Au programme de mon émission sur YouTube, Kansas Joe McCoy & Memphis Minnie (rubrique « Un blues, un jour »), et Hank Williams & Aaron Neville (rubrique « Les temps du gospel»).
La crue de 1927 du Mississippi reste la plus catastrophique de l’histoire des États-Unis, et tout a vraiment commencé le 21 avril de cette même année. Cela faisait déjà de nombreux jours que de très fortes pluies s’abattaient sur six États dont principalement le Mississippi, l’Arkansas et la Louisiane. Tout le Delta, qui comme nous le savons est une grande plaine alluviale inondable, est directement menacé. Certes, après les crues des années précédentes, des digues ont été renforcées, elles font l’objet d’une surveillance constante, mais l’eau n’a jamais été aussi haute. Plusieurs points font l’objet d’une attention toute particulière, dont la digue du site de Mound Landing, une vingtaine de kilomètres au nord de Greenville, qui est cruciale. Si elle cède, les conséquences seront dramatiques.
Et c’est exactement ce qui se produisit le 21 avril 1927. Cette première rupture, qui causera la mort quasi instantanée de plus de 100 personnes restées sur place, sera la première d’une longue série, car à l’origine d’un effet dominos. Au bilan, la crue de 1927 inondera quelque 70 000 km2, soit la surface de la Belgique et la Suisse réunies ! Par endroit, la hauteur d’eau atteindra neuf mètres… Elle fera environ 250 morts et entre 600 000 et 700 000 déplacés qui n’auront d’autre ressource que d’occuper des camps de réfugiés. Dans le Delta, les trois quarts des habitants sont afro-américains, et sont évidemment les plus touchés. Cette inondation sera dès lors à l’origine d’une importante vague de migration de la population noire de ces régions rurales vers les grandes villes du nord.
La catastrophe inspirera de nombreux bluesmen qui écriront des chansons avant même la fin des crues, dont Lonnie Johnson dès le 25 avril puis le 3 mai, puis des chanteuses de blues classique comme Sippie Wallace et Chippie Hill avant le 15 mai. Blind Lemon Jefferson, Barbecue Bob et Sam Collins leur emboîteront le pas, puis bien d’autres dans les mois et même les années qui suivirent. Charlie Patton nous laissera une version célèbre en 1929, High Water Everywhere. Mais la même année, un duo composé de Kansas Joe McCoy et Memphis Minnie en a sorti une autre lecture mémorable, dont le titre est en outre en rapport direct avec la rupture du 21 avril 1927 de la digue de Mound Landing. Ça s’appelle en effet When the Levee Breaks, quand la digue lâche, et je l’ai donc retenue pour mon émission…
Pour le gospel du dimanche, je ne quitte pas le 21 avril. J’aurais d’ailleurs pu trouver sans difficulté un gospel évoquant la crue du Mississippi de 1927, mais j’ai opté pour une autre piste. Il se trouve en effet que le chanteur, guitariste et violoniste de country music Hank Williams est l’auteur d’un classique du gospel, I Saw the Light, qu’il a écrit et enregistré pour la première fois le 21 avril 1947. En fait, on parle en la circonstance de country gospel, un courant qui s’inspire donc de la country, comme il existe du gospel blues ou du blues sacré. Au moment de sa sortie en 1948, la chanson de Williams ne connaîtra pas un succès foudroyant, mais avec le temps, elle prendra la dimension d’un hymne, autant de la country que du gospel.
Elle sera reprise par des dizaines d’artistes, parmi lesquels les plus grands interprètes de la country, et reste au répertoire de bon nombre d’artistes actuels. D’ailleurs, en 2015, I Saw the Lightsera le titre choisi par le réalisateur Marc Abraham pour son film qui retrace la vie de Williams… Un succès a posteriori dont ne pourra vraiment profiter Hank Williams, mort le 1erjanvier 1953 à seulement 29 ans… Parmi les artistes qui ont repris sa chanson, je n’ai pas choisi un véritable spécialiste du gospel mais un formidable vocaliste capable de tout chanter, Aaron Neville. On retrouve I Saw the Lightde Williams sur son album « Gospel Roots » de 2005 (Tell It Records), qui est en fait une compilation de deux albums de 2000 et 2003, « Devotion » et « Believe ». Comme il s’agit de deux morceaux plutôt courts, j’ai choisi de les programmer tous les deux en enchaînement dans mon émission, d’abord la version originale de 1947 par Hank Williams, suivie de la reprise d’Aaron Neville, enregistrée en 2003.
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