B.B. King. © : ArtPhotoLimited.

La plus célèbre marque de guitares (et instruments apparentés dont basses, mandolines et autres banjos, puis amplificateurs et aujourd’hui une large gamme d’accessoires) est souvent citée comme la favorite, et donc la plus utilisée, des musiciens de blues mais aussi de rock et de jazz. Tout commence en 1894 quand un luthier du nom d’Orville H. Gibson (1856-1918) fabrique dans son atelier à Kalamazoo, une ville moyenne au sud-ouest du Michigan, son premier instrument, une mandoline à dix cordes. Sa conception est toutefois très novatrice, car pour fabriquer ses mandolines puis ses guitares, il s’inspire du violon, avec une table et un dos incurvés et sculptés, alors que jusque-là les instruments du même type étaient plutôt « plats ». En 1898, Gibson, qui se distingue aussi par la haute qualité de sa fabrication, dépose un brevet, le seul de son existence… Quatre ans plus tard, en 1902, cinq entrepreneurs fondent la Gibson Mandolin-Guitar Co., et relèguent le créateur à un rôle de subalterne, même s’il continue de travailler pour l’entreprise moyennant un maigre salaire. En outre, à partir de 1907, des problèmes cardiaques le conduisent fréquemment à l’hôpital et il décède le 19 août 1918 à soixante-deux ans.

Orville H. Gibson, avant 1910. © : Gibson Corporate Press Kit.

Mais l’héritage d’Orville Gibson sera préservé et continuera d’inspirer la guitare au fil des décennies, jusqu’à marquer l’histoire de la musique d’une profonde empreinte comme nous le savons aujourd’hui. Un histoire jalonnée de quelques dates clés et modèles emblématiques que je vous propose de passer (très) brièvement en vue.
– 1902. Lancement de la Gibson L-1, d’abord en version arch top (table bombée, mais la version flat top (table plate), disponible à partir de 1926, est bien plus connue, d’autant qu’elle sera utilisée par Robert Johnson. Sa production sera stoppée en 1937 (date des derniers enregistrements de Johnson, mais c’est une coïncidence), avant de reprendre dans les années 1990.
– 1922. Gibson L-5. Indiscutablement le premier modèle populaire de la marque. Dès les années 1920, elle est utilisée par Eddie Lang, notamment aux côtés de Lonnie Johnson. En 1946, Django Reinhardt emporte une L-5 amplifiée lors de sa tournée avec Duke Ellington, ce qui le convaincra de passer à la guitare entièrement électrique l’année suivante. Mais on se souvient surtout de ce modèle très apprécié des jazzmen grâce à son plus fameux utilisateur, Wes Montgomery (dans sa déclinaison CES), même si Scotty Moore en usera aussi avec Elvis Presley.

Le brevet de la mandoline d’Orville H. Gibson, 1898. © : X.com

– 1936. Entrée au catalogue du modèle ES-150, première guitare électrique de la marque. Certes étroitement associée à Charlie Christian, elle a aussi permis à Floyd « Guitar » Smith de signer en 1939 le très probable premier solo de guitare électrique dans le blues.
– 1952. Arrivée de la Les Paul, première guitare solid body (caisse pleine), qui porte le nom de son concepteur, génial musicien et inventeur. Encore produite, la Gibson Les Paul a toujours été prisée des guitaristes de rock et de blues rock, d’Eric Clapton à Gary Moore en passant par Jimmy Page, Billy Gibbons, Mike Bloomfield…
– 1958. Apparition de la Gibson ES-335. Que ce soit dans sa version originale ou ses déclinaisons (ES-345, ES-355…), c’est un peu la guitare des bluesmen et bien sûr de B.B. King qui la faisait sonner comme personne. La même année voit le lancement de la Flying V, qui devint magique sous les doigts d’un autre King, Albert de son prénom. Également toujours produites et sans doute immortelles…
En 1984, il y a donc soixante ans (encore un anniversaire !), Gibson a quitté son siège historique de Kalamazoo pour s’installer à Nashville, Tennessee. Bien entendu, l’histoire de la marque ne s’arrête pas là, il faudrait écrire un livre (plusieurs auteurs l’on très bien fait !) pour l’évoquer sérieusement et je m’en tiens donc là, en ajoutant toutefois quelques chansons en écoute.

Wes Montgomery et sa Gibson L-5 CES, photo promotionnelle pour Verve Records, milieu des années 1960. © : Wikimedia Commons.

Wild cat en 1927 par Joe Venuti et Eddie Lang.
Terraplane blues en 1936 par Robert Johnson.
Floyd’s guitar blues en 1939 par Floyd « Guitar » Smith.
Stompin’ at the Savoy en 1941 par Charlie Christian.
Blues riff en 1946 par Django Reinhardt et Duke Ellington.
Here’s that rainy day en 1965 par Wes Montgomery.
Double crossin’ time en 1966 par John Mayall et Eric Clapton.
Albert’s shuffle en 1968 par Al Kooper et Mike Bloomfied.
Blues power en 1970 par Albert King.
How blue can you get en 1985 par B.B. King.

Les Paul en 2007, en pleine possession de ses moyens à quatre-vingt-douze ans. © : Britannica.