© : Bengt Olsson / Stefan Wirz.

Ce bluesman qui se faisait aussi appeler Guitar Frank reste très méconnu car il détestait voyager. Il n’a enregistré qu’un album et demi mais tout est magnifique et cela suffit pour s’arrêter sur son parcours. On sait d’ailleurs bien peu de choses à son sujet, et les rares éléments dont nous disposons proviennent des notes rédigées par Bruce Bastin en 1975 lors de la sortie de son seul album complet (« Lonesome Road Blues », Flyright), qui me servent de base pour la réalisation de cet article. Franklin Hovington naît le 9 janvier 1919 à Reading, Pennsylvanie, une ville au nord-ouest de Philadelphie. Il voit peu son père, qui travaille depuis 1913 dans le Delaware à Frederica, à 200 km au sud de Reading. Puis sa mère parvient également à déménager et la famille se retrouve à Frederica.

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Certains de ses aïeux sont musiciens, dont son grand-père qui opérait dans une formation de fife and drum, et un de ses oncles jouait du piano et de l’orgue. Mais son premier mentor fut le guitariste Adam Greenfield, originaire de Caroline du Nord où il naquit au début des années 1880, et qui exploite une petite ferme à proximité où il organise des parties le samedi soir, dont Hovington parlait ainsi à Bastin : « J’y allais avec mon père pour voir Adam Greenfield qui jouait, et il fut ma première influence pour jouer de la guitare et du banjo. (…) J’avais seulement cinq ou six ans et j’adorais m’asseoir près de lui pour regarder sa guitare et ses doigts quand il jouait. Mon père me laissait y aller pour rester là à le regarder, et à chaque fois que j’apprenais qu’il venait en ville, je me débrouillais toujours pour savoir où il jouait pour écouter cette guitare. » Greenfield joue de vieux airs traditionnels, des ballades comme Railroad Bill mais aussi des pièces bientôt popularisées par Blind Blake et Blind Boy Fuller.

Devant chez lui à Felton, Delaware, avril 1978. © : Robert D. Bethke Collection / UNC Libraries Blogs.

Hovington débute en fait au banjo (acheté par son père en 1930, il avait donc onze ans) et même à l’ukulélé, tout en fréquentant un autre musicien local, William Walker : « J’ai commencé au banjo en rencontrant ce William Walker, qui jouait du banjo mais aussi de la guitare. À l’époque, les guitares étaient assez rares, c’était dur d’en avoir une car ça coûtait alors très cher. On pouvait avoir un banjo pour trois fois rien. Voilà comment j’ai d’abord eu un banjo, même si je crois que le tout premier était un petit ukulélé… Quant à Walker, ce type devait venir de Suffolk en Virginie, et il est resté pas mal d’années dans le coin. Il savait que je possédais un banjo, je l’avais déjà vu un peu jouer et je lui ai demandé de me montrer quelques accords. Mais quand il s’est aperçu que j’avais tendance à jouer en picking avec trois doigts, il m’a dit : « Tu devrais prendre une guitare pour jouer comme ça et vraiment faire de la musique. » » En 1934, l’année de ses quinze ans, son père lui achète une guitare sur laquelle il applique les techniques apprises avec Walker.

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On perd ensuite un peu la trace de Frank Hovington, qui, sans raison apparente selon Bastin, se fixe en 1938 ou 1939 à Alexandria en banlieue de Washington. Il réapparaît seulement en 1960, toujours à Alexandria, comme chanteur dans le quartette gospel de Stewart Dixon ! Parallèlement, il apprend que son mentor William Walker est toujours en vie, parvient à le retrouver et même à se produire avec lui. Après la mort de Walker, Hovington joue avec Gene Young jusqu’à la mort de celui-ci en 1971. Il se rend aussi ponctuellement à Philadelphie où il côtoie d’autres artistes dont Blind Connie Williams, Blind Boy Fuller et Washboard Sam. Mais à partir de 1967, il revient également vivre dans sa région natale, à Felton tout près de Frederica, et cette fois définitivement.

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Hovington ne cherche pas à vivre totalement de sa musique mais ses talents de chanteur ténor et de guitariste d’une grande aisance lui valent d’être régulièrement programmé dans les clubs. Ceci dit, il rechigne à se déplacer car il craint notamment de ne plus bénéficier de l’aide sociale, ce qui ne lui permet pas de trouver de meilleurs engagements. Heureusement, les 5 et 6 juillet 1975, les musicologues Dick Spottswood et Bruce Bastin l’enregistrent chez lui pour ce qui deviendra l’album cité en préambule de cet article, « Lonesome Road Blues » chez Flyright, qui sera réédité en CD en 2000 sous le titre « Gone With the Wind » avec cinq chansons inédites. Après ce disque qui est une merveille dans le style Piedmont Blues, le bluesman gravera sous le nom de Guitar Frank six faces supplémentaires tout aussi remarquables le 11 octobre 1980 pour le producteur allemand Siegfried A. Christmann, rassemblées sur l’album « Lonesome Home Blues – Living Country Blues Vol. 8 » (L+R), qu’il partage avec James « Guitar Slim » Stephens. Frank Hovington s’éteindra le 21 juin 1982 à l’âge de soixante-trois ans.

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Je termine bien sûr avec une sélection de chansons en écoute.
Lonesome road blues en 1975.
Got no lovin’ baby now en 1975.
Sing Sing blues en 1975.
Where could i go but to the lord en 1975.
Fly right baby en 1980 (Guitar Frank).
Railroad Bill en 1980 (Guitar Frank).

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