Au programme de mon émission sur YouTube, T-Bone Walker (rubrique « Un blues, un jour »), et Mary Lane (rubrique « Nouveauté de la semaine »).
Je vous invite à remonter 109 ans en arrière, précisément au 28 mai 1910, date de naissance d’un certain T-Bone Walker. Ainsi, on pénètre une fois encore à l’intérieur du cercle très fermé de ceux qui ont changé le cours de l’histoire du blues. Et même sans doute un peu plus que cela dans le cas de T-Bone, incontestablement un des plus importants guitaristes du siècle dernier. Né Aaron Thibeaux « T-Bone » Walker à Linden au Texas, il fut extrêmement précoce : à Dallas, où ses parents musiciens s’installèrent en 1912, il chante et apprend divers instruments avec son beau-père qui joue dans les rues avec le Dallas String Band, banjo, ukulele, mandoline, violon, guitare… Vers l’âge de 10 ans, il accompagne son beau-père, et au même moment, au tout début des années 1920, il fréquente Blind Lemon Jefferson dont il devient aussi le guide. Son surnom T-Bone, une déformation de Thibeaux, date probablement aussi de cette époque.
À 15 ans, il vivait déjà du blues dans la région de Dallas. Il enregistra même pour Columbia deux morceaux en 1929 sous le nom de Oak Cliff T-Bone (Oak Cliff désignant le quartier où il habite, en périphérie de Dallas), dans un registre rural qui n’aura aucune suite dans son parcours. Au milieu des années 1930, il s’installe à Los Angeles et réapparaît sur disque en 1940, mais seulement comme chanteur dans l’orchestre de Les Hite. À partir de 1942, au sein d’autres orchestres puis sous son nom, il impose son style qui influencera des générations de guitaristes. En pionnier de la guitare électrique, qu’il aurait découverte dès son arrivée en Californie, où peut-être plus tôt en côtoyant Charlie Christian, il profite de cette technique pour se forger un style unique, élégant et expressif. C’est un peu le prolongement de celui d’un Lonnie Johnson par exemple, mais aussi de purs jazzmen comme Charlie Christian cité plus haut. Il y ajoute un jeu de scène spectaculaire qui fera là encore bien des émules, d’autant que c’est un excellent chanteur et un compositeur auteur de standards intemporels dont Mean Old World, I’m Gonna Find My Baby et bien sûr Stormy Monday…
Principal créateur du blues dit texano-californien, il continuera d’enregistrer des faces essentielles durant toutes les années 1950. Et si comme tout le monde il a ensuite subi la désaffection du public, sa participation à la première tournée de l’American Folk Blues Festival en 1962 lui a permis de rebondir très vite et d’être mondialement connu, et donc d’enregistrer encore de nombreux albums jusqu’à sa mort le 16 mars 1975 à 64 ans. La première période de sa discographie a été rééditée sur de multiples supports. Bien qu’elle commence à dater un peu, l’anthologie la plus complète, qui compte pas moins de six CD, est « The Complete Recordings of T-Bone Walker 1940-1954 » (Mosaic, 1990). Côté albums, la compilation de deux albums Imperial de 1961 et 1959 « I Get So Weary Plus Singing The Blues, The Definitive Remastered Edition » (Soul Jam, 2016) représente bien la deuxième partie de sa carrière, pendant que« Feeling the Blues », enregistré pour Black and Blue fin 1968, démontre sa constance. Une vidéo dans mon émission le montre, avec sa façon bien à lui de jouer de la guitare, en 1962 à l’American Folk Blues Festival, entouré de Memphis Slim, Willie Dixon et Jump Jackson. C’est Don’t Throw Your Love on Me so Strong.
Un retour intéressant aujourd’hui pour la nouveauté de la semaine, celui de la chanteuse Mary Lane. Désormais octogénaire car elle est née le 23 novembre 1935, elle vient de sortir chez Woman of the Blues l’album « Travelin’ Woman ». Originaire de l’Arkansas, Mary Lane a quand même fait l’essentiel de sa carrière du côté de Chicago, à partir des années 1960 où elle a côtoyé les meilleurs bluesmen de l’époque. Mais elle a très peu enregistré, une poignée de singles et un seul et unique album en 1997, « Appointment With the Blues » (Noir Records). Pourtant, c’est une très bonne chanteuse, et malgré son âge elle a gardé de l’assurance et même de la souplesse, cet album en témoigne. En outre, elle s’entoure d’invités renommés dont Corky Siegel et Billy Branch à l’harmonica, Colin Linden et Dave Specter à la guitare, et même Eddie Shaw, lui aussi à l’harmonica, sans doute pour une de ses dernières apparitions avant sa mort en janvier 2018.
Car les séances d’enregistrement du disque datent en fait de 2016 et 2017. C’est du Chicago Blues pur jus, avec bien sûr de bons vieux shuffles comme Live That Wine Aloneet Raining In My Heart, des morceaux très enlevés comme Blues Give Me A Feelinget Bad Luck and Trouble, de la ballade avec Ain’t Nobody Else, et même un peu de blues acoustique avec Make Up Your Mind. En plus, comme quoi tout vient à qui sait attendre, Mary Lane fait également l’objet d’un film de la réalisatrice Jesseca Inez Simmons, qui s’intitule I Can Only Be Mary Lane. Bon, soyons honnêtes, il n’y a rien de vraiment nouveau dans tout ça, mais c’est bien interprété, avec efficacité, on ne s’ennuie pas, et la chanteuse méritait bien ce double coup de projecteur pour l’ensemble de sa longue carrière. Je vous propose d’écouter dans mon émission la ballade Ain’t Nobody Else.
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