Ce chanteur-guitariste fait partie des très rares artistes dont on ne connaît pas la date exacte de naissance, ni même celle de sa mort, et seuls des éléments récents permettent de reconstituer une brève biographie le concernant. Il serait pourtant anormal de l’oublier dans cette rubrique habituellement basée sur des jours précis. D’autant, ses disques en témoignent, qu’il fut un pionnier exemplaire dans un style très personnel entre Piedmont Blues de la Côte Est et Country Blues du Mississippi, et ce depuis les origines dans les années 1920. Il naît Edward Bell en mai 1905 sur la plantation Davis près de Fort Deposit, une petite ville du sud de l’Alabama proche de Montgomery, et grandit quelques kilomètres au sud, à Greenville (à ne pas confondre avec les villes portant le même nom en Caroline du Nord et dans le Mississippi).
Ses premières années sont mal renseignées, mais on sait toutefois qu’il s’est intéressé au blues à partir de 1919 avec un cousin plus âgé également musicien, Joe Pat Dean, qui l’a emmené à Muscle Shoals (la ville deviendra célèbre dans les années 1960 pour ses studios d’enregistrement), cette fois au nord-ouest de l’État. Bell se consacre à l’agriculture mais de plus en plus à la musique, avec d’autres connaissances locales dont un autre chanteur-guitariste, Pollie Bolling, et Dean, qui meurt en 1924 ou 1925, assassiné par un mari jaloux. Il voyage également en Pennsylvanie et dans l’Ohio, où il trouve des engagements. Dans des circonstances toujours non élucidées, il se retrouve en septembre 1927 à Chicago où il enregistre quatre faces pour Paramount, Mamlish blues, Ham bone blues, Frisco whistle blues et Mean conductor blues.
Le premier morceau reste le plus célèbre du bluesman, mais nul ne connaît la signification du terme mamlish, les meilleurs spécialistes s’y cassent les dents et les paroles de la chanson ne nous aident pas davantage (il s’agit peut-être de donner plus de poids à un autre mot…). Au début des années 1970, l’historien Don Kent fondera Mamlish Records, un label de rééditions qui sortira des compilations et des albums des Mississippi Sheiks, de Lonnie Johnson, de Barbecue Bob, de Big Joe Williams et d’Ed Bell avec « Ed Bell’ Mamlish Moan » (1982), qui comprend une sélection de quatorze morceaux. En tout cas, ces quatre chansons initiales démontrent toute l’originalité de Bell : l’alliance de sa voix déclamatoire presque théâtrale et de son jeu de guitare fluide et nuancé générant un blues difficile à rattacher à un courant connu mais plein de ferveur et d’émotion.
En 1929 et 1930, il reprend le chemin des studios, et souvent sous les pseudonymes de Sluefoot Joe et Barefoot Bill, il enregistre dix-huit autres chansons (hélas pas toujours bien enregistrées…), portant son total à vingt-quatre, dont deux en duo avec Pollie Bolling, qui sont toutes disponibles sur l’intégrale « Complete Recorded Works in Chronological Order, 1927-1930 » (Document, 1992). On perd ensuite la trace d’Ed Bell revenu vivre dans son Alabama natal. Dans une interview, sa demi-sœur Pauline Porterfield, las de l’industrie musicale, il est ensuite devenu pasteur à Montgomery. Quant à son décès, il est entouré de mystère : survenu en 1960, 1965 ou 1966 à Greenville, il serait dû selon certaines sources à magie noire, mais selon d’autres sa mort serait simplement naturelle, à moins qu’il fasse partie des victimes d’une des marches en faveur des droits civiques, très fréquentes dans cette région durant les années 1960.
Comme d’habitude, nous terminons avec une sélection de chansons en écoute.
– Mamlish blues en 1927.
– Ham bone blues en 1927.
– Frisco whistle blues en 1927.
– Leaving train blues en 1929 (en tant que Sluefoot Joe).
– Rosca mama blues en 1929 (en tant que Sluefoot Joe).
– Big rock jail en 1929 (en tant que Barefoot Bill).
– Squabbin’ blues en 1930 (en tant que Barefoot Bill).
– I don’t like that en 1930 (en tant que Barefoot Bill) avec Pollie Bolling.
– She’s a fool gal en 1930 sous son nom Ed Bell. Sa dernière chanson…
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