Image tirée de la vidéo de 1930. © : Fox-Movietone / Stefan Wirz.

Dans un article du 15 avril 2024, j’évoquais la sortie d’une anthologie du label Frog Records consacrée aux premiers jug bands, « The Jug Band Special ». Vingt-six chansons dont huit inédites par les pionniers de ce genre singulier, par des formations célèbres (Memphis Jug Band, Cannon’s Jug Stompers et Jack Kelly’s South Memphis Jug Band), mais aussi par d’autres moins connues dont le Phillips Louisville Jug Band et le Whistler’s Jug Band. Ce dernier groupe nous intéresse tout particulièrement aujourd’hui, car le 25 septembre 1924 (1), il y a un siècle jour pour jour, il devint le premier jug band à enregistrer. La séance se déroula à Richmond, Indiana, pour Gennett Records. Quatre chansons sont alors gravées, toutes instrumentales, Chicago flip et Jerry o’mine sous le nom de Whistler’s Jug Band et deux en tant que Whistler Acc. by His Jug Band, Jail house blues et I’m a jazz baby. Cinq morceaux supplémentaires sont réalisés ce même jour mais ils restent inédits.

© : Joe Bussard.

Le leader du Whistler’s Jug Band est Lloyd Buford Threlkeld, surnommé Whistler car il siffle (avec un nose whistle ou nose flute, un sifflet de nez) en plus de chanter et jouer de la guitare. Il naît le 22 juillet 1894 à Pleasureville (2), qui se trouve à l’est de Louisville, la plus grande ville du Kentucky. On admet d’ailleurs que cette tradition des jug bands vient de cette région, et je vous invite à ce propos à lire mon article du 20 novembre 2021. La biographie de Threlkeld est très lacunaire mais il apparaît à Louisville en 1914 ou 1915, où il fonde d’abord un string band auquel il ajoute peu après un joueur de jug. Il s’agit sans doute de B.D. Tite, qui sera de la fameuse séance du 25 septembre 1924, avec Jess Ferguson au violon et Willie Black au banjo.

© : Robert Crumb Draws The Blues.

Lors des sessions suivantes les 29 et 30 avril 1927 pour OKeh, Ferguson et Black sont toujours là mais Rudolph « Jazz Lips » Thompson remplace Tite au jug. Sous le nom de Whistler and His Jug Band, le groupe signe dix nouvelles chansons dont seulement quatre sont éditées, sur lesquelles on entend désormais Threlkeld également au chant. Le 25 mai 1930, il enregistre Foldin’ bed, encore une chanson inédite sur disque (une autre version verra le jour en 1931), mais qui a fait l’objet d’une vidéo aujourd’hui conservée aux archives de l’université du Mississippi : il s’agit évidemment d’un témoignage exceptionnel et unique sur les premiers jug bands (on y voit notamment trois joueurs de jug !), dont vous trouverez le lien plus bas. Enfin, le 15 avril 1931, le Whistler’s Jug Band enregistre chez Victor deux dernières chansons. Suite à cela, en 1932, accusé d’un vol dans un hôtel à Louisville, Threlkeld se retrouve à Harlem où il continue de se produire quelque temps ; avant d’être emporté par la tuberculose le 1er septembre 1935, à quarante et un ans.

© : Stefan Wirz.

Voici maintenant ma sélection de chansons en écoute.
Jerry o’mine en 1924.
Jail house blues en 1924.
Pig meat blues en 1927.
Foldin’ bed en 1930. La fameuse vidéo…
Hold that tiger en 1931.

(1) En trois séances les 16, 19 et 22 septembre 1924, soit peu avant le Whistler’s Jug Band, Sara Martin enregistre dix chansons avec un jug band composé de Clifford Hayes (violon), Curtis Hayes (banjo) et Earl McDonald (jug). Toutefois, les dates sont incertaines, et surtout, bien qu’elle soit originaire de Louisville, Martin était une chanteuse de blues classique et le registre des chansons alors gravées ne me paraît pas totalement s’inscrire dans la tradition des jug bands originels, qui s’inspirent plus des orchestres et string bands de jazz de La Nouvelle Orléans.
(2) D’autres sources citent le 18 avril 1893 et la ville d’Eminence (à deux pas de Pleasureville), mais comme toujours je me base sur les éléments les plus récents et à jour.

© : Frog Records.