Hier, les États-Unis fêtaient dans la liesse leur fête nationale, comme ils le font chaque année depuis le 4 juillet 1776, date de leur Déclaration d’indépendance. Aujourd’hui, 5 juillet 2023, cela fait tout juste 171 ans que Frederick Douglass a prononcé ce qui est aujourd’hui considéré comme le plus important discours anti-esclavagiste de l’histoire, « What to the Slave Is the Fourth of July? » (« Que représente le 4 juillet pour l’esclave ? »). Dès le début, la réponse prend le ton d’un violent pamphlet : « Je réponds : un jour qui lui révèle, plus que tout autre jour de l’année, l’injustice et la cruauté ignobles dont il est constamment victime ; pour lui, votre célébration est une imposture ; votre liberté vantée, un laissez-passer impie ; votre grandeur nationale, une vanité ampoulée ; vos réjouissances bruyantes sont vides et cruelles ; vos dénonciations de tyrans sont des leurres cyniques ; vos cris de liberté et d’égalité, de vaines parodies ; (…) À l’heure qu’il est, aucune nation sur Terre n’est coupable de pratiques plus choquantes et plus sanglantes que le peuple de ces États-Unis. »
Ce 5 juillet 1852, Douglass s’exprime donc au Corinthian Hall de Rochester dans l’État de New York, à l’invitation de la Rochester Ladies’ Anti-Slavery Society. Il existe des transcriptions, écrites et même audio, disponibles en ligne, ainsi qu’une version en français, publiée en 2022 chez Payot sous le sous le titre Liberté pour l’esclave. Dans notre article n° 500 du 10 mai 1922, nous avions évoqué le parcours de Frederick Douglass (1817 ou 1818-1895), né esclave avant de devenir le plus important leader abolitionniste de son temps, le défenseur des droits des Noirs auprès du président Lincoln et même le premier candidat afro-américain à la vice-présidence des États-Unis en 1872, soit tout juste 20 ans après son célèbre discours…. Mais l’éminent personnage nous intéresse aussi car dès 1845, dans son autobiographie, Narrative of the Life of Frederick Douglass, an American Slave, Written by Himself (1), il fait partie des premiers auteurs à décrire de façon précise des chants d’esclaves comme des field hollers et des works songs, lesquels sont comme nous le savons à l’origine du blues.
Pour conclure cet article, voici une sélection de chansons dans l’esprit et inspirés des field hollers et des works songs, qui datent évidemment du XXe siècle faute d’enregistrements d’époque. On les doit généralement à des musicologues envoyés par des institutions comme la Bibliothèque du Congrès, et ce sont des documents rares et peu diffusés.
– Long John en 1934 par des prisonniers.
– Field holler en 1939 par Roosevelt « Giant » Hudson.
– Early in the morning en 1959 par Johnny Lee Moore.
– Oh lady, you’re mashing me toe en 1962 par la Hodge Family.
– Hammer ring en 1965 par des prisonniers.
– Work song en 1966 par Nina Simone.
– Field holler en 1978 par Belton Sutherland.
– Recueil de témoignages et de field hollers en 1978 par Joe Savage.
– Way down in the valley en 1978 par Clyde Maxwell.
(1) Édition française : La vie de Frederick Douglass, un esclave américain, écrite par lui-même (Gallimard, 2006).
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