L’affiche originale. © : Reddit.

Forcément, quand on pense festival en 1969, Woodstock vient facilement à l’esprit. Mais une quinzaine de jours avant la grand-messe pop/rock qui se déroula du 15 au 18 août cette même année, un autre événement dédié au blues vit le jour. En effet, le 1er août 1969, l’édition inaugurale du Ann Arbor Blues Festival débutait. Ann Arbor est une ville importante du Michigan (environ 100 000 habitants à l’époque), située environ 70 kilomètres à l’ouest de Détroit. Elle est notamment réputée pour son université fondée en 1817, la plus grande de l’État et l’une des plus anciennes du pays. C’est justement dans ce cadre que des étudiants amateurs de blues (mais dont les connaissances semblent limitées aux acteurs du blues britannique…), dont John Fishel et Cary Gordon, envisagent de créer un festival, pour lequel ils obtiennent le soutien financier de l’université.

Buddy Guy et Junior Wells, Ann Arbor Blues Festival, 1969. © : Jim Marshall / San Francisco Art Exchange.

C’était assurément une gageure, et pour tout mettre de leur côté, les étudiants se rendent à Chicago, où ils rencontrent Bob Koester qui les emmène dans les clubs de la ville et leur permet de rencontrer de nombreux bluesmen. Après un essai avec Luther Allison, la première édition du festival est programmée du 1er au 3 août 1969 sur le site de Fuller Flatlands, sur les berges de la rivière Huron. Fishel, Gordon et ses copains ne le savent pas encore, mais ils viennent de créer le premier festival exclusivement dédié au blues ! Pour vous en convaincre, inutile d’aller plus loin, voici simplement la liste des artistes à l’affiche.

Howlin’ Wolf, Ann Arbor Blues Festival, 1969. © : Doug Fulton.

– 1er août (soirée). Jimmy Dawkins, B.B. King, Fred McDowell, « St. Louis » Jimmy Oden et Junior Wells (avec Buddy Guy).
– 2 août (soirée). Luther Allison, Clifton Chenier, Sleepy John Estes, Roosevelt Sykes, Muddy Waters et Howlin’ Wolf.
– 3 août (après-midi). Arthur « Big Boy » Crudup, John Lee Hooker, Freddie King, « St. Louis » Jimmy Oden et Big Mama Thornton.
– 3 août (soirée). James Cotton, Lightnin’ Hopkins Son House, Charlie Musselwhite avec Freddy Roulette, Magic Sam et T-Bone Walker.
Non, vous ne rêvez pas. Il va de soi, même compte tenu du recul, que si je devais à titre personnel choisir entre Ann Arbor et Woodstock, je n’hésiterais pas une demi-seconde…

B.B. King, Ann Arbor Blues Festival, 1969. © : Tom Copi / Detroit Free Press

Cette première édition, qui se déroule alors que la lutte pour les droits civiques est loin d’être terminée, attire un public mixte composé de Noirs et de Blancs. C’est d’ailleurs un succès avec quelque 20 000 spectateurs. Mais la suite de l’histoire est chaotique. En 1970, malgré un plateau aussi exceptionnel que l’année précédente, la concurrence d’un festival rock à proximité aux mêmes dates n’est pas sans conséquence, et l’université décide de ne plus investir. Annulé en 1971, le festival revient de 1972 à 1974, là encore avec de belles programmations qui s’ouvrent au jazz, puis il disparaît jusqu’en 1992. Il perdure jusqu’en 2006, connaît une nouvelle longue interruption, revient en 2017 puis en 2021. En 2019, pour les cinquante ans de la fondation de ce festival essentiel qui ouvrit bien des portes, Third Man Records a sorti un album de l’édition de 1969 (« Ann Arbor Blues Festival »), dont nous vous proposons quelques extraits en écoute.

Muddy Waters, Ann Arbor Blues Festival, 1969. © : Tom Copi / Michael Ochs Archive / Getty Images.

Too much alcohol par J.B. Hutto and the Hawks.
Help me (A tribute to Sonny Boy Williamson) par Junior Wells.
John Henry par Fred McDowell.
Tu m’as promis l’amour (You promised me love) par Clifton Chenier.
Hard luck par Howlin’ Wolf

 

© : Soul Bag.