En 1942. © : Sunday Blues.

La guitare slide doit énormément à Robert Nighthawk, surtout au moment de l’amplification électrique des instruments, qui figure incontestablement parmi les plus beaux stylistes de cette technique. Il naît Robert Lee McCollum le 30 novembre 1909 à Helena, Arkansas, et grandit sur les plantations alentour. À quatorze ans, il a déjà quitté la maison familiale et survit en jouant de l’harmonica dans le Mississippi. Il est encore adolescent quand naît son fils en 1926, un fabuleux batteur aujourd’hui connu sous le nom de Sam Carr (1). Au tout début des années 1930, il rencontre Houston Stackhouse (lire mon article du 28 septembre 2022) qui lui enseigne les rudiments de la slide tout en lui apprenant les classiques de son idole Tommy Johnson. En 1932, il se produit avec son frère Percy McCollum à l’harmonica et Stackhouse à la mandoline, au violon et à la guitare, dans la région de Jackson où il prend part à des émissions de radio, et progressivement dans tout le sud du Mississippi.

Percy et Robert Lee McCollum, début des années 1930. © : Sunday Blues.

Mais l’année 1932 se termine mal. Alors qu’ils se trouvent à Brookhaven (entre Hazlehurst et McComb), les trois hommes interpelés en état d’ivresse sont soupçonnés de viol et emprisonnés. Heureusement, un policier qui les connaît parvient à les faire libérer, mais Percy ne se remet pas de cette expérience et le trio se sépare. Robert prend la route du nord de l’État, passe par Memphis et Clarksdale où il côtoie un temps John Lee Hooker pour arriver finalement à Friar’s Point. Puis il quitte le région pour des raisons floues. Selon Stackhouse, il aurait alors eu de « gros problèmes » en lien avec une arme à feu, en précisant qu’il ignorait s’il avait tué quelqu’un. En tout cas, il décide de se faire appeler Robert McCoy (le nom de naissance de sa mère) et de continuer vers le nord, faisant d’abord étape à Saint-Louis, Missouri, où il se lie avec Henry Townsend et Big Joe Williams.

À l’extrême droite, avec les Nighthawks. © : thehoundnyc.com

Et grâce à ce dernier qui a des contrats d’enregistrement à Chicago, il grave le 5 mai 1937 à Aurora (banlieue ouest de la Windy City) ses premières faces sous le nom de Robert Lee McCoy, mais aussi sous les pseudonymes de Rambling Bob et Peetie’s Boy… Il bénéficie alors d’un accompagnement royal comprenant souvent Sonny Boy Williamson I et Big Joe Williams, mais aussi Walter Davis, Henry Townsend, Speckled Red, Ann Sortier… De retour dans le sud en 1940, il s’inscrit en pionnier de la guitare électrique, qui donne beaucoup de relief à son jeu de slide unique et déchirant, et forme un groupe, les Nighthawks. En 1948, il réapparaît en studio à Chicago et enregistre au sein d’un groupe du même nom mais avec un personnel différent (Ethel Mae Brown, Sunnyland Slim, Ernest Lane, Pinetop Perkins, Willie Dixon). Et trois ans plus tard, il signe ses premiers titres sous le nom de Robert Nighthawk, puis d’autres l’année suivante.

Ernest Lane, Robert Nighthawk et Hazel McCollum. © : Black Then.

Mais une longue parenthèse discographique s’amorce. Car parallèlement, Nighthawk est devenue une petite vedette de la célèbre émission King Biscuit Time de la radio KFFA, qui émet en outre à Helena, sa ville natale. Ses prestations radiophoniques étant plus lucratives que ses disques qui se vendent peu malgré leur grande qualité, d’autant qu’il se produit aussi dans les clubs locaux, il se satisfait de sa situation. Mais il finit dès lors par disparaître carrément de la circulation… En 1963, on le retrouve jouant dans les rues à Chicago, en particulier sur Maxwell Street. L’année suivante, il enregistre d’ailleurs son unique et superbe album, « Live on Maxwell Street », qui ne sortira qu’en 1979 chez Rounder. Son nom apparaît aussi sur des compilations qu’il partage avec les musiciens qu’il fréquente dans la Windy Ciry, dont Johnny Young et son vieil ami Houston Stackhouse. Mais Robert Nighthawk ne profite pas de ces réalisations parues à titre posthume. Il est en effet emporté par une crise cardiaque le 5 novembre 1967, à l’âge de cinquante-sept ans.

© : Sunday Blues.

Aujourd’hui reconnue à sa juste valeur, son œuvre qui en fait un des maîtres absolus de la guitare slide est essentielle et je vous en propose quelques extraits.
Prowling night-hawk, 5 mai 1937.
Big apple blues, 18 décembre 1938.
Black angel blues (Sweet black angel), 12 juillet 1948.
Bricks in my pillow, 25 octobre 1952.
Goin’ down to Eli’s, septembre ou octobre 1964.

(1). Abandonné par ses parents, il conservera le nom de sa famille d’adoption, Carr.