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Au programme de mon émission sur YouTube, Earl Hooker, (rubrique « Un blues, un jour »), et Ranky Tanky (rubrique « Nouveauté de la semaine »).

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© Arhoolie

Né le 15 janvier 1930, il y a donc 89 ans aujourd’hui, Earl Hooker fut un important novateur de la guitare blues du siècle dernier, dont l’influence débordera finalement du cadre de sa musique. Quelques petites phrases d’autres éminents guitaristes, bien que très connues, résument bien le respect qu’il inspirait, à commencer par B. B. King : « C’est à mon sens le meilleur des guitaristes modernes. Point barre. À la slide il était le meilleur. Personne ne l’égalait, il était juste unique en son genre. » Jimi Hendrix le qualifiait de « maître de la pédale wah-wah », pendant que Buddy Guy dormait avec une image du bluesman glissée sous son oreiller, espérant ainsi tirer parti des aptitudes de son aîné… Plus qu’un musicien hors pair, en particulier à la slide, Earl Hooker fut un explorateur de son instrument, et il introduira en pionnier dans le blues plusieurs techniques qui feront bien des émules, comme le double-tracking (le doublement et le décalage des pistes), la pédale wah-wah et la guitare à double manche.

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© : Discogs

Comme son illustre cousin John Lee Hooker, Earl Zebedee Hooker voit le jour non loin de Clarksdale, dans le comté de Quitman, de parents musiciens qui s’installent à Chicago un an après sa naissance. Il trouve vite ses marques et apprend la guitare en autodidacte vers l’âge de 10 ans. Actif dans les rues dès l’adolescence (avec entre autres Bo Diddley !), il s’intéresse également très tôt aux possibilités offertes par la guitare électrique, s’inspirant notamment de T-Bone Walker, auquel il empruntera aussi une partie de son jeu de scène, en jouant avec les dents ou la guitare dans le dos… Robert Nighthawk fait également partie de ses premières influences, cette fois à la slide, et l’aîné des deux prend le plus jeune sous son aile. Ne tenant pas en place, Earl Hooker, qui a quitté sa famille depuis longtemps, alterne séjours à Chicago et dans le Mississippi. À la fin des années 1940, il retrouve Nighthawk à Helena, et participe à l’émission de radio King Biscuit Time, ce qui lui permet aussi de côtoyer l’inévitable Sonny Boy Williamson II.

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© : AllMusic

C’est toutefois en Floride qu’il enregistre pour la première fois, en novembre 1952 chez King, en tant qu’accompagnateur du chanteur Johnny O’Neal, puis au sein du Earl Hooker Trio, cette fois avec les autres musiciens du même O’Neal. Quelques autres rares faces suivent en 1953 pour Sun (avec notamment Boyd Gilmore, Big Walter Horton ou Joe Hill Louis et Pinetop Perkins, mais curieusement Sam Phillips ne les sort pas, elles seront éditées bien plus tard !), puis en 1956 et en 1959. C’est très maigre, mais cette même année, Hooker se fait brillamment remarquer sur de superbes classiques de Junior Wells (Come On in this House, Little by Little), puis l’année suivante (Messin’ With the Kid)… Il collabore avec d’autres artistes (Lilian Offitt, A. C. Reed, Ricky Allen, Johnny « Big Moose » Walker, Magic Sam, Muddy Waters…), mais comme il ne chante pas (encore), les disques sont crédités aux noms de ces vocalistes ! Il doit en outre se faire souvent hospitaliser car il souffre de la tuberculose depuis des années.

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© : Discogs

Earl Hooker semble se décider à vraiment chanter (il n’osait pas à cause d’un fort bégaiement mais finalement il se débrouille bien…) vers le milieu des années 1960 et sort dès lors quelques albums, dont les excellents « The Genius of Earl Hooker » (Cuca, 1967) et « 2 Bugs and a Roach » (Arhoolie, 1969), auquels on peut ajouter les compilations « His First and Last Recordings » (Arhoolie, 1972), avec des faces du début des années 1950 et d’autres de la fin de la décennie suivante, et « An Introduction to Earl Hooker » (True North, 2006). Soulignons enfin la biographie que lui a consacré Sebastian Danchin, Earl Hooker, Blues Master (University Press of Mississippi, 2001). Earl Hooker aurait dû marquer de manière bien plus significative l’histoire du blues et de la guitare. Malheureusement, la tuberculose finit par l’emporter le 21 avril 1970, à seulement 40 ans.

 

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Ma nouveauté de la semaine concerne Ranky Tanky qui vient de sortir un album qui porte le même nom, « Ranky Tanky », pour le label Resilience. Il s’agit d’un CD incarnant la musique Gullah, un courant peu évoqué quand on parle de blues mais il existe bien des racines communes. L’histoire nous dit que les Gullah sont des Afro-Américains vivant sur les côtes de Caroline du Sud et de Géorgie, qui descendent donc d’esclaves arrivés parmi les premiers sur le sol des futurs États-Unis, dès le XVIIe siècle. Ils restent très attachés sous bien des aspects à la culture et aux traditions africaines, tout en parlant un créole basé sur l’anglais. Ranky Tanky se compose de cinq artistes de cette région : Quiana Parler (chant), Clay Ross (guitare et chant), Charlton Singleton (trompette et chant), Kevin Hamilton (basse) et Quentin E. Baxter (batterie).

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Ils sont formés au jazz, mais ils évoluent loin de ce registre ici, car leur CD revisite plusieurs traditions musicales comme le gospel, le soul blues, la musique d’Afrique de l’Ouest et même la ballade country folk mélancolique. Ils s’appuient sur la voix superbe de Quiana Parler, souvent impressionnante de souplesse, mais aussi sur des arrangements soignés, avec de belles harmonies vocales et des percussions toujours très vivantes. En fait, il s’agit d’un disque un peu aux frontières des traditions, très varié, original et réjouissant. Écoute après écoute, il révèle de nouvelles nuances et c’est un vrai régal. Pour illustrer ça dans mon émission, j’ai choisi un titre sublimement chanté par Quiana Parler, entre gospel et soul blues, qui s’appelle Sink ‘Em Low.

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