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Au programme de mon émission sur YouTube, Kokomo Arnold, (rubrique « Un blues, un jour »), et Joanne Shaw Taylor(rubrique « En tournée »).

Sa carrière discographique court sur seulement quatre ans mais l’œuvre de Kokomo Arnold restera à jamais fondatrice. Cet artiste ne fut pas seulement un des plus grands adeptes de la guitare slide, un excellent chanteur à la voix forte et expressive, et un compositeur avisé particulièrement influent. Arnold joua aussi un rôle essentiel dans une période dite charnière dans les années 1930, qui survint après la Grande Dépression et la Prohibition, et qui vit le blues progressivement s’éloigner de la ruralité des pionniers en faveur d’une approche plus urbaine. Probablement né le 15 février 1896 (nombre de sources citent toutefois encore 1901) à Lovejoy en Géorgie, une trentaine de kilomètres au sud d’Atlanta, James Arnold apprend la guitare vers ses 9 ans avec un cousin du nom de John Wiggs. Il est difficile de retracer les premières années de son parcours tant il s’est déplacé pour trouver du travail, d’abord à Buffalo dans l’État de New York près de la frontière canadienne, puis à Pittsburgh en Pennsylvanie, enfin à Chicago où il se fixe à la fin des années 1920.

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© : Jacques Demêtre / Archives Soul Bag

À partir de 1929, dans une ville où la pègre règne au plus fort de la Prohibition, il se débrouille pour s’occuper d’une affaire de contrebande d’alcool ! L’année suivante, il part pour Memphis où il grave le 17 mai sous le nom de Gitfiddle Jim deux titres pour Victor, Paddlin’ Blues et Rainy Night Blues. Il revient toutefois vite à Chicago, soucieux de ne pas lâcher ses activités lucratives de bootlegger… Mais en 1934, il cède aux avances du producteur Jay Mayo « Ink » Williams (1894-1980), et jusqu’en 1938, il va enregistrer plus de 80 faces pour Decca, la plupart sous son nom, mais aussi quelques-unes avec des artistes connus comme Peetie Wheatstraw et Roosevelt Sykes. Arnold aborde des thèmes alors peu usités dans le blues comme la bisexualité, et plusieurs de ses chansons influenceront les compositions de Robert Johnson, dons les trois suivantes qui datent de 1934 : Milk Cow Bluessera repris sous le titre Milcow’s Calf Blues, Old Original Kokomo Blues inspirera évidemment de façon frappante Sweet Home Chicago, et Sagefield Woman Bluescontient la phrase dust my broom que Johnson utilisera comme titre d’un de ses plus célèbres morceaux…

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Kokomo Arnold et Jacques Demêtre, Chicago, 1959. © : Jacques Demêtre / Archives Soul Bag.

Soyons toutefois honnêtes et complets, les bluesmen avaient déjà l’habitude de « s’emprunter » ou d’adapter des paroles entre eux, et Kokomo Arnold pourrait bien lui-même s’être inspiré du Kokomo Blues de Scrapper Blackwell (1928) pour Old Original Kokomo Blues, voir du Milk Cow Blues de Sleepy John Estes (1930), même si dans le second pas les paroles diffèrent beaucoup… En tout cas, les disques de Kokomo Arnold se vendent plutôt bien, mais visiblement, les conditions de son contrat avec Williams et Decca ne lui conviennent pas, au point de le pousser à stopper sa carrière musicale. Il faudra attendre 1959 pour qu’il soit retrouvé chez lui à Chicago, une redécouverte que l’on doit aux Français Jacques Demêtre et Marcel Chauvard, qui publieront en 1994 un magnifique témoignage sur Arnold dans leur livre Voyage au pays du blues (CLARB / Soul Bag). Mais rien n’y fait : malgré les sollicitations au début des années 1960, et contrairement à tant d’autres artistes en plein Blues Revival, Arnold refuse de reprendre sa carrière musicale. Il décèdera d’une crise cardiaque le 8 novembre 1968 à l’âge de 72 ans. Tous les enregistrements fondamentaux de Kokomo Arnold sont heureusement disponibles chez Document Records avec sa série de quatre volumes « Complete Recording Works in Chronological Order » (1991). Dans mon émission, je n’ai pas résisté à passer son Old Original Kokomo Blues de 1934.

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© : Discogs

 

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© : R&R

Pour cette page « En tournée » du vendredi, je fais une incursion dans le monde du blues rock, dont je ne veux surtout pas oublier le public qui se presse aux concerts et festivals de blues, contribuant largement au maintien en bonne santé de cette musique. Ma rubrique s’arrête donc sur la jeune chanteuse et guitariste anglaise Joanne Shaw Taylor, née dans la région de Birmingham, et qui fut découverte à l’âge de 16 ans par Dave Stewart du groupe Eurythmics. Depuis, elle a fait son chemin avec six albums à son actif et un septième à paraître en mars prochain chez Silvertone, « Reckless Heart ». Elle vient de « l’école » du label allemand Ruf qui ne se spécialise pas vraiment dans la dentelle… Miss Taylor s’inscrit bien dans cette lignée avec un gros son de guitare, mais j’avoue que sa voix m’ennuie un peu : j’ignore si c’est l’accent du centre de l’Angleterre où elle a grandi, mais elle n’est pas toujours facile à comprendre… En tout cas, chacun pourra se faire une idée car Joanne Shaw Taylor se produira trois fois en France : elle sera demain 16 février à la Cigale à Paris, le 17 au Plan à Ris-Orangis et le 19 au Transbordeur à Villeurbanne. Pour mon émission, j’ai pris un morceau enregistré à l’origine sur son album de 2016 « Wild », mais en public : No Reason to Stay.