Affiche du minifestival du 24 avril pour les vingt ans. © : Cat Head.

Tout amateur de blues – et de culture afro-américaine en général – se doit de passer par Clarksdale, Mississippi, et de s’arrêter au 252 de la bien nommée Delta Avenue. Là, au cœur de la ville, à deux pas du Ground Zero Blues Club et du Delta Blues Museum, se tient le magasin Cat Head Delta Blues & Folk Art, donc créé il y a tout juste vingt ans, en 2002, par Roger Stolle. La boutique n’est pas immense, mais Roger et son équipe savent exploiter l’espace pour décliner leurs produits, qui se composent bien sûr de disques, DVD, presse et livres spécialisés, ainsi que de produits dérivés. On y trouve les programmes des concerts dans les clubs environnants, mais aussi des œuvres d’art réalisées par des artistes locaux. Car, comme il ne manque jamais de le dire, Roger ne se contente pas d’agir en faveur du blues et des artistes, il s’efforce de mettre en avant les différents acteurs de la culture afro-américaine locale.

Minifestival devant le magasin. © : Tripadvisor.

En 1977, à l’âge de dix ans, alors qu’il vit à Dayton, Ohio, Stolle découvre la musique au moment de la mort d’Elvis Presley. Mais peu à peu, en grandissant, il s’aperçoit que les chansons de Presley qui le touchent le plus sont en fait des adaptations empruntées aux bluesmen du Mississippi. Tout en poursuivant ses études (littérature anglaise, journalisme), il entame une brillante carrière qui le mène au poste de directeur marketing chez Corporate America, où il reste durant treize ans. Mais il vit à Saint-Louis et parvient à trouver du temps pour rencontrer quelques musiciens locaux, dont Big George Brock avec lequel il travaillera quelques années plus tard. Et malgré ses voyages professionnels dans le monde entier, il se rend dès qu’il en a l’occasion à Clarksdale… Et en mai 2002, ce cadre supérieur qui selon ses propres termes « se faisait un fric de dingue » (tiré de son propre livre Mississippi Juke Joint Confidential: House Parties, Hustlers & the Blues Life), y revient une nouvelle fois. Il n’en repartira plus.

À l’intérieur. © : Visit Mississippi.

Et il ne va pas faire les choses à moitié. Outre l’ouverture de Cat Head, il tient rapidement un rôle central pour le blues régional en mettant sur pied de nombreuses initiatives. Il s’occupe d’abord des artistes. Comme il en connaît déjà un certain nombre, ainsi que les propriétaires des clubs, il les aide à trouver des dates, y compris en vue de tournées. À partir de 2005, il produit sur son label Cat Head trois excellents albums de son protégé, le chanteur et harmoniciste Big George Brock (« Club Caravan », « Round Two » et « Live At Seventy Five »), et le film de Damien Blaylock Hard Times, consacré au même Brock. Plume avisée, Stolle signe des articles dans de nombreux titres de presse, et on lui doit chez History Press deux livres sous son nom superbement illustrés des photos de Lou Bopp, Hidden History of Mississippi Blues(2011) et donc Mississippi Juke Joint Confidential: House Parties, Hustlers & the Blues Life (2019).

Roger Stolle et Robert « Bilbo » Walker. © : Nicki Wambolt / Delta Bohemian.

Insatiable, le boss de Cat Head passe aussi derrière la caméra, associé à son ami Jeff Konkel, autre activiste du blues (basé à Saint-Louis), entre autres fondateur du label Broke & Hungry Records. En 2009, le duo réalise M for Mississippi: A Road Trip Through the Birthplace of the Blues, durant lequel les deux hommes partent à la rencontre de bluesmen ruraux pour des témoignages prenants. Trois ans plus tard, c’est We Juke Up in Here!, un autre voyage captivant dans le Mississippi pour cette fois rendre compte de la tradition des juke joints. Enfin, Stolle et Konkel ont lancé en 2014 la série télévisée Moonshine & Mojo Hands (Mississippi Blues Series), qui comptera dix épisodes. Roger Stolle est également conférencier, animateur radio, membre ou dirigeant de bureaux d’institutions (tourisme, musées, festivals cinématographiques…), cofondateur de festivals, et il a reçu de nombreuses récompenses dont un Blues Music Award et Keeping the Blues Alive Award.

Œuvres accrochées au mur intérieur. © : Tripadvisor.

En vous rendant sur le site Internet de Cat Head, vous en apprendrez encore plus sur cet homme qui a choisi d’abandonner une vie confortable pour servir le blues. Un exemple de réussite, car vingt ans après sa fondation, Cat Head jouit d’une réputation mondiale dans son domaine. Pour ce vingtième anniversaire, car c’est bien notre sujet, divers événements sont prévus, et même s’ils se passent aux États-Unis, j’en ferai état ici. Le premier aura lieu le 24 (affiche en photo d’ouverture de cet article) sous la forme d’un minifestival très prometteur durant lequel se succéderont chez Cat Head à partir de 10 heures Anthony « Big A » Sherrod & Allstars, The Reverend Peyton’s Big Damn Band, Kirk Fletcher, Sean « Bad » Apple, Big T & Family Blues Band et Lucious Spiller Blues Band. Et bien entendu, happy birthday Cat Head!