Jean-Pierre Tahmazian. © : Loiseau Frederic / Facebook.

On peut écrire sans exagération que Jean-Pierre Tahmazian fit partie des acteurs importants de la propagation du jazz et du blues en France. Alors qu’il vient de nous quitter à l’âge de soixante-dix-huit ans, on se souvient que ce passionné immortalisa de grands jazzmen dès les années 1960, sa photo de Duke Ellington en 1965 restant parmi ses pièces les plus célèbres de son legs. Parallèlement, le 7 décembre 1967, un disquaire bordelais du nom de Jean-Marie Monestier enregistre l’album de Buddy Tate avec Milt Buckner « When I’m Blue ». C’est l’acte de naissance de Black & Blue, et Tahmazian va progressivement s’investir dans l’aventure du label, devenant officiellement l’associé de Monestier en 1973.

Duke Ellington en 1965. © : Jean-Pierre Tahmazian / La Maison du Duke.

Tout en poursuivant ses activités de photographe, Jean-Pierre Tahmazian s’intéresse également très vite et de près au blues, et, toujours avec Monestier, il lance en novembre 1969 la très fameuse tournée du Chicago Blues Festival, avec au programme de cette première édition John Lee Hooker et Lowell Fulson. Des gens hautement recommandables comme Jean-Pierre Vignola (1976) et Didier Tricard (1977) prennent ensuite part à cette aventure qui se poursuit aujourd’hui. De leur côté, Tahmazian et Monestier, qui travaillent aussi avec Jacques Morgantini, continuent de faire venir en France des jazzmen et des bluesmen de renom, installant le catalogue Black & Blue parmi les plus importants du monde, et s’inscrivant en contributeurs essentiels de la reconnaissance de ces musiques en Europe.

Fred Below. © : Jean-Pierre Tahmazian / Soul Bag.

Toujours dans le blues, Jean-Pierre Tahmazian se distingue également en 1980 en signant les photos d’albums du label Isabel fondé par Didier Tricard (Johnny « Big Moose » Walker, Lefty Dizz et Willie James Lyons). Les tournées ne cessent évidemment pas, et on peut noter celle de 1986 qui réunit des artistes « alors bien peu connus en Europe » pour reprendre les termes de David Evans, comme Jessie Mae Hemphill, James « Son » Thomas et Hezekiah and the House Rockers. Tahmazian sera aussi directeur artistique des labels La Lichère (pour lequel Benoît Blue Boy a sorti plusieurs albums) et Frémeaux & Associés. Quant à Black & Blue, il continuera son chemin, toujours avec du jazz, du blues et des artistes français. Je n’oublie évidemment pas de citer la remarquable série de rééditions « Blues Reference », débutée en 1999, et qui compte cinquante-cinq albums.

Jimmy Johnson. © : Jean-Pierre Tahmazian / Soul Bag.

Bien entendu, Jean-Pierre Tahmazian a rassemblé une riche collection de photographies que l’on retrouve dans la presse spécialisée, mais il nous laisse également des articles pertinents, notamment dans les colonnes de Soul Bag. Sans remonter aux origines, voici quelques exemples.
– Dans le numéro 228, publication d’un portfolio constitué d’images de John Lee Hooker lors de ses passages en France entre 1965 et 1970.
– Dans le numéro 232, cosignée avec Joël Dufour, la réédition d’un article publié dans le numéro 16 de la revue consacré au concert d’Aretha Franklin à l’Olympia le 19 juin 1971, avec des photos inédites.
– Dans le numéro 236, un portfolio dédié aux cinquante ans (2019) du Chicago Blues Festival, partagé avec Brigitte Charvolin et Jacques Périn.
Rarement mis en avant, Jean-Pierre Tahmazian aura donc joué un rôle de premier ordre dans le développement en France des musiques qui nous passionnent et sur lesquelles nous pouvons aujourd’hui échanger. Ne l’oublions surtout pas.

Luther « Snake Boy » Johnson en 1972. © : Jean-Pierre Tahmazian / Soul Bag.