© : Rock and Roll Stories.

Avec Pink Anderson, Floyd Council est un des deux bluesmen dont le prénom a donné son nom à Pink Floyd, car Syd Barrett, un des fondateurs du célèbre groupe de rock, s’intéressait au blues. Ce serait pourtant dommage de seulement retenir cette anecdote au moment d’évoquer Council, chanteur, guitariste et mandoliniste qui fut un représentant notable mais malheureux du Piedmont Blues de la Côte Est, bien qu’il ait très peu enregistré sous son nom. Floyd Council voit le jour le 2 septembre 1911 à Chapel Hill, Caroline du Nord, où se trouve une importante université, prestigieuse et très bien cotée. Encore adolescent, Council vit de petits boulots et joue dans les rues de la ville. Mais plutôt que du blues, il interprète des chansons destinées aux étudiants blancs de l’université, dont du ragtime, du jazz et même du gospel. Il se consacre au blues les week-ends, notamment à Durham qui jouxte Chapel Hill, où se trouvent des juke joints et surtout des entrepôts de feuilles de tabac, une culture importante dans la région. Les fermiers sont payés cash et dépensent facilement leur argent pour se distraire, une aubaine pour les bluesmen…

© : Peter B. Lowry / Stefan Wirz.

Council se produit également avec les frères Leo et Thomas Strowd, et en 1930, lors d’un concert dans un juke joint, il fait la connaissance de Willie Trice et son frère cadet Rich (qui mèneront une carrière honorable), grâce auxquels il se familiarise un peu plus avec la scène locale. Sans doute grâce aux Trice, il rencontre ensuite Blind Boy Fuller, un des maîtres du Piedmont Blues, qui va jouer un rôle essentiel dans son parcours. En 1935, l’agent et découvreur de talents John Baxter Long avait permis à Fuller de réaliser ses premiers enregistrements. Deux ans plus tard, Long convie Fuller a de nouvelles séances auxquelles Council va également participer. Le 8 février 1937, il accompagne Fuller à la seconde guitare sur la chanson If you don’t give me what I want, qui sortira sur les labels Melotone, Perfect, Vocalion et OKeh entre 1937 et 1940, puis sur six autres (en février mais aussi en septembre et décembre 1937).

Lenoir Hall, université de Caroline du Nord à Chapel Hill, années 1930-1940. © : Photographic Archives, Wilson Library, The University of North Carolina at Chapel Hill.

Parallèlement, les 9 et 11 février 1937, Floyd Council grave six faces en solo, quatre sous le nom de Dipper Boy Council et deux sous celui de The Devil’s Daddy-in-Law. Le 18 décembre 1937, il signe deux autres titres avec Sonny Terry à l’harmonica, qui restent toutefois inédits. Avec sa belle voix profonde et son jeu de guitare expressif, Council avait de quoi faire une carrière significative. Il n’en sera rien. Installé en 1940 à Carrboro, tout près de Chapel Hill, il travaille comme homme de ménage à l’école locale, loue une petit maison avec sa femme Annabelle et fonde une famille. Il continue toutefois de jouer dans les entrepôts de tabac, se remarie peu après avec Pearl Harrington, et en 1948, le couple vit à Sanford, une soixantaine de kilomètres au sud de Sanford (lire l’article « Smart with a Guitar » par Ed Winstead pour Oxford American).

© : Stefan Wirz.

Council est désormais conducteur de camions, mais il n’abandonne pas la musique, se produit dans des soirées et des fêtes de famille, et donne des conseils à des musiciens locaux qui le considèrent comme un des meilleurs guitaristes de la région. À la fin des années 1960, il est victime d’une attaque qui paralyse des muscles de son cou. Diminué pour chanter et jouer, il retrouve toutefois ses capacités mentales. Peu après, l’ethnomusicologue Peter B. Lowry (notre article du 3 juillet 2022) vient l’interviewer, et le 6 août 1970, il lui fait enregistrer trois chansons pour le label Trix, accompagné par Richard G. « Rufus » Jackson au chant et à l’harmonica. Mais Trix, qui estime certainement que Council est trop handicapé, ne sort pas les morceaux. Deux semaines plus tard, le 20 août 1970, sa femme meurt d’une crise cardiaque. Council se retrouve seul et dépendant, et lors d’une visite l’année suivante, le folkloriste Bruce Bastin révèle qu’il est très malade, à peu près incapable de s’exprimer, et qu’il vit dans une grande misère. En 1973, il perd son fils James, âgé de vingt-quatre ans, assassiné par balles à Greensboro. Floyd Council, qui passe la fin de sa vie chez sa fille Mary, s’éteint le 9 mai 1976 à soixante-quatre ans.

© : The Document Records Store.

Même si son legs discographique est maigre, notre sélection de chansons en écoute démontre l’étendue de son talent.
If you don’t give me what I want en 1937 par Blind Boy Fuller avec Floyd Council. Tout premier morceau sur lequel Council apparaît.
Poor and ain’t got a dime en 1937 par Floyd Council (Dipper Boy Council).
Runaway man blues en 1937 par Floyd Council (Dipper Boy Council).
Ten o’clock peeper en 1937 par Blind Boy Fuller avec Floyd Council.
I don’t want no hungry woman en 1937 par Floyd Council (The Devil’s Daddy-in-Law).
Lookin’ for my baby en 1937 par Floyd Council (The Devil’s Daddy-in-Law).

© : Stefan Wirz.