplin à Beaumont (Puy-de-Dôme), le 27 au JAM à Montpellier (Hérault), le 28 au Sonograf au Thor (Vaucluse) et le 29 à Talant (Côte-d’Or) pour le festival international de blues.

Kenny Neal, né le 14 octobre 1957 à La Nouvelle-Orléans, est un excellent chanteur puissant mais naturel, un multi-instrumentiste qui s’exprime surtout sur scène à la guitare et à l’harmonica, et peut-être plus encore un showman hors pair et très spectaculaire. Ses concerts sont d’autant plus festifs que son groupe comprend toujours plusieurs membres de sa famille, ce sera encore le cas lors de cette tournée, tous s’expriment avec une envie et une joie communicative sans esbroufe. Après environ 30 ans de carrière discographique, Kenny Neal compte à son actif une quinzaine d’albums sous son nom, selon un rythme très respectable d’un album tous les deux ans et il est bien rare qu’il déçoive. On peut vraiment le considérer comme un des meilleurs bluesmen en activité, et a priori ce n’est pas terminé car il n’a que 61 ans ! J’ai choisi pour mon émission une bonne vieille ballade louisianaise bien typique, enregistrée au festival de blues d’Avignon en 2017, Funny How Times Slips Away.

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© : Fest