Certes, Hank Williams fut un artiste de country music. Dans ce registre, il s’inscrit parmi les tout meilleurs d’un genre dont il est peut-être le plus influent. Il n’apparaît donc pas excessif de l’installer parmi les figures majeures de la musique populaire américaine du siècle dernier. Et ce malgré une carrière courte (seulement une trentaine de singles et deux albums) et un décès prématuré à vingt-neuf ans. En outre, Williams s’est formé auprès d’un bluesman et le blues est présent dans son répertoire notamment en termes de textes, pendant que sa musique emprunte aussi aux traditions louisianaises et au gospel. Est-il utile d’en ajouter ? En tout cas, en ce 17 septembre 2023 qui marque le centenaire de sa naissance, il nous semble obligatoire de lui rendre hommage.
Hiram Williams naît donc le 17 septembre 1923 à Mount Olive au sud de Greenville, Alabama. Son grand-père combat durant la guerre de Sécession et son père fait la Seconde Guerre mondiale dont il revient gravement blessé. De son côté, Hiram souffre depuis sa naissance d’une fermeture incomplète de la colonne vertébrale (spina bifida occulta) qui lui causera des douleurs dorsales permanentes. Dès l’âge de trois ans, il accompagne sa mère à l’église, ce qui explique sans doute le côté churchy de certaines de ses chansons, puis il apprend l’harmonica à six ans, et à dix ans il joue de la guitare avec une tante. À peu près au même moment, soit vers 1933, alors que sa famille vit à Greenville, il rencontre un musicien de quarante ans son aîné, Rufus « Tee Tot » Payne (1883-1939). Celui-ci se produit dans les rues et son répertoire archaïque privilégie le blues. Il devient le mentor de Williams, qui dira qu’il fut le seul musicien qui lui ait appris quelque chose, et qui enregistrera en 1949 une chanson apprise de Payne, My bucket’s got a hole in it.
Williams déménage à Montgomery en 1937 et perd de vue Payne qui meurt deux ans plus tard dans la misère sans avoir enregistré. Bien plus tard, en 2006, le fils de Williams, Hank Williams Jr., fera partie d’un groupe d’artistes qui financeront un monument funéraire haut de trois mètres dans le cimetière où repose Payne à Montgomery. Toujours en 1937, rappelons qu’il n’a alors que quatorze ans, Hiram décide de se faire appeler Hank, gagne un concours, joue dans les rues et se fait remarquer par la station de radio WSFA qui finit par l’engager, et profite de son succès précoce pour former son premier groupe, les Drifting Cowboys. La formation tourne abondamment, et malgré son âge, Williams abuse de l’alcool, une addiction pour laquelle il dépense l’essentiel de ses cachets.
En 1941, il est dispensé des obligations militaires compte tenu de ses problèmes de dos, mais il est confronté à de nombreux changements de personnel, les membres de son groupe s’accommodent mal de son alcoolisme chronique et la radio WSFA l’écarte en 1942. Conscients de son immense talent, ses pairs s’offusquent de son attitude, dont le grand Roy Acuff (1903-1992), qui nous laisse cette phrase à la fois célèbre et terrible : « Ta voix vaut un million de dollars, mon garçon, mais ton cerveau seulement dix cents. » Il rencontre Audrey Sheppard en 1943 qu’il épouse l’année suivante, ce qui semble lui apporter une relative stabilité. En 1945, WSFA accepte de le reprendre et il élargit son répertoire en écrivant de nombreuses chansons. D’abord retoqué par Grand Ole Opry en septembre, il enregistre le 11 décembre 1946 chez Sterling ses premières faces, au nombre de six.
Ses chansons sont des succès et sa carrière est lancée, mais il doit trouver un label mieux diffusé. C’est chose faite en 1947 quand il signe chez MGM. Dès lors, les hits s’enchaînent. À partir de 1948, il vit un temps à Newport à Louisiane, ce qui influence son style et où il travaille également pour la radio KWKH, puis devient une star de Grand Ole Opry et grave de nouvelles faces qui trustent les premières places des charts Country & Western. En 1950, Hank Williams est la figure de proue d’une country profondément personnelle et originale, étonnante synthèse qui emprunte donc au blues, au gospel et à la musique cadienne. Un zénith qui n’occulte pas complètement ses démons. Outre l’alcool, ses douleurs dorsales seulement soulagées par la morphine entraînent une dépendance à la drogue. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre sa carrière fructueuse.
Le 29 décembre 1952, à cause d’une tempête de neige, il annule un concert à Charleston, Virginie-Occidentale. Le lendemain, il engage un étudiant pour le conduire à Canton, Ohio, où il doit se produire pour le réveillon du Nouvel An. Ils s’arrêtent le 31 décembre à Knoxville, Tennessee, car Williams se ressent de ses douleurs dorsales, des effets de sédatifs et de l’alcool pris durant le trajet. Un médecin lui administre des vitamines et de la morphine. Après avoir engagé un chauffeur supplémentaire car le premier accuse la fatigue, ils font une nouvelle pause le 1er janvier 1953 à Oak Hill, Virginie-Occidentale, et s’aperçoivent que Hank Williams, inconscient sur la banquette arrière, a cessé de vivre. Ainsi s’éteint l’une des figures majeures de la musique de notre temps. À vingt-neuf ans.
Voici maintenant dix chansons en écoute.
– Wealth won’t save your soul en 1946.
– Pan American en 1947.
– Move it on over en 1947.
– I saw the light en 1948.
– Lovesick blues en 1948.
– Wedding bells en 1949.
– My bucket’s got a hole in it en 1949.
– I’m so lonesome I could cry en 1949.
– Jambalaya (on the bayou) en 1952.
– Old country church en 1952.
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